B. LES CRÉDITS DU BUDGET GÉNÉRAL
Hors fonds de concours et à périmètre courant, les dépenses brutes du budget général s'élèvent à 379,4 milliards d'euros en AE et 368,6 milliards d'euros en CP. Par rapport à 2010, hors plan de relance et en euros courants, les dépenses nettes 39 ( * ) s'inscrivent en augmentation de 4,2 % en AE (296,2 milliards d'euros) et de 1,9 % en CP (286,4 milliards d'euros). L'augmentation des crédits de paiement ne ressort donc qu'à 0,4 % en euros constants .
Evolution 2010-2011 des crédits de paiement
Source : commission des finances
L'évolution par titre des crédits du budget général
(en euros coutants, à structure 2011 et à périmètre courant)
Source : commission des finances, d'après le projet de loi de finances pour 2011
1. Fonctionnement et intervention : quelle traduction pour les objectifs d'économies ?
Au terme des conférences sur le déficit tenues au printemps 2010, deux objectifs emblématiques d'économies ont été assignés au budget de l'Etat, consistant à réduire de 10 % les dépenses d'intervention et de fonctionnement sur la période 2011-2013, avec un effort de 5 % dès la première année de programmation. Le strict examen de l'évolution des crédits à périmètre courant enseigne que les crédits de titre 3 augmentent de 3,1 % et les crédits de titre 6 de 2,5 %.
a) Les économies de fonctionnement : une assiette « peau de chagrin »
Les crédits nets de titre 3 des missions du budget général représentent 43,9 milliards d'euros de CP en 2011, contre 42,6 milliards d'euros en 2010 hors relance (+1,6 % en euros constants).
Cette lecture, certes très intuitive, des évolutions de crédits contraste singulièrement avec les objectifs ambitieux affichés par le Gouvernement. Ce hiatus résulte de ce que l'objectif de 5 % de dépenses de fonctionnement doit être apprécié sur une assiette « peau de chagrin », qui rétrécit à mesure qu'on tente de la cerner.
En effet, selon les réponses au questionnaire, l'assiette des économies de fonctionnement porte sur les crédits de la catégorie 31 40 ( * ) de la nomenclature budgétaire, hors mission « Défense », traitée dans le cadre de la loi de programmation militaire. Le gisement d'économies avoisine donc les 10 milliards d'euros, et les économies de fonctionnement effectives sont de 0,1 milliard d'euros, soit 1 %. Ce montant est, de surcroît, atteint au prix de plusieurs « débasages » avantageux , consistant à ne pas prendre en compte :
1) 50 millions d'euros de dépenses de fonctionnement liées à l'organisation des G8 et G20 sous présidence française ;
2) 34 millions d'euros de dépenses de rémunération de l'Agence française de développement, au motif qu'elles étaient auparavant traitées en dépenses d'intervention ;
3) 76 millions d'euros de dépenses liées aux élections.
Il convient, enfin, d'ajouter 0,1 milliard d'euros d'économies réalisées sur les crédits d'entretien routier de la mission « Ecologie, développement et aménagement durables ». Selon les réponses au questionnaire, « même si ces crédits sont comptablement classés en titre 5 (dépenses d'investissement), ils ont, en construction budgétaire et pour l'application des normes transversales d'économies, été traités comme les crédits de fonctionnement, car ils leur sont largement assimilables » .
Au total, sous réserve de « débaser » 160 millions d'euros de dépenses et de considérer des économies d'investissement comme des économies de fonctionnement, les crédits s'affichent en diminution de 0,2 milliard d'euros entre la LFI 2010 et le PLF 2011, soit 2 % de l'assiette réduite (et non 5 %) et 0,47 % des crédits de titre 3 .
Sans ces opérations, la baisse des dépenses de fonctionnement en 2011 serait, y compris sur le périmètre restreint retenu par le Gouvernement, proche de zéro.
b) Les économies d'intervention : 1 % par rapport à 2010
Hors remboursements et dégrèvements, les crédits d'intervention du budget général atteignent près de 67 milliards d'euros en 2011, en progression de 1 % en volume par rapport à 2010. Une fois de plus, l'appréciation de l'objectif gouvernemental d'économies repose sur une réduction de l'assiette considérée et un certain nombre de retraitements .
