2. Les mesures antérieures à 2011 : entre contrecoup du plan de relance et réforme de la taxe professionnelle
a) Le contrecoup du plan de relance
L'effet en 2011 de la non-prorogation du remboursement anticipé des créances de crédit d'impôt recherche est estimé à 3,2 milliards d'euros. Il s'agit du principal contrecoup du plan de relance enregistré en recettes.
b) Les effets différés de la réforme de la taxe professionnelle
La réforme de la taxe professionnelle intervenue fin 2009 produit trois séries d'effets sur les recettes de l'Etat en 2011 : elle diminue fortement à la fois les recettes brutes, les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux et le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales.
Les pertes de recettes fiscales brutes associées à la réforme de la TP atteignent 21,3 milliards d'euros en 2011.
Elles résultent principalement du fait que l'Etat perd, en 2011, le bénéfice des impositions nouvelles créées dans le cadre de la réforme de la TP , et qui lui étaient directement affectées dans l'attente de sa pleine entrée en vigueur. Il en va ainsi de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (10,6 milliards d'euros), de la cotisation foncière des entreprises (5,3 milliards d'euros) et des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (1,1 milliard d'euros), soit 16,9 milliards d'euros en incluant la croissance spontanée 2010-2011 de ces impositions et 16,2 milliards d'euros en la neutralisant.
L'Etat perd également, pour 1,87 milliard d'euros , les frais d'assiette et de recouvrement associés à la taxe professionnelle, ainsi que près de 4,1 milliards d'euros de fiscalité nouvellement affectée aux collectivités dans le cadre de la réforme (0,34 milliard d'euros de droits de mutation à titre onéreux, 0,11 milliard d'euros de taxe de publicité foncière, 0,6 milliard d'euros de taxe sur les surfaces commerciales et surtout 3,04 milliards d'euros de taxe sur les conventions d'assurance).
En sens inverse, les effets induits de la réforme de la taxe professionnelle sur les recettes brutes d'IS sont évalués à 2,14 milliards d'euros 16 ( * ) et à 0,31 milliard d'euros pour l'IR.
Les effets de la réforme de la
taxe
professionnelle sur les recettes fiscales brutes
(en milliards d'euros)
NB : la neutralisation de leur évolution spontanée en 2011 fait ressortir les gains associés à la CVAE, à la CFE et aux IFER à 16,2 milliards d'euros.
Source : commission des finances, d'après les annexes au projet de loi de finances
En deuxième lieu, la fin des dégrèvements associés à la taxe professionnelle suscite, consécutivement à la suppression de cette dernière, une économie de 9 milliards d'euros, dont 8,7 milliards d'euros au titre du seul dégrèvement associé au dispositif de plafonnement de la cotisation de TP en fonction de la valeur ajoutée. En contrepartie, la mise en oeuvre des nouveaux dégrèvements liés au dispositif adopté par le Parlement en 2009 entraîne un accroissement des remboursements et dégrèvements de 5,2 milliards d'euros , dont 4,1 milliards d'euros au titre du seul dégrèvement barémique relatif à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Le dégrèvement spécifique en faveur des entreprises défavorisées par la réforme 17 ( * ) s'établit à 470 millions d'euros et le crédit d'impôt en faveur des micro-entreprises installées dans des zones de restructuration de la défense à 10 millions d'euros. La réforme 18 ( * ) se solde donc par une diminution nette des remboursements et dégrèvements de 3,79 milliards d'euros en 2011 .
Les effets de la réforme de la taxe
professionnelle sur
les remboursements et dégrèvements
d'impôts locaux
(en milliers d'euros)
Source : commission des finances, d'après les annexes au projet de loi de finances
Enfin, le prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales s'inscrit en diminution nette de 29,4 milliards d'euros sous l'effet de la réforme de la TP , dont 32,4 milliards d'euros au titre de la disparition de la compensation relais servie par l'Etat en contrepartie de l'encaissement des nouvelles impositions créées.
