EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le Sénat est saisi de la proposition de loi n° 56 rectifié (2011-2012) de Mme Françoise Laborde et des membres du groupe RDSE.
Ce texte, déposé au Sénat le 25 octobre 2011, s'inscrit dans le contexte de l'affaire de la crèche associative « Baby Loup » : une salariée y a été licenciée en 2008 après avoir refusé d'ôter son voile. Le Conseil de Prud'hommes de Mantes-la-Jolie a, le 13 décembre 2010, débouté la salariée qui contestait son licenciement, décision confirmée en appel le 27 octobre dernier.
La proposition entend s'appuyer sur cette jurisprudence pour étendre l'obligation de neutralité religieuse au personnel des structures privées d'accueil d'enfants de moins de six ans (crèches, centres de vacances et de loisirs...) et aux assistants maternels.
Le texte vise ainsi à franchir une nouvelle étape dans le renforcement de la laïcité dans notre pays et complète le dispositif législatif juridique qui y concourt, marqué notamment par deux lois adoptées au cours de la dernière décennie :
- la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public ;
- la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 qui encadre le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics.
Votre commission vous propose un dispositif conforme à la fois aux objectifs poursuivis par le texte et pleinement respectueux des droits et libertés.
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I. LA PROPOSITION DE LOI : ÉTENDRE L'OBLIGATION DE NEUTRALITÉ AU PERSONNEL DE DROIT PRIVÉ ACCUEILLANT DES ENFANTS
A. UNE NOUVELLE ETAPE APRÈS LA LOI DU 15 MARS 2004
La présente proposition de loi entend permettre à notre pays de franchir une nouvelle étape dans l'application du principe de laïcité.
Ce texte s'inscrit ainsi, comme le souligne son exposé des motifs, dans le prolongement de la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 qui prohibe, dans les écoles, collèges et lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.
Cette loi entendait marquer la spécificité de l'école, où les conflits que peut entraîner le port de signes religieux sont incompatibles avec sa mission éducative et de formation des futurs citoyens. Il s'agissait ainsi de ne pas exposer les élèves à des influences religieuses et de favoriser l'acquisition sereine des valeurs et des connaissances.
Cette volonté traduit un changement de paradigme en matière de laïcité. En effet, en vertu de principes jurisprudentiels anciens 1 ( * ) , les agents publics concourant à l'exercice d'un service public, tels que les enseignants, sont soumis à une obligation de stricte neutralité confessionnelle. En revanche, cette obligation ne s'imposait pas aux usagers du service public.
La loi du 15 mars 2004 applique pour la première fois le principe de laïcité non pas aux agents mais à certains usagers de services publics , en l'occurrence les élèves des établissements publics primaires et secondaires, et ce, au nom de leur protection.
* 1 Cf. infra.