EXAMEN DES ARTICLES
A l'initiative de la commission des lois, saisie au fond, l'Assemblée nationale a modifié le titre de la proposition de loi , considérant que le dispositif qu'elle prévoit repose davantage, afin de garantir un accès à l'eau pour tous, sur une solidarité des gestionnaires des services de distribution d'eau et donc de leurs usagers que sur une solidarité des communes.
La référence aux communes a donc été supprimée au profit de l'intitulé suivant : « Proposition de loi relative à la solidarité dans les domaines de l'alimentation en eau et de l'assainissement ».
Article 1er - Subvention des opérateurs des services publics d'eau potable et d'assainissement au fonds de solidarité pour le logement
Commentaire : Cet article vise à autoriser les opérateurs en charge des services publics d'eau potable et d'assainissement à verser volontairement une subvention au fonds de solidarité pour le logement.
I. Le texte voté par le Sénat en première lecture
La proposition de loi adoptée par le Sénat comporte un article unique complétant l'article L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales, relatif à la tarification des services d'eau.
Le dispositif mis en place par cet article crée une contribution volontaire des opérateurs en charge des services publics d'eau potable et d'assainissement - communes, établissements publics de coopération intercommunale, syndicats mixtes et délégataires, publics ou privés - au FSL afin de contribuer au financement des aides attribuées aux personnes ou aux familles éprouvant des difficultés particulières pour disposer de la fourniture d'eau, en raison notamment de l'insuffisance de leurs ressources ou de leurs conditions d'existence.
Les premiers alinéas précisent ce nouveau mécanisme de financement :
- il repose tout d'abord sur un système de convention passée avec le gestionnaire du fonds de solidarité pour le logement (FSL) , mentionné à l'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 : cette dernière fixe les règles de calcul et les modalités d'attribution et de versement de cette subvention ;
- cette subvention est volontaire et ne doit pas dépasser la limite de 0,5 % des montants hors taxes des redevances d'eau et d'assainissement perçues par les services d'eau.
Ce système de convention permet d'inclure les immeubles collectifs d'habitation dans le périmètre des foyers aidés, qui ne sont pas concernés aujourd'hui par les aides attribuées par le volet « eau » du FSL.
Par ailleurs, la proposition de loi initiale entendait avant tout « replacer le maire au coeur du dispositif d'aide » à travers un système d'information et de consultation de ce dernier par le FSL. A cet égard, le texte adopté par le Sénat prévoit que le gestionnaire du FSL communique au maire les dossiers de demande d'aide au titre du volet « eau » provenant de ses administrés et sollicite son avis avant de décider de l'attribution des aides. Si le maire n'a pas émis d'avis dans un délai d'un mois, ce dernier est réputé favorable. En outre, le maire peut saisir le gestionnaire du fonds de sa propre initiative afin de lui faire examiner le dossier de l'un de ses administrés.
Enfin, pour des raisons de compétences spécifiques de certaines collectivités, les 2°, 3° et 4° de cet article prévoient que ces dispositions ne sont pas applicables à la collectivité départementale de Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélémy et à Saint-Martin.
II. Les principales modifications apportées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté sur cet article quelques amendements rédactionnels, de coordination ou de précision visant notamment à :
- tenir compte, à l'alinéa 3 fixant le principe d'une subvention volontaire au fonds de solidarité pour le logement, des dispositions déjà prévues par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et par le code de l'action sociale et des familles tout en précisant que cette contribution sera bien imputée sur les budget des services publics d'eau et d'assainissement et en veillant à ce que son inscription dans le code des général des collectivités territoriales n'ait pas pour conséquence d'exclure toute autre forme de financement du FSL ;
- simplifier la rédaction de l'alinéa 4 relatif à la convention ;
- tenir compte de la renumérotation du code général des collectivités territoriales par le projet de loi relatif au département de Mayotte ;
- préciser les références du 4°du présent article.
En dehors de ces ajustements mineurs, l'Assemblée nationale a apporté des modifications au rôle du maire au sein du dispositif d'attribution des aides prévu par l'article.
En effet, le triple rôle du maire - de saisine, d'information et d'avis - prévu par le texte adopté au Sénat, après avoir été purement et simplement supprimé en commission à l'Assemblée nationale, a finalement été remplacé, en séance, par un système d'échanges d'informations.
