B. DES ÉCARTS IMPORTANTS AVEC LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE : UNE RÉVISION À LA BAISSE DES DÉPENSES DE 2 MILLIARDS D'EUROS SUR LA PÉRIODE 2009-2013
1. De moindres recettes et des révisions à la baisse des dépenses par rapport aux prévisions de la LPM
a) La loi de programmation des finances publiques : un manque de visibilité préjudiciable au budget de la défense
Le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014, censé donner de la visibilité aux gestionnaires, a créé en réalité de fortes incertitudes, particulièrement importantes dans le cas de la mission « Défense ».
Lors de l'examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances avaient déjà souligné les conséquences de la LPFP pour la mission « Défense », sur la base des travaux de notre collègue Philippe Marini, alors rapporteur général, sur le projet de loi de programmation des finances publiques, qui faisait déjà apparaître un consensus sur la fragilisation du budget de la défense, suite à l'adoption de la LPFP, par rapport aux objectifs fixés dans la LPM :
« L'effort discrétionnaire de réduction du déficit public découlant du projet de loi est de toute évidence insuffisant pour ramener le déficit public à 3 points de PIB en 2013, comme cela a été souligné par la commission des finances dans le rapport présenté par son rapporteur général sur ce texte [la LPFP]. En effet, cet effort structurel a été « calibré » en fonction d'une hypothèse de croissance du PIB de 2 % en 2011 et 2,5 % de 2012 à 2014, manifestement optimiste, comme la commission des finances a eu l'occasion de le souligner. Selon les calculs de celle-ci, si la croissance du PIB était de « seulement » 2 % par an sur l'ensemble de la période, sans effort supplémentaire le déficit public serait encore de 3,8 points de PIB en 2013. Aussi, le Sénat a-t-il adopté un amendement présenté en séance publique par le Gouvernement à l'initiative de la commission des finances, précisant que si la croissance était inférieure de 0,5 point aux prévisions, cela impliquerait un effort supplémentaire de 4 à 6 milliards d'euros par an au moins, qui reposerait sur « des mesures d'économies supplémentaires sur les dépenses et les niches fiscales ou sociales » .
« Comme la croissance risque d'être nettement inférieure aux prévisions du Gouvernement pour les années qui viennent, il faut s'attendre à des mesures d'économies supplémentaires par rapport à celles explicitement prévues par la nouvelle programmation triennale ».
Les travaux de votre rapporteure générale sur le PLF 2012 ont confirmé ces prévisions : la préparation du PLF 2012 par le Gouvernement a été basée sur une prévision de croissance de 1,75 %, manifestement optimiste par rapport au consensus des experts, et pourtant déjà nettement inférieure à la prévision de la LPM pour 2012 (2,5 %), tandis que l'objectif affiché de réduction du déficit public ne s'établit plus qu'à 3,5 % du PIB en 2013 (au lieu de 3 % à cette même date dans la LPFP).
b) De la LPM à la programmation révisée : 2 milliards d'euros de dépenses militaires en moins sur la période 2009-2013
D'après les données fournies par le ministère de la défense et des anciens combattants, et détaillées dans le tableau ci-après, pour l'ensemble des exercices 2009 à 2013 inclus, la programmation des dépenses de la mission « Défense » révisées par rapport à la LPM conduit à un réajustement à la baisse des dépenses à hauteur de 2 milliards d'euros sur les cinq premières années de la LPM (soit 1,7 % des dépenses prévues par la LPM sur la période 2009-2013), atteignant même 2,6 milliards d'euros pour les années 2010-2013 .
Compte tenu de la dynamique propre aux dépenses de fonctionnement et d'activité (qui dépassent de 1,8 milliards d'euros les prévisions de la LPM entre 2009 et 2013), notamment des dépenses de personnel, la révision à la baisse des dépenses porte sur les dépenses d'équipement, en diminution de 4 milliards d'euros entre 2010 et 2013 par rapport aux prévisions de la LPM. Parmi les dépenses d'équipement, ce sont les grands programmes (hors dissuasion nucléaire) dont les crédits sont les plus fortement révisés à la baisse (- 2,7 milliards d'euros ), alors que les dotations liées à l'effort de dissuasion sont pratiquement maintenues (- 0,1 milliard d'euros).
