(2) Des dépenses dont la comptabilisation en APD reste discutable
La partie non programmable de l'APD bilatérale française comprend en particulier les traitements de dettes des pays pauvres, mais aussi certaines dépenses dont la comptabilisation en APD est critiquable :
- l'aide versée à Wallis-et-Futuna , qui ne correspond pas à l'acception commune de l'aide au développement visant normalement les Etats étrangers ( 90 millions d'euros en 2010) ; l'APD à Mayotte (soit 450 millions d'euros en 2010) est restée incluse dans le montant français d'APD jusqu'à son accession au statut de département à compter du 1 er janvier 2011 ;
- l' aide aux réfugiés originaires des pays en développement , dont rend compte le programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et intégration » (soit 80 % de l'aide versée à l'ensemble des réfugiés dans le PLF 2012 10 ( * ) , représentant un montant de 320 millions d'euros ).
Des interrogations demeurent aussi sur l'inscription en APD des frais relatifs à l' écolage des étudiants ressortissants de pays en développement , inclus dans les frais d'écolage de l'ensemble des étudiants étrangers en France figurant également au programme 303 « Immigration et asile » de la mission « Immigration, asile et développement ». Le montant de ces dépenses peut être estimé à un demi-milliard d'euros, au regard des sommes inscrites au PLF 2012 et de la proportion d'étudiants étrangers originaires de pays en développement.
A l'inverse, certaines dépenses publiques qui concourent effectivement au développement ne sont pas comptabilisables en APD selon les normes du CAD, notamment la dépense fiscale assise sur les dons aux organisations de solidarité internationale (OSI), les mécanismes de garantie, la sécurisation de l'aide alimentaire et une part de la coopération militaire et de défense.
c) Une aide concentrée sur l'Afrique et les pays à revenu intermédiaire
Les données publiques sur la répartition de l'APD par continent proviennent du DPT relatif à la politique française en faveur du développement, annexé au PLF 2012, dont les données les plus récentes concernent l'année 2010.
L' Afrique reste le continent premier bénéficiaire de l'APD bilatérale française , tous instruments confondus, dont elle a représenté 54 % en 2010. L' Afrique subsaharienne , à elle seule, a été destinataire de 46 % de cette aide. Il s'agit là d'un recul de la part relative des efforts mis en oeuvre pour soutenir cette région du monde, après la progression enregistrée en 2009, comme le fait apparaître le tableau ci-dessous.
A plus long terme, le recul est encore plus net puisque l'Afrique subsaharienne, en 2006, concentrait 57 % de l'aide bilatérale de notre pays. Depuis lors, un net rééquilibrage s'est produit en faveur de l'Asie : en 2010, l'Extrême-Orient a recueilli 14 % de l'aide bilatérale.
Répartition géographique de l'APD bilatérale française
(en % de l'APD totale)
Afrique subsaharienne |
Afrique du nord |
Moyen-Orient |
Europe |
Extrême-Orient |
Asie du sud |
Amérique latine |
Océanie |
Non spécifié |
|
2007 |
46 % |
10 % |
16 % |
4 % |
5 % |
3 % |
6 % |
2 % |
8 % |
2008 |
42 % |
10 % |
12 % |
7 % |
8 % |
3 % |
3 % |
2 % |
13 % |
2009 |
49 % |
9 % |
5 % |
4 % |
11 % |
3 % |
3 % |
2 % |
14 % |
2010 |
46 % |
8 % |
3 % |
3 % |
14 % |
3 % |
8 % |
2 % |
13 % |
Source : DPT « Politique française en faveur du développement » annexé au PLF pour 2012 et DPT antérieurs
En moyenne, les pays qui bénéficient de la majeure part de cette aide sont des pays à revenu intermédiaire , comme le détaillent les tableaux ci-après, d'après les données de l'OCDE qui détaille la répartition de l'APD par catégorie d'aide et suivant quatre groupes de pays : les pays les moins avancés (PMA), pays à faible revenu (PFR), pays à revenu intermédiaire tranche inférieure (PRITI), pays à revenu intermédiaire tranche supérieure (PRITS).