Plusieurs difficultés ont été relevées par M. Guy Geoffroy, rapporteur au nom de la commission des lois :
- le maire a déjà la possibilité, via les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS) notamment, de saisir le FSL : la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 prévoit en effet que le FSL peut être saisi directement par les personnes en difficulté ou « avec leur accord, par toute personne ou organisme y ayant intérêt ou vocation » , ce qui inclut notamment les CCAS et CIAS ; en outre, les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale ont la possibilité de participer au financement du FSL et de demander au conseil général la création d'un fonds local dont ils prendraient en charge la gestion et l'attribution des aides sur délégation du FSL ;
- la délivrance d'un avis par le maire dans un délai d'un mois pouvait également poser problème : outre les délais, voire les blocages, qu'une telle procédure risquait d'induire, il convient de relever que la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 interdit que les décisions d'octroi des aides du FSL reposent sur d'autres éléments que le niveau de patrimoine ou de ressources des personnes et l'importance et la nature des difficultés qu'elles rencontrent. Toute décision de refus devrait être motivée et serait ainsi susceptible de recours. Ainsi, un avis défavorable du maire présentant une motivation insuffisante ou inadaptée pourrait conduire à l'annulation de la décision de refus.
M. Guy Geoffroy indique ainsi, dans l'exposé des motifs de son amendement, que « sans remettre en cause le rôle essentiel du maire dans la connaissance du terrain et la gestion de l'action sociale au niveau local, il apparaît que des dispositions de cette nature trouveraient plus leur place dans une révision de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 et non dans la section du code général des collectivités territoriales consacrée à la tarification des services d'eau et d'assainissement » .
Ce nouveau rôle du maire est mis en place par une modification de l'article 6-2 de la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. Un nouvel alinéa prévoit que la demande d'aide est notifiée par le gestionnaire du fonds au maire et au CCAS ou au CIAS qui peuvent eux-mêmes, en retour, et avec copie au demandeur, lui communiquer le détail des aides déjà fournies et les informations susceptibles de l'éclairer sur les difficultés rencontrées par le demandeur.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté un amendement fixant au 1 er janvier 2012 l'entrée en vigueur de la loi, afin de permettre aux opérateurs de modifier leur système de facturation d'eau et de prévoir un délai de mise en place des conventions.
III. La position de votre commission
Votre rapporteur se réjouit du choix de l'Assemblée nationale de ne pas revenir sur le coeur du dispositif de la proposition de loi, c'est-à-dire sur le principe d'une contribution volontaire des services d'eau et d'assainissement plafonnée à 0,5 % des redevances hors taxes, comme le Sénat l'avait prévu dans son texte.
Le montant total des recettes perçues au titre de ces redevances étant de l'ordre de 10 milliards d'euros, ces 0,5 % représenteraient environ 50 millions d'euros ce qui permettra de couvrir l'ensemble des besoins. Votre rapporteur est d'ailleurs favorable, comme il l'avait indiqué en première lecture, au principe d'une seconde contribution volontaire de 0,5% pour instaurer un volet préventif.
Le rapport de l'Assemblée nationale souligne d'ailleurs que ce prélèvement est « très ambitieux, car il représenterait 23 % du total des aides distribuées actuellement par le FSL » mais qu'il pourra utilement « aussi servir à la mise en place d'un dispositif préventif » .
Il souligne également que ce qui constituait un des aspects essentiels de la proposition de loi initiale déposée par M. Christian Cambon, à savoir le rôle central du maire au sein du dispositif d'attribution de l'aide au paiement des factures en eau pour les personnes en difficulté, a été préservé. En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne remet pas en cause la possibilité, pour le maire de saisir, de sa propre initiative, le FSL afin de lui soumettre le dossier d'un administré. La notification à l'intéressé, prévue de la même manière par l'article 6-2 de la loi du 31 mai 1990, n'est pas non plus remise en cause.
Les communes demeurent donc bien au coeur du dispositif de solidarité locale.
Votre commission a adopté cet article sans modification. |
Article 2 (nouveau) - Rapport au Parlement sur la mise en place d'une allocation de solidarité pour l'eau
Commentaire : Cet article additionnel prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement sur la mise en place d'un volet « préventif » en matière d'aide aux personnes en difficulté.
I. Le texte voté par l'Assemblée nationale
La présente proposition de loi prévoit de simplifier et de renforcer un dispositif « curatif » d'aide aux foyers les plus modestes en matière de solidarité dans le domaine de l'accès à l'eau en facilitant l'aide au paiement des factures d'eau des personnes en situation d'impayés.
Elle ne prévoit pas en effet de dispositif « préventif » d'aide à ces personnes, comme cela existe par exemple pour d'autres produits de première nécessité (réduction sociale téléphonique, tarif de première nécessité pour l'électricité, tarif spécial de solidarité pour le gaz naturel, prime à la cuve pour le fuel).
