B. UNE DETTE PERSISTANTE À L'ÉGARD DU CFF, QUE NE JUSTIFIE PAS ENTIÈREMENT LE CARACTÈRE ALÉATOIRE DE LA PRÉVISION
1. Une prévision délicate
S'agissant de la sincérité de la prévision budgétaire, votre rapporteur spécial prend volontiers acte du fait qu'elle constitue un exercice difficile . Comme le fait valoir la direction générale du Trésor, « la dépense épargne-logement est délicate à appréhender car fortement dépendante des comportements des détenteurs de PEL et de CEL, ces derniers étant attentifs à l'évolution de deux facteurs principaux qui conditionnent l'attractivité du PEL en tant que produit d'épargne et produit d'accession :
« - des facteurs économiques : taux de rémunération du PEL au regard du taux de rémunération des autres produits d'épargne (livret A, assurance-vie), taux d'un prêt PEL au regard des taux de prêts libres ;
« - des facteurs réglementaires , voire fiscaux , l'arrivée d'un PEL à une maturité de 10 ans ou 12 ans (n'étant) pas sans conséquence en matière fiscale ».
L'ensemble de ces éléments conduit le Gouvernement à souligner la difficulté de « prendre en compte dans l'exercice de chiffrage l'ensemble des facteurs économiques ou conjoncturels qui jouent un rôle déterminant dans la clôture des plans et comptes d'épargne-logement et dans le déclenchement du paiement de la prime » . On relève néanmoins que « les effets de la fiscalisation peuvent être mieux anticipés lors de l'exercice de prévision budgétaire : en effet celui-ci repose principalement sur un chiffrage prévisionnel des taux de clôture pour chaque génération de PEL. Or, lors de cet exercice, est pris en compte l'impact que pourraient avoir les effets de la fiscalisation sur les générations de PEL de 10 ans et 12 ans : pour ces générations, le taux de clôture est systématiquement majoré entraînant ainsi une augmentation du montant de primes susceptibles d'être versées ».
Concrètement, la prévision inscrite au projet annuel de performances croise :
1) les statistiques générationnelles , fournies par les huit principaux établissements de crédit servant les primes (nombre de PEL ouverts à la fin de chaque année, montant de leur encours, prime moyenne acquise pour chaque génération de plan donnée) ;
2) l'évolution du montant de primes versées au cours des dernières années ;
3) l'évolution du taux de clôture des PEL, dans leur ensemble et par génération, depuis au moins deux ans.
Selon le Trésor, « l'analyse comparative de l'ensemble de ces données, associée à la prise en compte des effets de la réglementation fiscale actuelle permet, dans une certaine limite, d'extrapoler sur les trois années à venir les taux de clôture de l'ensemble des générations de PEL et d'en déduire le montant de primes à payer ».
L'évolution des crédits sur trois ans inscrits dans le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances montre que la dotation du programme 145 « Epargne » devrait croître d'environ 0,72 % en 2012 (1 129 millions d'euros) pour ensuite diminuer de près de 1,43 % en 2013 (1 113 millions d'euros). Ces variations ne semblent pourtant pas correspondre au dynamisme attendu en termes de clôture de plans en 2011 et 2012 ( cf. infra ).
2. Apurer la dette à l'égard du CFF et prévenir sa reconstitution
Il n'est donc pas contestable que le calibrage annuel du besoin de crédits constitue un exercice délicat, car soumis à de nombreux aléas. Pour autant, votre rapporteur spécial considère que les prévisions élaborées au cours des trois dernières années ne pouvaient être qualifiées de totalement sincères dans la mesure où, au-delà des difficultés liées à l'estimation des crédits nécessaires pour couvrir les primes de l'année à venir, elles ne prévoyaient aucune marge de manoeuvre supplémentaire pour résorber le report de charge accumulé qui, lui, était certain.
En effet, si le décalage entre prévision et exécution est difficilement évitable, une prévision sincère devrait néanmoins tenir compte des éventuelles insuffisances constatées au titre des années passées pour procéder à des ajustements réguliers des crédits ouverts en loi de finances initiale, afin d'éviter l'accroissement du découvert de l'Etat auprès du Crédit foncier.
Il ne semble pas qu'une telle pratique ait été observée au cours des dernières années et, dans ces conditions, votre rapporteur spécial recommande que la budgétisation de l'action 1 du programme « Epargne » tienne compte, à l'avenir, de la nécessité de résorber les reports de charge attendus en fin de gestion. Par exemple, à la fin de l'année 2008, la dotation budgétaire votée pour l'année 2009 était à peine suffisante pour couvrir les découverts de l'année précédente. La reconstitution d'une dette était par conséquent certaine.
Il a fallu des événements conjoncturels (la baisse inopinée du nombre de primes versées en 2010) pour que le découvert soit sensiblement diminué et qu'il soit même possible d'envisager sa résorption définitive au cours de l'année 2011 ( cf. infra ). Au 1 er novembre 2010, le découvert ne s'élevait plus qu'à 42,5 millions d'euros .
Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire de votre rapporteur spécial, la dépense associée aux primes devrait avoisiner 612 millions d'euros en 2010, soit un montant bien inférieur de celui constaté en 2009. 1 249,525 millions d'euros ayant été inscrits en loi de finances initiale, le surplus de crédits disponibles par rapport aux besoins devrait s'établir à environ 637,525 millions d'euros. Si ce surplus était affecté entièrement à la résorption du report de charge existant, le report de charge résiduel pourrait passer de 719 millions d'euros début 2010 à environ 82 millions d'euros début 2011 , à la condition que la réserve de précaution initiale - consistant à geler 5 % des crédits votés en début d'exercice, soit 109 millions d'euros - soit levée.
Votre rapporteur spécial préconise cette solution - ou l'ouverture de crédits supplémentaire en loi de finances rectificative pour 2010 - afin de débuter l'année 2011 sur des bases financières totalement assainies. Une telle démarche apparaît d'autant plus souhaitable que, selon la Cour des comptes, « de nouveaux pics de dépenses devraient être observés » 31 ( * ) entre 2011 et 2013, « compte tenu de l'arrivée à échéance de grosses générations de prêts de 10-12 ans, impactés par les dispositions fiscales et sociales décidées en 2005 et 2006 ».
* 31 Note d'exécution budgétaire 2009.