Il ressort des réponses au questionnaire budgétaire que, des cinq grandes catégories d'interventions, seules deux doivent être prises en compte pour réaliser les objectifs assignés. Les économies portent donc sur les interventions de guichet et les interventions hors guichet, à l'exclusion :
1) des crédits d'intervention de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et de la dotation générale de décentralisation de formation professionnelle budgétée sur la mission « Travail et emploi », qui font l'objet d'un traitement spécifique dans le cadre de la stabilisation en valeur des concours aux collectivités territoriales (article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014) ;
2) de la subvention versée à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) depuis la mission « Écologie, développement et aménagement durables », « comptabilisée en titre 6 mais assimilée à de l'investissement pour le suivi des économies » ;
3) « un certain nombre de dotations pour lesquelles les marges de manoeuvre, par construction, sont réduites » . On retrouve, dans cette catégorie pour le moins hétéroclite , aussi bien les dotations liées à l'organisation des élections ou au financement des partis politiques que les dépenses d'opérations de maintien de la paix, les contributions internationales, les appels en garantie, les dotations à la brigade des sapeurs pompiers de Paris ou la dotation de recensement de l'INSEE... Ce n'en sont pas moins des dépenses d'intervention !
Au total, les seuls crédits d'intervention de guichet et hors guichet passent donc de 59,5 à 58,9 milliards d'euros entre 2010 et 2011, soit une diminution nette de 0,6 milliard d'euros et de -1 %.
Le Gouvernement tempère néanmoins ce résultat en précisant que « compte tenu des évolutions tendancielles à la hausse de la plupart des dispositifs, cette diminution suppose des économies brutes de près de 3,7 milliards d'euros » . Votre rapporteur général n'a aucune raison de douter de l'ampleur de l'effort accompli, déjà soulignée dans le rapport annexé au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014. Nonobstant les chiffrages généraux, parcellaires et difficiles à recouper aujourd'hui disponibles, il demeure donc en attente d'une présentation exhaustive, consolidée et documentée de ces économies brutes et d'une présentation précise des évolutions tendancielles sur lesquelles elles reposent, guichet par guichet. A ce stade, il affiche son scepticisme...
c) La débudgétisation de certaines interventions
On relève enfin que les baisses de crédits prévues par le projet de loi de finances ne correspondent vraisemblablement pas toutes à des baisses de dépenses stricto sensu, et résultent davantage de la mobilisation de sources de financement alternatives.
Comme votre rapporteur général l'a déjà souligné dans son rapport sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, certaines dépenses seront désormais prise en charge soit par des entités tierces à l'Etat , soit par la mobilisation de ressources exceptionnelles . Il en va ainsi, par exemple :
1) du financement de la politique de l'emploi , désormais partagé entre l'Etat et d'autres acteurs : une partie des excédents du fonds de sécurisation des parcours professionnels sera mobilisée, à hauteur de 300 millions d'euros, « pour le financement de dépenses assurées par l'Etat dans le domaine de la formation professionnelle » ;
2) du financement de certaines interventions agricoles , telles que les aides aux associations départementales pour l'aménagement des structures et des exploitations agricoles (ADASEA), « progressivement prises en charge par les chambres d'agriculture » ;
3) de la baisse des crédits de la mission « Ville et logement » , largement imputable, non à des économies réelles, mais à des débudgétisations. Ce sont ainsi Action logement et les organismes HLM qui se substitueront à l'Etat pour le financement de dépenses de développement et d'amélioration de l'offre de logement auparavant supportées par le budget général, de même que le financement des aides personnelles au logement continuera s'effectuer par la majoration des contributions au Fonds national d'aide au logement qui permettra de diminuer le montant de la subvention d'équilibre versée par l'Etat.
Outre qu'elles ne contribuent pas à la lisibilité du financement des politiques publiques, ces débudgétisations ne reposent pas nécessairement sur la mobilisation de ressources pérennes et l'on peut s'interroger sur ce qu'il adviendra des dispositifs ainsi financés lorsque les réserves extrabudgétaires appelées en renfort se seront taries... Peut-être faudra-t-il alors faire vraiment des économies ?
* 39 C'est-à-dire hors remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat et d'impôts locaux.
* 40 Et par conséquent hors subventions pour charges de service public aux opérateurs.