PREMIÈRE PARTIE - LES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES ET LE CONTEXTE MACROÉCONOMIQUE
I. UN SCÉNARIO LÉGÈREMENT OPTIMISTE POUR 2011
A. UNE HYPOTHÈSE DE CROISSANCE (2 %) LÉGÈREMENT SUPÉRIEURE À CELLE DU CONSENSUS DES CONJONCTURISTES (1,5 %)
Après la récession de 2009 (croissance de - 2,6 %), la plus marquée depuis la Seconde Guerre Mondiale, l'économie française connaîtrait en 2010, selon le consensus des conjoncturistes comme selon le Gouvernement, une croissance de 1,5 %, légèrement inférieure à son potentiel (de l'ordre de 2 %).
Dans le cas de l'année 2011, la prévision du Gouvernement est de 2 %, contre 1,5 % selon le consensus des conjoncturistes. La prévision du Gouvernement est donc, comme cela est habituellement le cas, supérieure de quelques dizaines de points à ce dernier. Ce léger « biais optimiste » (moindre toutefois que celui relatif aux années postérieures couvertes par les programmations pluriannuelles) est cependant nettement inférieur à la marge d'erreur. En effet, les prévisionnistes ont de fait beaucoup de mal à prévoir les écarts de la croissance par rapport à son potentiel : alors que leurs prévisions sont généralement proches de 2 %, la croissance observée connaît des fluctuations importantes, comme le montre le graphique ci-après.
La croissance du PIB : prévision associée au projet de loi de finances et exécution
(en %)
(1) Commission économique de la Nation.
Dans le cas de l'année 2010, le chiffre retenu pour l'exécution est celui du Gouvernement et du consensus des conjoncturistes (Consensus Forecasts, octobre 2010).
Sources : Insee, rapports économiques, sociaux et financiers, commission économique de la Nation, calculs de la commission des finances
B. D'IMPORTANTS ALÉAS
Dans le contexte économique actuel, les aléas sont particulièrement importants.
Un premier aléa est celui du taux de change de l'euro. Au moment du débat d'orientation des finances publiques, les économistes envisageaient que les incertitudes sur la capacité de certains Etats membres de la zone euro à honorer leur dette suscitent une dépréciation de l'euro bénéfique à la croissance. Cependant, l'euro s'est depuis apprécié, en particulier du fait des politiques menées par les banques centrales. Ainsi, après avoir atteint son maximum à plus de 1,5 dollar le 3 décembre 2009, il s'est déprécié jusqu'à moins de 1,2 dollar le 8 juin 2010, mais s'est depuis stabilisé autour de 1,4 dollar dans la seconde moitié du mois d'octobre 2010.
Le taux de change de l'euro
(euro/dollar)
Source : Banque centrale européenne
A cet aléa sur le taux de change lui-même s'ajoute celui de l'impact d'une évolution donnée du taux de change sur la croissance. Ainsi, comme votre rapporteur général le soulignait dans son rapport d'information préalable au débat d'orientation des finances publiques pour 2011 1 ( * ) , les estimations de l'impact sur la croissance d'une dépréciation de 10 % de l'euro sont de l'ordre de 0,5 point pendant deux ans, mais elles peuvent varier du simple au double.
Un autre aléa est celui de l'impact sur la croissance de la politique budgétaire des Etats de la zone euro. Celle-ci pourrait correspondre à un effort de réduction délibérée du déficit de l'ordre d'1 point de PIB en 2011 2 ( * ) . Cependant, les estimations de l'impact d'une telle réduction discrétionnaire du déficit sur le PIB au bout d'un an varient fortement. Dans le cas où elle porterait sur les seules dépenses, elle varierait de - 0,8 point de PIB selon l'OCDE à - 2 points de PIB selon les estimations les plus « maximalistes » 3 ( * ) . L'impact d'un effort sur les seules recettes serait en revanche deux fois moindre. Si l'on suppose que cette consolidation est également répartie entre dépenses et recettes, l'impact serait donc compris entre -0,6 et - 1,5 point de PIB.
A cela s'ajoute le fait que - bien que ce ne soit pas le scénario retenu par votre commission des finances - l'on ne peut exclure a priori que la crise financière connaisse de nouveaux épisodes, comme une extension de la crise de la dette souveraine à d'autres Etats, ou une nouvelle crise bancaire 4 ( * ) .
* 1 Rapport n° 78 (2010-2011).
* 2 Laurence Boone, « Fiscal adjustment and exchange rate depreciation: mutually offsetting » (« L'ajustement budgétaire et la dépréciation du taux de change : une annulation mutuelle »), in Global Economics Weekly, Barclays Capital, 28 mai 2010.
* 3 Pierre-Alain Muet, « Déficit de croissance européen et défaut de coordination : une analyse rétrospective », in « Coordination européenne des politiques économiques », rapport du Conseil d'analyse économique, 1998.
* 4 M. Patrick Artus évoque ainsi l'éventualité d'une crise bancaire résultant des « dettes LBO » (« leveraged buy-out », ou financement d'acquisition par emprunt, utilisé pour acquérir des sociétés), de difficultés pour les banques à refinancer leurs dettes à échéance, ou des effets sur les banques européennes de possibles défauts souverains (« Quel grave choc pourrait faire remonter l'aversion pour le risque ? », « Flash marchés » n° 559, Natixis, 20 octobre 2010).