La ventilation des dépenses de la mission « Défense » : de la LPM 2009-2014 à la programmation révisée
(en milliards d'euros de 2008, et à périmètre 2008 hors pensions)
LPM 2009-2014 |
Programmation révisée du ministère de la défense |
Ecart* |
||||||||||||||||||
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2009-2013 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2009-2013 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2009-2013 |
2010-2013 |
|
Equipements |
17,5 |
17,2 |
16,0 |
16,5 |
17,1 |
17,7 |
84,3 |
17,7 |
15,5 |
15,4 |
15,8 |
16,1 |
80,5 |
0,2 |
-1,7 |
-0,6 |
-0,7 |
-1,0 |
-3,8 |
-4,0 |
dont : |
||||||||||||||||||||
dissuasion |
3,7 |
3,5 |
3,2 |
3,3 |
3,2 |
3,3 |
16,9 |
3,8 |
3,3 |
3,2 |
3,3 |
3,2 |
16,8 |
0,1 |
-0,2 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
-0,1 |
-0,2 |
entretien programmé des équipements et du personnel |
2,9 |
3,0 |
2,8 |
2,8 |
2,8 |
2,9 |
14,3 |
3,0 |
2,7 |
2,6 |
2,8 |
2,8 |
13,9 |
0,1 |
-0,3 |
-0,2 |
0,0 |
0,0 |
-0,4 |
-0,5 |
infrastructure |
1,3 |
1,3 |
1,5 |
1,4 |
1,4 |
1,1 |
6,9 |
1,2 |
1,1 |
1,4 |
1,4 |
1,4 |
6,5 |
-0,1 |
-0,2 |
-0,1 |
0,0 |
0,0 |
-0,4 |
-0,3 |
études de défense hors dissuasion |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
4,5 |
0,9 |
0,9 |
0,9 |
0,8 |
0,8 |
4,3 |
0,0 |
0,0 |
0,0 |
-0,1 |
-0,1 |
-0,2 |
-0,2 |
grands programmes hors dissuasion |
8,7 |
8,5 |
7,6 |
8,1 |
8,8 |
9,5 |
41,7 |
8,8 |
7,5 |
7,3 |
7,5 |
7,9 |
39,0 |
0,1 |
-1,0 |
-0,3 |
-0,6 |
-0,9 |
-2,7 |
-2,8 |
Fonctionnement et activité |
14,7 |
14,4 |
14,1 |
13,9 |
13,6 |
13,2 |
70,7 |
15,1 |
15,0 |
14,5 |
14,2 |
13,7 |
72,5 |
0,4 |
0,6 |
0,4 |
0,3 |
0,1 |
1,8 |
1,4 |
Total |
32,2 |
31,6 |
30,1 |
30,4 |
30,7 |
30,9 |
155,0 |
32,8 |
30,5 |
29,9 |
30,0 |
29,8 |
153,0 |
0,6 |
-1,1 |
-0,2 |
-0,4 |
-0,9 |
-2,0 |
- 2,6 |
Sources : ministère de la défense, sauf (*) calculs des rapporteurs spéciaux
Lors de l'examen du PLF 2011, les rapporteurs spéciaux de votre commission des finances s'étaient déjà inquiétés du risque de « cannibalisation » des dépenses d'équipement par les dépenses de fonctionnement à hauteur de plusieurs milliards d'euros .
Ce risque est aujourd'hui pleinement avéré, et ce malgré les mises en garde qu'avaient formulées votre commission des finances . L'exécution 2010 , en particulier, a montré que la réalisation des grands programmes d'équipement (hors dissuasion) n'a atteint que 7,5 milliards d'euros (alors que la prévision de la LPM s'élevait à 8,5 milliards d'euros), soit des coupes dans ces dépenses à hauteur de 12 % .