Prenant acte de cette limite, l'Assemblée nationale a inséré dans la proposition de loi un article additionnel qui prévoit que le Gouvernement doit remettre, dans un délai de six mois, un rapport au Parlement sur les modalités et les conséquences de l'application d'une allocation de solidarité pour l'eau attribuée sous conditions de ressources, directement ou indirectement, aux usagers domestiques des services publics d'eau potable et d'assainissement afin de contribuer au paiement des charges liées aux consommations d'eau au titre de la résidence principale.
Le Comité national de l'eau (CNE) a rendu un avis le 15 décembre 2009 sur l'accès à l'eau des personnes démunies. Cet avis, qui reprend une recommandation du Programme des Nations Unies pour le Développement 5 ( * ) qui préconise que la part des ressources d'un ménage consacrée à la fourniture en eau ne doit pas dépasser 3 % de ses revenus, s'articule autour de plusieurs axes :
- un renforcement du dispositif actuel d'aide basé sur une approche curative (ce que fait la proposition de loi) ;
- la mise en place d'un dispositif d'aide « préventive » pour lequel deux pistes peuvent être envisagées : la piste d'une tarification sociale (comme par exemple la gratuité de la première tranche, la tarification progressive ou encore la gratuité de la part fixe pour certains usagers) et la piste d'une allocation pour le paiement des factures d'eau, qui a été privilégiée par le CNE.
Ces propositions ont pour objectif de donner une traduction juridique concrète au « droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous » (article L. 210-1 du code de l'environnement introduit par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006).
En contrepartie des six mois accordés par cet article au Gouvernement pour travailler sur un rapport de propositions en vue de l'élaboration d'un dispositif préventif, ce dernier s'est engagé à présenter, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, les modifications législatives nécessaires qui en découleront.
La présente proposition de loi a donc vocation, par le biais de ce nouvel article 2, à être prolongée et complétée par un dispositif préventif, dont les pistes de mise en oeuvre seront remises par le Gouvernement au Parlement dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi.
II. La position de votre commission
Votre rapporteur est conscient que le volet curatif de l'aide aux personnes les plus démunies pour se fournir en eau, s'il est renforcé et simplifié par la présente proposition de loi, n'est pas suffisant. Il doit être complété par un dispositif préventif d'aide dont le financement devra être garanti.
Votre rapporteur rejoint ainsi les principaux représentants des opérateurs en eau qui se sont montrés favorables à une contribution volontaire globale de 1 %, c'est-à-dire de 0,5 % pour le volet curatif et 0,5 % pour instaurer un volet préventif.
Plusieurs pistes apparaissent :
- la mise en place d'un système d'allocation différentielle afin que la dépense correspondant à la quantité nécessaire d'eau ne représente pas plus de 3 % des revenus nets d'une famille ;
- la mise en place d'un système de tarification sociale.
En introduction à son rapport d'activité de 2010, M. Jean-Marc Savué, vice-président du Conseil d'État, soulignait également que, « s'agissant du droit à l'eau potable et à l'assainissement, il convient de garantir l'accès à l'eau des sans-abri et d'adopter une tarification sociale ou de créer une aide directe à la prise en charge de la facture d'eau des plus démunis » .
Mais une réelle étude de l'impact et des conséquences de ces différentes solutions doit être menée, afin de ne pas perdre, en adoptant de manière précipitée un dispositif préventif bancal, les économies en coûts de gestion gagnées par la simplification du volet curatif permise par la présente proposition de loi.
Ainsi par exemple, si le Conseil national de l'eau a identifié les caisses d'allocations familiales comme possibles opérateurs, ces dernières semblent réticentes à l'idée de se voir attribuer cette nouvelle mission.
Votre rapporteur approuve ainsi pleinement l'insertion d'un tel article additionnel, dans la mesure où il permettra au Gouvernement de travailler sérieusement sur un sujet important et de proposer au Parlement des pistes solides, qui permettront de débattre de ce volet préventif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012.
Il rappelle qu'aura lieu en mars 2012 le Congrès mondial de l'eau à Marseille et il souhaite que notre législation soit dotée, d'ici là, d'un dispositif complet, préventif et curatif, d'aide à la fourniture en eau des personnes les plus démunies.
C'est pourquoi votre rapporteur est favorable à ce nouvel article.
Votre commission a adopté cet article sans modification. |
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* *
Réunie le 19 janvier 2011, la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, a adopté l'ensemble de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux, les groupes socialiste et communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche s'abstenant.
* 5 Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), Rapport mondial sur le développement humain, 2006, Au-delà de la pénurie : Pouvoir, pauvreté et crise mondiale de l'eau.