Les effets de la réforme de la
taxe
professionnelle sur prélèvement sur recettes
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, d'après les annexes au projet de loi de finances
Au total, les suites de la réforme de la taxe professionnelle occasionnent donc un « rebond » de recettes de 12,7 milliards d'euros , auxquelles il convient d'ajouter l'impact sur le solde du compte d'avances aux collectivités territoriales. Ce dernier se dégrade de 7,5 milliards d'euros entre 2010 et 2011 19 ( * ) . L'économie nette pour le budget ressort donc à 5,2 milliards d'euros. Le coût de la réforme pour l'Etat ayant été de 9,5 milliards d'euros en 2010, le Gouvernement l'évalue, par conséquent, à 4,3 milliards d'euros en 2011 (soit 9,5 milliards d'euros de coût 2010 moins 5,2 milliards d'euros d'économies en 2011).
L'incidence budgétaire de la transformation de la taxe professionnelle en contribution économique territoriale est retracée dans le tableau ci-après, dont le chiffrage a été actualisé, à la demande de votre rapporteur général, par rapport à celui transmis à l'occasion du débat d'orientation des finances publiques pour 2011.
Incidence budgétaire de la transformation de la taxe professionnelle en contribution économique territoriale
(en milliards d'euros)
NB : ce tableau se présente du point de vue des flux entre l'Etat et les entreprises. Les transferts entre l'Etat et les collectivités territoriales n'apparaissent pas explicitement. Ils sont en revanche présentés en détail dans le c) ci-après.
Source : ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi
c) Les modalités de compensation aux collectivités territoriales de la réforme de la taxe professionnelle : quel relais pour la compensation-relais ?
Enfin, comme prévu par la loi de finances pour l'année 2010, les collectivités territoriales continueront à bénéficier, en 2011, d'une compensation à l'euro près des pertes de recettes qu'elles ont pu subir du fait de la réforme de la taxe professionnelle.
En 2010, les modalités de cette compensation étaient assez simples puisque les collectivités territoriales se voyaient verser un montant de compensation-relais égal au montant de taxe professionnelle qu'elles percevaient antérieurement.
En 2011, les modalités de compensation par l'Etat sont plus complexes. En effet, à compter du 1 er janvier 2011, d'une part, les collectivités ne recevront plus la compensation-relais et, d'autre part, elles percevront l'ensemble des nouvelles impositions et des impôts transférés dans le cadre de la réforme. Comme l'indiquait votre rapporteur général dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2010 20 ( * ) : « En pratique, la compensation est opérée en deux temps :
- dans un premier temps, l'Etat compense à chaque catégorie de collectivités territoriales les pertes de recettes nettes résultant pour elle de la suppression de la taxe professionnelle [par le versement des dotations de compensation de la réforme de la taxe professionnelle - les DCRTP] ;
- dans un second temps, des Fonds nationaux de garantie individuelle des ressources [les FNGIR] interviennent pour écrêter les gains des collectivités territoriales disposant, à l'issue de la réforme, de davantage de produit fiscal qu'actuellement, afin de compenser les pertes des collectivités territoriales qui se trouvent dans la situation inverse. » Ainsi, chaque collectivité territoriale se voit, in fine , au sein de sa catégorie, compensée à l'euro près.
Pour chacune des trois catégories de collectivités territoriales, le montant de la DCRTP est calculé de manière à égaliser, d'une part, le montant des ressources affectées par la réforme perçu par l'ensemble des collectivités de cette catégorie en 2010 et, d'autre part, le montant des ressources affectées par la réforme que l'ensemble de cette catégorie aurait perçu en 2010 si la réforme était entrée en vigueur .
