CHAPITRE IV - DISPOSITIONS DIVERSES
Article 14 - Habilitation à transposer par voie d'ordonnance la directive du 6 mai 2009 relative au comité d'entreprise européen
Objet : Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, tend à habiliter le Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnance, la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009 concernant l'institution d'un comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation des travailleurs dans les entreprises de dimension communautaire.
I - Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté, en séance publique, un amendement présenté par le Gouvernement l'habilitant à transposer, par voie d'ordonnance, la directive du 6 mai 2009 tendant à modifier les règles applicables au comité d'entreprise européen.
Le comité d'entreprise européen a été institué par la directive 94/45/CE du 22 septembre 1994, qui a été transposée en droit français par la loi n° 96-985 du 12 novembre 1996, relative à l'information et à la consultation des salariés dans les entreprises et les groupes d'entreprises de dimension communautaire, ainsi qu'au développement de la négociation collective. Les dispositions relatives au comité d'entreprise européen figurent aujourd'hui aux articles L. 2341-1 et suivants du code du travail.
En vertu de cette directive, les entreprises (ou les groupes d'entreprises) de dimension communautaire ont l'obligation d'établir un comité d'entreprise européen ou, à défaut, une procédure d'information et de consultation de leurs salariés.
On entend par entreprise de dimension communautaire celle qui emploie au moins mille salariés dans les Etats membres de l'Union européenne (ou de l'EEE) et qui comporte un établissement employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux de ces Etats.
La directive donne la priorité à la négociation collective : un groupe spécial de négociation, composé de représentants des salariés, doit d'abord être constitué afin de tenter d'élaborer, avec l'employeur, un accord pour la mise en place du comité d'entreprise européen ou d'une procédure d'information et de consultation des travailleurs.
Si la négociation échoue, les dispositions subsidiaires prévues par le droit national s'appliquent alors. En France, les articles L. 2343-2 et suivants du code du travail fixent les règles qui doivent être mises en oeuvre en l'absence d'accord.
Ils prévoient que le comité est composé du chef d'entreprise et de représentants du personnel, désignés par les organisations syndicales de salariés parmi leurs élus aux comités d'entreprise ou d'établissement ou leurs représentants syndicaux. Le chef d'entreprise préside le comité, qui désigne un secrétaire. L'entreprise assume les dépenses de fonctionnement du comité, qui peut faire appel à des experts.
Le comité se réunit au moins une fois par an pour examiner, notamment, la structure de l'entreprise ou du groupe, sa situation économique et financière, l'évolution probable de ses activités, la production et les ventes, la situation et l'évolution probable de l'emploi, les investissements, les changements substantiels concernant l'organisation, l'introduction de nouvelles méthodes de travail ou de nouveaux procédés de production, les transferts de production, les fusions, la réduction de la taille ou la fermeture d'entreprises ou d'établissements et les licenciements collectifs.
Après avoir consulté les partenaires sociaux et réalisé une étude d'impact, la Commission européenne a proposé, en 2008, une refonte de la directive, afin de favoriser la création d'un plus grand nombre de comités, de mieux garantir le respect du droit à l'information et à la consultation des travailleurs et de renforcer la sécurité juridique. Ce projet a été adopté par le Parlement européen et le Conseil et est devenu la directive 2009/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 mai 2009.
Cette nouvelle directive introduit d'abord une définition plus précise des notions d'information et de consultation :
- on entend par information la transmission par l'employeur de données aux représentants des travailleurs afin de leur permettre de prendre connaissance du sujet traité et de l'examiner ; l'information s'effectue à un moment, d'une façon et avec un contenu appropriés qui permettent notamment aux représentants des travailleurs de procéder à une évaluation approfondie de son incidence et de préparer éventuellement des consultations avec l'organe compétent de l'entreprise ;
- on entend par consultation l'établissement d'un dialogue et l'échange de vues entre les représentants des travailleurs et la direction de l'entreprise, au niveau le plus approprié, à un moment, d'une façon et avec un contenu qui permettent aux représentants des travailleurs d'exprimer, sur la base des informations fournies et dans un délai raisonnable, un avis concernant les mesures proposées, qui pourra être pris en compte par la direction.