APD bilatérale de la France par groupe de pays bénéficiaires et catégorie d'aide
(en millions d'euros)
APD nette |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|||
PMA |
Aide bilatérale |
Dons a |
Total |
1 007 |
892 |
773 |
726 |
808 |
Prêts |
Nets |
-186 |
-30 |
-26 |
10 |
-1 |
||
Bruts |
10 |
36 |
67 |
53 |
70 |
|||
Réaménagements de dette b |
164 |
168 |
159 |
58 |
299 |
|||
Aide multilatérale imputée c |
1 115 |
1 142 |
1 287 |
1 557 |
nd |
|||
APD bilatérale totale nette |
986 |
1 030 |
907 |
793 |
1 106 |
APD nette |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|||
Autres PFR |
Aide bilatérale |
Dons a |
Total |
203 |
167 |
117 |
109 |
115 |
Prêts |
Nets |
47 |
100 |
117 |
89 |
234 |
||
Bruts |
96 |
145 |
170 |
161 |
296 |
|||
Réaménagements de dette b |
1 631 |
12 |
3 |
857 |
81 |
|||
Aide multilatérale imputée c |
232 |
287 |
271 |
527 |
nd |
|||
APD bilatérale totale nette |
1 881 |
280 |
238 |
1 054 |
430 |
APD nette |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|||
PRITI |
Aide bilatérale |
Dons a |
Total |
1 160 |
1 163 |
960 |
963 |
965 |
Prêts |
Nets |
-277 |
-383 |
-53 |
219 |
494 |
||
Bruts |
321 |
295 |
526 |
813 |
1 059 |
|||
Réaménagements de dette b |
1 028 |
942 |
545 |
124 |
724 |
|||
Aide multilatérale imputée c |
676 |
658 |
691 |
852 |
nd |
|||
APD bilatérale totale nette |
1 911 |
1 722 |
1 452 |
1 307 |
2 183 |
APD nette |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
|||
PRITS |
Aide bilatérale |
Dons a |
Total |
563 |
652 |
578 |
622 |
656 |
Prêts |
Nets |
47 |
114 |
332 |
96 |
277 |
||
Bruts |
163 |
219 |
453 |
196 |
426 |
|||
Réaménagements de dette b |
83 |
1 |
1 |
19 |
12 |
|||
Aide multilatérale imputée c |
269 |
244 |
274 |
351 |
nd |
|||
APD bilatérale totale nette |
693 |
767 |
911 |
737 |
945 |
a : Par don, l'OCDE entend un transfert en espèces ou en nature qui n'entraîne pas d'obligation juridique de remboursement pour le bénéficiaire. Dans les statistiques du CAD, sont considérés comme des dons, les subventions projets, la coopération technique (dont les écolages), l'aide alimentaire à des fins de développement, l'aide humanitaire, les remises de dettes, les aides consenties à des organisations non gouvernementales, les frais administratifs, et le coût des réfugiés dans le pays donneur.
b : Annulations nettes et refinancement.
c : Méthode de calcul de l'aide multilatérale imputée par l'OCDE : calcul dans un premier temps des flux d'aide que dédie une certaine agence multilatérale à un secteur en particulier comme proportion des flux d'aide totaux de la dite agence. La proportion obtenue pour chacune des agences multilatérales est appliquée aux contributions des donneurs au budget régulier de cette agence l'année n+2. Les montants résultants représentent les apports des donneurs imputés à un secteur en particulier à travers cette agence.
n.d. : données non disponibles
Source: OCDE
Cependant, vos rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la pertinence de certaines de ces interventions sous le label « aide au développement ».
Ainsi, les montants engagés au titre de l'APD pour la Chine et le Mexique ont occupé respectivement, en 2010, les troisième et huitième rangs parmi les pays bénéficiaires de notre aide bilatérale, comme détaillé dans le tableau ci-après. Cette situation s'explique notamment par l'aide apportée à la scolarité en France des étudiants chinois et mexicains.
Les cas de Mayotte et de Wallis-et-Futuna, territoires français dont l'aide ne devrait pas être comptabilisée en APD, ont été discutés ci-dessus.
Un pays d'Afrique subsaharienne, la République démocratique du Congo, identifié comme faisant partie des Etats prioritaires, reste cependant le principal récipiendaire de l'aide française. Mais la hiérarchie des bénéficiaires de l'APD française varie fortement d'une année sur l'autre, étant très dépendante des mesures d'annulation et de restructuration de dette : en 2009, le principal bénéficiaire de l'APD française était la Côte d'Ivoire (860 millions d'euros), qui ne figure en 2010 qu'au quinzième rang, en ayant reçu une APD de 110 millions d'euros.
Principaux bénéficiaires de l'APD bilatérale française en 2010
(en millions d'euros)
Source : réponse aux questionnaires budgétaires, d'après les données transmises à l'OCDE en septembre 2011
* 10 Proportion retenue en fonction du nombre de premières demandes émanant de ressortissants d'Etats entrant dans le champ de l'APD présentées, l'année dernière, à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).