C. PROTÉGER LE CONSOMMATEUR EN AFFAIBLISSANT LA DGCCRF : INCONSÉQUENCE OU HYPOCRISIE ?
Une autre contradiction majeure doit être soulignée : celle existant entre la volonté affichée par le Gouvernement de renforcer les droits des consommateurs et l'application méthodique avec laquelle, au nom de la RGPP, il affaiblit l'un des principaux outils de défense des consommateurs, à savoir la DGCCRF.
1. La protection du consommateur : droits formels et droits réels
Comme le droit du travail, le droit de la consommation régit une relation contractuelle substantiellement déséquilibrée où l'une des parties se trouve en position de faiblesse par rapport à l'autre. L'asymétrie d'information sur la qualité des produits et sur les règles juridiques encadrant l'échange, notamment en ce qui concerne les droits et obligations des contractants, ainsi que l'inégale surface financière du vendeur et de l'acheteur placent en effet le consommateur en situation structurelle de vulnérabilité . Partant de ce constat, le droit de la consommation est conçu comme un droit correcteur d'une inégalité de fait, un droit qui impose des obligations renforcées à la partie en position de force et confère des droits étoffés à la partie en situation de faiblesse.
Comme le droit du travail, le droit de la consommation est confronté cependant de manière particulièrement aiguë à la question de son effectivité . Les droits créés doivent en effet être exercés. Or, sans soutien institutionnel, le consommateur, isolé, risque fort de ne pas bien connaître ses droits, de ne pas avoir les moyens de les défendre ou d'être dissuadé de les faire respecter si cela engendre pour lui des coûts supérieurs au préjudice dont il est victime.
Comme le droit du travail, le droit de la consommation n'a donc de sens que si la production normative s'accompagne de la mise en place d'institutions spécifiques chargées d'épauler la partie en situation de faiblesse en contrôlant les pratiques professionnelles, en rappelant les normes, en prévenant les abus et, le cas échéant, en les corrigeant et en les sanctionnant. Si ces institutions de contrôle et de sanction n'existent pas, ou si elles ne disposent pas des moyens de fonctionner correctement, les droits créés restent lettre morte.
2. La DGCCRF, victime de la révision générale des politiques publiques
C'est précisément à ce niveau qu'apparaissent des doutes sérieux quant à la sincérité des annonces du Gouvernement en matière de défense des consommateurs. D'un côté, celui-ci prétend créer des droits nouveaux et sauvegarder le pouvoir d'achat. De l'autre, on voit, année après année, diminuer les moyens financiers et humains de la DGCCRF, alors même qu'elle est la principale garante de l'effectivité des contrôles et du respect des règles. Il y a là une contradiction de fond entre les discours et les actes .
À cet égard, le récent rapport pour avis de votre commission sur la mission budgétaire « Économie 10 ( * ) » fournit un diagnostic détaillé sur l'évolution en ciseau des missions et des moyens de la DGCCRF et pointe les difficultés qui en découlent. Entre 2008 et 2012, les effectifs de cette administration sont en effet passés de 3 562 à 3 053 agents, soit une baisse de 15 % , alors que, dans le même temps, le champ de ses obligations de contrôle ne cesse de s'étendre sous l'effet du droit interne et du droit européen. Le recul des effectifs s'accompagne sans surprise d'une baisse sensible et inquiétante du nombre de contrôles. En 2006, dernière année avant que ne s'amorce la tendance à la baisse des effectifs, on dénombrait ainsi un million de contrôles. En 2010, on n'en compte plus que 870 000 ( - 13 % ).
Si les suites à visée dite pédagogique données à ces contrôles, à savoir les simples rappels à réglementation pour les manquements mineurs, sont en très forte augmentation (+ 53 %) sur la période, les suites dites correctives ou répressives 11 ( * ) sont, elles, en fort recul. Elles passent de 31 309 en 2007 à 28 159 en 2010 (- 10 %). Enfin, certains indices suggèrent que la réorganisation des services déconcentrés de la CCRF, particulièrement au niveau départemental, a conduit à une désorganisation et à une perte d'efficience du travail des agents sous l'effet de leur marginalisation au sein des nouvelles équipes pluridisciplinaires.
* 10 Evelyne Didier, mission « Économie » (Projet de loi de finances pour 2012), avis numéro 111 Tome III, fait au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, pp. 25-36.
* 11 Autrement dit les mesures coercitives de police administrative et les suites judiciaires.