2. L'incidence de mesures votées les années précédentes sur la dégradation des comptes
Cependant, le tarissement des recettes en raison du contexte économique dégradé n'est pas le seul facteur explicatif du déficit structurel de la branche famille. Celui-ci est aussi imputable à plusieurs mesures votées ces dernières années.
a) Les transferts de charges sur la branche famille
La prise en charge, par la branche famille, de dépenses assumées jusque-là par d'autres branches de la sécurité sociale, en particulier la branche vieillesse, a fortement contribué à fragiliser sa situation financière.
Les deux versements au titre des droits familiaux de retraite , l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) d'une part, et la majoration de pension pour les assurés ayant élevé trois enfants et plus, d'autre part, devraient ainsi s'élever à 8,8 milliards d'euros en 2011 .
Il apparaît donc clairement que le déficit de la branche famille s'explique aussi par un choix de politique économique ayant consisté à mettre à contribution la branche famille plutôt que de créer de nouvelles recettes pour combler le déficit de financement du système de retraite. Le rapport sur la programmation des finances publiques pour la période 2009 à 2012 est particulièrement explicite :
« Dans le cadre d'une approche d'ensemble du financement de notre système de protection sociale, l'excédent de recettes de la branche famille par rapport à ses dépenses doit pouvoir, sur la période à venir, être mobilisé en bonne part pour le financement d'autres priorités sociales, liées au vieillissement de la population et notamment au financement des retraites » .
b) Les coûts de gestion associés à la gestion de prestations servies pour le compte de tiers
La branche famille doit également faire face à des dépenses supplémentaires issues de la gestion de prestations servies pour le compte de tiers.
L'Etat a en effet progressivement confié aux caisses d'allocations familiales (Caf) le versement d'allocations autres que les prestations familiales, principalement l'allocation aux adultes handicapés (AAH), le revenu de solidarité active (RSA) pour sa partie activité et certaines allocations logement. En outre, les Caf versent pour le compte des départements le RSA « socle », qui a pris la suite du revenu minimum d'insertion (RMI) et de l'allocation de parent isolé (API).
Ces prestations représentent aujourd'hui 45 % du volume total des prestations servies par les Caf (soit 28 milliards d'euros sur 62 milliards). Elles sont, en termes de charges de gestion, plus lourdes que les prestations familiales classiques . Dès lors, les prestations pour le compte de tiers constituent désormais la majeure partie de l'activité des caisses.
Actuellement, si certaines de ces prestations donnent lieu au versement de frais de gestion, ce n'est pas le cas pour toutes : l'AAH, par exemple, ne donne pas lieu au remboursement des frais de gestion par l'Etat.
Soulevant ce problème dans son rapport de septembre 2011 sur la sécurité sociale, la Cour des comptes recommande que soit mise en place une facturation systématique des frais de gestion fondée sur les coûts réels, de manière à rétribuer les caisses à la mesure de l'effort que représente la gestion de ces prestations.
c) La montée en charge du prêt à l'amélioration de l'accueil du jeune enfant pour les assistants maternels
Créé puis modifié par les lois de financement pour 2010 et 2011, le prêt à l'amélioration du lieu d'accueil de l'enfant, destiné aux assistants maternels et financé par la branche famille, connaît une montée en charge rapide. Ce prêt à taux zéro a pour objectif de financer des travaux visant à améliorer le lieu d'accueil, la santé ou la sécurité des enfants accueillis au domicile de l'assistant maternel ou en maison d'assistants maternels, ou à faciliter l'obtention, le renouvellement ou l'extension de l'agrément pour un assistant maternel exerçant à domicile. D'un montant maximum de 10 000 euros, il est versé dans la limite de 80 % des dépenses engagées et est accordé sans conditions de ressources.
Selon la Cnaf, en décembre 2010, seuls 219 assistants maternels bénéficiaient de ce prêt, pour un montant d'environ 900 000 euros. En août 2011, ils étaient 1 388, pour un montant d'environ 7,4 millions d'euros .
d) Des mesures d'économies peu convaincantes
Outre les nouvelles charges imposées à la branche famille, deux mesures d'économies ont été prises ces dernières années : l'unification des majorations pour âge des allocations familiales et la suppression de la rétroactivité de l'effet des aides au logement. Leur bilan n'est toutefois guère probant à ce stade.
La loi de financement pour 2008 a prévu la mise en place, à compter du 1 er mai 2008, de l'unification des majorations pour âge des allocations familiales. Une seule majoration est désormais servie à partir de quatorze ans, contre deux auparavant, respectivement à onze et seize ans. Cette mesure a produit des économies à caractère temporaire résultant du non-versement de la majoration aux enfants atteignant l'âge de onze euros à partir du 1 er mai 2008. Selon le Gouvernement, le montant des économies résultant de ce dispositif s'est élevé à 383 millions d'euros en 2010 et atteindrait 529 millions en 2011.
Cependant, les nouvelles majorations versées aux enfants qui ont eu quatorze ans à compter de mai 2011 représenteraient un coût de 27 millions d'euros en 2011 ; au final, l'économie nette ne serait donc plus que de 502 millions.
Par ailleurs, la loi de financement pour 2011 a supprimé la rétroactivité de l'effet des aides personnelles au logement. Depuis le 1 er janvier dernier, les bénéficiaires de l'allocation de logement familiale (ALF), de l'allocation de logement sociale (ALS) ou de l'aide personnalisée au logement (APL) ne peuvent plus bénéficier d'une rétroactivité de leurs aides pour les trois mois précédant leur demande, s'ils remplissaient antérieurement les conditions d'octroi. Les droits des allocataires sont dorénavant ouverts à la date du dépôt de leur dossier, sans rétroactivité possible.
Lors de l'examen du texte, le Gouvernement avait évoqué une économie de 240 millions d'euros pour les finances publiques et sociales, dont 120 millions pour la branche famille. Or, une première évaluation réalisée par la Cnaf fait d'état d' une économie de seulement 175 millions d'euros pour 2011 .