L'effet de la DCRTP n'est donc pas de rendre strictement égales les ressources après la réforme avec les ressources avant la réforme pour chaque catégorie de collectivités territoriales :
- d'une part, la DCRTP ne prend en compte que les recettes modifiées par la réforme de la taxe professionnelle. Les ressources locales, y compris les ressources fiscales, qui ne sont pas affectées par la réforme, ne sont pas prises en compte dans son calcul et continuent d'évoluer entre 2010 et 2011 sans subir l'impact de la réforme ;
- d'autre part, la DCRTP est calculée pour égaliser les ressources avant réforme et après réforme pour l'année 2010. L'évolution du produit des impositions entre les années 2010 et 2011, notamment la progression des nouvelles recettes que sont la CVAE et la CFE, bénéficieront donc intégralement aux collectivités territoriales ;
- enfin, la DCRTP ne permet de compenser que la perte de chaque catégorie de collectivités territoriales. Après son versement, des inégalités subsistent, au sein de chaque catégorie, entre collectivités « gagnantes » et collectivités « perdantes ». C'est alors le Fonds national de garantie individuelle des ressources permet, en prélevant les gains des premières pour les redistribuer aux secondes, de compenser chaque collectivité territoriale au sein de sa catégorie.
Le mode de calcul de la DCRTP a été strictement défini par l'article 78 de la loi de finances pour 2010 . Le tableau ci-après récapitule l'ensemble des rubriques mentionnées à cet article et fournit les montants correspondant avant réforme et après réforme. Le montant de la DCRTP se déduit de l'écart entre les deux.
Comme l'indique le Gouvernement, ces chiffrages résultent des travaux menés par la mission commune de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'administration mise en oeuvre pour la réalisation du rapport « Durieux-Subremon ». Le montant définitif de la DCRTP ne pourra être définitivement arrêté qu'à l'été 2011 , afin notamment de prendre en compte les rôles supplémentaires de taxe professionnelle qu'aura traités la direction générale des finances publiques pendant le premier semestre 2011.
Modalités de calcul de la dotation de
compensation
de la réforme de la taxe professionnelle
(DCRTP)
(en millions d'euros)
Ressources
|
Ressources
|
|
Taxe d'habitation* |
16 869 |
17 560 |
Taxe foncière sur les propriétés bâties* |
8 983 |
10 189 |
Taxe foncière sur les propriétés non bâties* |
882 |
932 |
Compensation-relais
|
32 205 |
0 |
Compensations d'exonérations |
1 415 |
1 828 |
Prélèvement France Télécom |
- 400 |
0 |
Ticket modérateur |
- 1 112 |
0 |
CVAE (y compris dégrèvement barémique) |
0 |
15 367 |
CFE (y compris dégrèvements) |
0 |
5 838 |
IFER |
0 |
1 280 |
Taxe sur les conventions d'assurance (TSCA) |
0 |
2 902 |
DMTO transférés |
0 |
365 |
TFPB usines nucléaires |
0 |
50 |
Total |
58 842 |
56 311 |
DCRTP |
0 |
2 531 |
Total |
58 842 |
Source : commission des finances, à partir des
données fournies par le ministère du budget
* Le
supplément de ressources fiscales après réforme s'explique
par le transfert aux collectivités territoriales de frais d'assiette et
de recouvrement antérieurement perçus par l'Etat.
