B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION
1. Limiter l'usage du fichier biométrique à la seule lutte contre la fraude à l'identité, en doublant les garanties juridiques de garanties matérielles
L'utilisation du fichier central biométrique dans le cadre de recherches criminelles, pour identifier une personne uniquement à partir des empreintes retrouvées sur le lieu d'un crime, pose problème : les impératifs de la sécurité publique peuvent-ils justifier les restrictions apportées à l'exercice de la liberté individuelle et au respect de la vie privée ? À terme, ce fichier pourrait porter sur l'ensemble de la population française, ce qui constitue, par rapport aux fichiers de police actuels, un changement d'échelle sans précédent. En effet, contrairement aux fichiers précités, l'enregistrement dans la base biométrique sera indistinct et ne portera pas exclusivement sur des personnes faisant l'objet d'une suspicion légitime.
À l'initiative de son rapporteur, votre commission a considéré que le fichier étant constitué, conformément à l'intention des auteurs de la proposition de loi, pour permettre de lutter contre la fraude à l'identité, il convenait d'en limiter l'usage à cette seule finalité et interdire toute utilisation à des fins de recherche criminelle.
Elle a adopté à cette fin un amendement de son rapporteur, à l'article 5 , doublant les garanties juridiques apportées à l'utilisation du fichier d'une garantie matérielle, la constitution de la base biométrique selon la technique dite du « lien faible » précédemment décrite, qui rend concrètement impossible l'identification d'une personne uniquement à partir de ses empreintes digitales ou de l'image numérique de son visage, tout en permettant de détecter les fraudes éventuelles à l'identité.
Par un autre amendement de son rapporteur au même article votre commission a par ailleurs précisé que la traçabilité des consultations et des modifications effectuées dans le fichier doit être assurée.
2. Encadrer les vérifications d'identité effectuées à partir des données biométriques
À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement ( article 5 bis ) traduisant la recommandation formulée par la CNIL selon laquelle le recours à des dispositifs de reconnaissance biométrique est légitime dès lors que les données biométriques sont conservées sur un support dont la personne a l'usage exclusif. La vérification de l'identité du possesseur du titre doit être effectuée à partir des données inscrites sur ce document ou dans sa puce électronique. En cas de doute sérieux sur cette identité ou sur l'altération possible du titre, la base centrale pourrait être consultée.
Votre commission a par ailleurs restreint l'accès aux empreintes digitales enregistrées sur le composant électronique aux seuls agents habilités à cet effet.
3. Renforcer les autres instruments de lutte contre la fraude documentaire
Constatant que les solutions simples formulées en 2005 par sa mission d'information sur la nouvelle génération de documents d'identité et la fraude documentaire n'avaient pas toujours été mises en oeuvre, la commission des lois a adopté un amendement de son rapporteur ( article 5 ter ) prévoyant la mise en place d'un fichier susceptible de renseigner les administrations et certains opérateurs économiques habilités sur le statut valide ou non du titre d'identité présenté. Ce dispositif, conçu sur le modèle en vigueur pour les chèques irréguliers (fichier national des chèques irréguliers - FNCI), fournira aux particuliers et aux entreprises, qui n'ont pas le droit d'effectuer un contrôle de l'identité par les empreintes digitales, un instrument efficace pour savoir si le titre qui leur est fourni est bien valide.
Votre commission a par ailleurs adopté deux amendements identiques de MM. Jean-René Lecerf et Bernard Frimat ( article 7 bis ), prévoyant que lorsque le juge ordonne l'annulation d'un acte d'état civil frauduleux en raison d'une usurpation d'identité, et la transcription de cette annulation dans l'acte de naissance de la victime, il précise, dans le dispositif de sa décision, le motif de cette annulation. Ceci doit permettre de distinguer, sur l'acte de naissance, les mentions rectifiées qui sont personnelles à la victime et celles qui résultent de l'usurpation d'identité.
Enfin, à l'article 7 , votre commission a mis en cohérence les quantums de peines d'emprisonnement et d'amende initialement prévus.
4. Donner à l'usager la pleine maîtrise de la fonctionnalité d'identification électronique de la carte d'identité et éviter que ceux qui la refusent soient évincés de certains services
À l'initiative de son rapporteur votre commission a apporté, par un amendement à l'article 3 , deux garanties supplémentaires pour l'usage de la fonction optionnelle d'identification et de signature électronique de la carte nationale d'identité.
En premier lieu, elle a prévu que le titulaire de la carte reste maître des données d'identification qu'il communique à l'occasion de l'utilisation de cette fonctionnalité. En effet, les situations où il est nécessaire de s'identifier totalement dans les échanges en ligne sont rares et il est souhaitable que l'intéressé décide lui-même des informations qu'il communique.
En second lieu, afin de conserver à la fonctionnalité électronique son caractère optionnel et éviter qu'elle devienne un instrument d'exclusion, elle a prévu que ceux qui n'en disposerait pas ou ne souhaiterait pas l'utiliser ne puissent se voir refuser l'accès à un service ou une transaction commerciale ou administrative. Ceux-ci devront donc continuer à rester accessible à chacun dans les conditions du droit actuel.
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Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi rédigée .