La directive apporte également des compléments aux règles relatives aux modalités de création du comité d'entreprise :
- la direction est tenue de fournir les informations indispensables à l'ouverture des négociations ;
- au sein du groupe spécial de négociation, la répartition des sièges entre les Etats membres obéit à la clé de répartition suivante : 10 % des travailleurs donnent droit à un représentant ;
- le groupe a le droit de se réunir seul avant et après toute réunion avec la direction ;
- les organisations patronales et syndicales européennes sont informées de l'ouverture des négociations en vue d'établir un comité d'entreprise européen ; les syndicats figurent parmi les experts auxquels le groupe spécial de négociation peut faire appel ;
- l'accord instituant le comité tient compte du besoin d'une représentation équilibrée des travailleurs et prévoit les modalités de son adaptation ;
- les prescriptions subsidiaires qui s'appliquent en l'absence d'accord distinguent les domaines qui donnent lieu à une information et ceux qui donnent lieu à une consultation et prévoient la possibilité de recevoir une réponse motivée à un avis ;
- quand la structure de l'entreprise ou du groupe change de façon significative, le comité est adapté en application des clauses prévues par l'accord ou, à défaut de clause, en suivant la procédure de négociation en vue de la conclusion d'un nouvel accord.
En ce qui concerne le fonctionnement du comité d'entreprise, la directive pose d'abord un principe selon lequel les modalités d'information et de consultation des travailleurs sont définies et mises en oeuvre de façon à en assurer l'effet utile et à permettre une prise de décision efficace de l'entreprise. Elle précise que les questions entrant dans le champ de compétences du comité d'entreprise européen sont transnationales, ce qui signifie qu'elles concernent l'ensemble de l'entreprise ou du groupe ou au moins deux entreprises ou établissements situés dans deux Etats différents. Le rôle du comité d'entreprise européen doit être articulé avec celui des instances nationales de représentations des travailleurs.
Enfin, s'agissant du statut des membres du comité , la directive indique que les représentants des travailleurs doivent avoir les moyens de faire respecter les droits découlant de la directive en matière de représentation collective des intérêts des travailleurs et qu'ils peuvent bénéficier de formations sans perte de salaire.
La directive doit être transposée au plus tard le 5 juin 2011 . Compte tenu de l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire, le Gouvernement demande à être habilité, en application de l'article 38 de la Constitution, à effectuer cette transposition par voie d'ordonnance. L'ordonnance serait publiée dans un délai de huit mois à compter de la publication de la loi. Le projet de loi de ratification serait ensuite déposé au Parlement dans un délai de trois mois après la publication de l'ordonnance 7 ( * ) .
II - Le texte adopté par la commission
Votre commission regrette, en premier lieu, que cet article ait été introduit si tardivement à l'Assemblée nationale, ce qui n'a pas permis d'avoir un vrai débat, et s'étonne qu'il n'ait pas figuré dans le projet de loi initial du Gouvernement.
Votre commission s'est toujours montrée vigilante en matière d'habilitation, dans la mesure où celle-ci dessaisit le Parlement de son pouvoir dans un domaine et pour une durée déterminés.
La demande d'habilitation soumise par le Gouvernement lui paraît cependant acceptable, en raison du caractère ponctuel et assez consensuel des modifications que la transposition de la directive entraînera dans notre droit national. La directive de 2009 précise et complète celle de 1994 mais n'apporte pas de bouleversement au régime juridique du comité d'entreprise européen.
Votre commission juge favorablement les modifications introduites par cette directive, qui est susceptible de donner un nouvel essor à l'information et à la consultation des travailleurs en Europe. Les quelque neuf cents comités d'entreprise européen, représentant quinze millions de travailleurs, qui sont aujourd'hui recensés apportent une contribution importante au développement du dialogue social, ainsi qu'à l'anticipation et à l'accompagnement du changement dans les entreprises de dimension communautaire.
Votre commission a, en conséquence, adopté cet article sans modification.
* 7 Le dépôt d'un projet de loi de ratification est indispensable, sous peine de caducité de l'ordonnance, mais n'implique pas nécessairement que le projet de loi soit examiné par le Parlement, une ordonnance non ratifiée conservant une valeur réglementaire.