Modalités de calcul de la DCRTP par catégories de collectivités territoriales
(en millions d'euros)
Bloc communal |
||
Ressources avant réforme (2010) |
Ressources après réforme (2010) |
|
Taxe d'habitation* |
10 771 |
16 940 |
Taxe foncière sur les propriétés bâties* |
813 |
931 |
Compensation-relais |
18 134 |
0 |
- prélèvements FDPTP |
-606 |
0 |
+ reversements FDPTP |
480 |
0 |
Compensations d'exonérations |
1 323 |
1 716 |
- prélèvement France Télécom |
-362 |
0 |
- ticket modérateur |
-175 |
0 |
CFE (y compris dégrèvements) |
0 |
5 580 |
CVAE (y compris dégrèvement barémique) |
0 |
3 627 |
IFER |
0 |
410 |
TFPB usines nucléaires |
0 |
31 |
Total |
30 379 |
29 234 |
DCRTP (hors ville de Paris) |
0 |
1 145 |
Départements
|
||
Ressources avant réforme (2010) |
Ressources après réforme (2010) |
|
TH* |
6 098 |
620 |
TFPNB* |
55 |
1 |
TFPB* |
7 067 |
10 189 |
Compensation-relais |
10 820 |
0 |
Compensations d'exonérations |
92 |
112 |
- ticket modérateur |
-604 |
0 |
CFE Ville de Paris |
0 |
258 |
CVAE (y compris dégrèvement barémique) |
0 |
7 900 |
TSCA |
0 |
2 902 |
DMTO transférés |
0 |
365 |
IFER |
0 |
226 |
TFPB usines nucléaires |
0 |
19 |
Prélèvement France Télécom ville de Paris |
-38 |
0 |
DCRTP |
0 |
896 |
Total |
23 489 |
22 594 |
Régions |
||
Ressources avant réforme (2010) |
Ressources après réforme (2010) |
|
TFPNB* |
14 |
0 |
TFPB* |
1 916 |
0 |
Compensation-relais |
3 377 |
0 |
- ticket modérateur |
-333 |
0 |
CVAE (y compris dégrèvement barémique) |
0 |
3 840 |
IFER |
0 |
644 |
DCRTP |
0 |
491 |
Total |
4 974 |
4 484 |
Source : commission des finances, à partir des données fournies par le ministère du budget
* Le supplément de ressources fiscales après réforme s'explique par le transfert aux collectivités territoriales de frais d'assiette et de recouvrement antérieurement perçus par l'Etat.
d) Les autres mesures antérieures grèvent les recettes 2011 de 2,1 milliards d'euros
Hors contrecoup du plan de relance et conséquences de la réforme de la taxe professionnelle, le coût en 2011 des principales mesures antérieures s'établit à 2,1 milliards d'euros , au titre :
1) de la mesure de renforcement du CIR prévue par la loi de finances pour 2008 21 ( * ) (- 0,6 milliard d'euros) ;
2) de la suppression progressive 22 ( * ) de l' imposition forfaitaire annuelle (- 0,4 milliard d'euros) ;
3) du crédit d'impôt sur le revenu sur les intérêts d'emprunt (-0,4 milliard d'euros) ;
4) du contrecoup en 2011 des recettes exceptionnelles perçues au titre de l'offre de régularisation faite aux « exilés » fiscaux (- 0,7 milliard d'euros) ;
Cette réduction des recettes de 2,1 milliards d'euros annule les effets, en 2011, des mesures nouvelles ayant un impact sur le solde (1,7 milliard d'euros, cf. infra ).
* 16 Ce montant pourrait néanmoins être révisé à 1,6 milliard d'euros, sur la base d'un taux effectif d'IS à 24 %, et non de son taux nominal (33 %).
* 17 Dégressif sur cinq ans.
* 18 Les effets globaux de cette réforme sur le budget de l'Etat en 2011 font l'objet d'une synthèse infra .
* 19 Cf. infra, analyse du solde des comptes spéciaux.
* 20 Rapport général n° 101 (2009-2010) - tome III, loi de finances pour 2010, Philippe Marini, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances.
* 21 Suppression de la part en accroissement et création d'une part en volume au taux de 30 % jusqu'à 100 millions d'euros de dépenses et de 5 % au-delà.
* 22 Cette mesure a fait l'objet d'amendements à l'Assemblée nationale. Le présent tome présente néanmoins les équilibres du budget général tels qu'ils résultent du projet de loi déposé par le Gouvernement. L'impact des votes intervenus à l'Assemblée nationale fera l'objet d'une analyse consolidée dans le cadre du commentaire de l'article d'équilibre du projet de loi de finances (article 47).