II. UN PLFSS QUI ENGAGE LE REDRESSEMENT DES COMPTES

L'année dernière, votre commission mettait en exergue trois priorités : régler la question de la dette sociale, poursuivre la maîtrise des dépenses, assurer un financement durable de la protection sociale. Elle déplorait qu'aucune d'entre elles ne soit réellement traitée. Cette année, le projet de loi de financement permet de leur apporter au moins un début de réponse et d'engager un processus clair

A. UNE REPRISE DE DETTE SANS PRÉCÉDENT

Ce projet de loi organise la plus importante reprise de dette sociale jamais effectuée avec le transfert à la Cades de 130 milliards, dont 68 dès 2011, ce qui représente un quasi-doublement de la dette sociale reprise par celle-ci depuis sa création en 1996.

1. Un doublement de la dette sociale

L'article 9 du projet de loi organise la reprise de 130 milliards d'euros, soit presque autant que la dette transférée, depuis sa création, à la Cades, c'est-à-dire 134,6 milliards d'euros, et largement plus que la dette que celle-ci a encore la charge d'amortir, soit environ 90 milliards.

Ces 130 milliards comprennent l'intégralité des déficits du régime général et du FSV pour 2009 et 2010, le déficit prévisionnel de l'assurance maladie et de la famille pour 2011 et les déficits prévisionnels de la branche vieillesse (Cnav et FSV) de 2011 à 2018. La réforme des retraites prévoit en effet un retour à l'équilibre de la branche vieillesse en 2018 et tous les déficits qu'il est prévu d'enregistrer d'ici là sont pris en compte par le traitement de la dette ainsi organisé.

Le Gouvernement répartit cette dette en trois ensembles :

- la dette de crise , estimée à 34 milliards d'euros pour 2009 et 2010 ;

- la dette structurelle , d'un montant également évalué à 34 milliards pour 2009, 2010 et 2011 au titre de la maladie et de la famille ;

- les déficits de l'assurance vieillesse (Cnav et FSV) de 2011 à 2018, soit 62 milliards.

Un tel scénario impliquerait un transfert de dette à l'Acoss de l'ordre de 68 milliards d'euros en 2011, puis d'une dizaine de milliards chaque année jusqu'en 2018.

2. Un plan de financement diversifié

Sur la base de cette répartition en trois ensembles, le Gouvernement présente un plan de financement qui comporte également trois volets :

- la dette de crise sera refinancée grâce à l'allongement de la durée de vie de la Cades , dont le terme devrait passer de 2021 à 2025 ; cet allongement de quatre années de la durée d'amortissement de la dette sociale est autorisé par le présent projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale que le Parlement vient d'adopter et qui est actuellement soumis à l'examen du Conseil constitutionnel ;

- la dette structurelle sera financée grâce à l'affectation à la Cades de 3,2 milliards de recettes nouvelles ;

- les déficits de l'assurance vieillesse seront, pour leur part, financés grâce à la mobilisation au profit de la Cades des actifs - soit une trentaine de milliards d'euros, hors soulte des industries électriques et gazières - et de la recette - environ 1,5 milliard d'euros par an - du fonds de réserve pour les retraites.


• Un allongement de quatre ans de la durée de vie de la Cades

L'adoption du projet de loi organique a permis de lever, à titre exceptionnel, le verrou posé par le législateur dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale du 2 août 2005, à savoir l'impossibilité de transférer de nouvelles dettes à la Cades sans lui affecter parallèlement les ressources nécessaires pour y faire face.

La justification principale de cette mesure est que la dette de crise est avant tout liée à un « choc de recettes » . Il s'agit, pour le Gouvernement, d'atténuer par ce biais le coût de la reprise de la dette accumulée, soit 80 milliards à la fin 2011. Celui-ci aurait en effet nécessité, sans allongement de la durée de vie de la caisse, un doublement au moins des recettes qu'il est aujourd'hui prévu d'affecter à la Cades.

Ces quatre années supplémentaires permettent donc de transférer à la caisse environ 34 milliards d'euros de dette sans accroissement des ressources qui lui sont affectées. Pour le Gouvernement, il s'agit de « partager le contrecoup de la crise sur un horizon de quinze ans, durée qui reste cohérente avec l'horizon de vie des générations qui ont bénéficié collectivement des prestations servies pendant les années concernées par la dette » 1 ( * ) .


• Des recettes inédites

Le Gouvernement a décidé d'affecter à la Cades le produit de la réduction de certaines niches sociales et fiscales plutôt que de procéder à des hausses d'impôts, afin « pour des questions d'équité intergénérationnelle et de justice sociale, de faire supporter par les générations actuelles d'actifs et de retraités le poids des déficits structurels des années 2009 et 2010, sans pour autant mettre en péril une reprise économique encore fragile » 2 ( * ) .

Il a retenu trois recettes qui touchent le secteur des assurances.

Nouvelles recettes concernant le secteur des assurances

- l'assujettissement à la taxe sur les conventions d'assurance (TCA) des « contrats santé responsables », aujourd'hui exonérés, à un taux réduit de 3,5 % au lieu de 7 %, de manière à sauvegarder leur spécificité. Le rendement serait de 1,1 milliard pour 2011 ;

- la taxation forfaitaire des sommes placées dans la réserve de capitalisation des sociétés d'assurance - qui ne sont pas aujourd'hui fiscalisées - apportant, sur la seule année 2011, 1,4 milliard ;

- une taxation aux prélèvements sociaux des compartiments euros des contrats d'assurance-vie multi-supports au fur et à mesure des encaissements plutôt qu'au moment du dénouement du contrat, à l'instar des règles en vigueur pour les contrats d'assurance-vie en euros. Le surcroît de recettes attendues serait de 1,6 milliard en 2011, pour décroître ensuite dans le temps.

Ces mesures de recettes figurent dans le projet de loi de finances pour 2011. Elles sont censées rapporter 3,2 milliards d'euros en 2011 et assurément moins les années suivantes.

En effet, la taxation des réserves de capitalisation des sociétés d'assurance est une « mesure à un coup », même si le Gouvernement envisage de répartir son produit entre les exercices 2011 et 2012 ; l'anticipation des prélèvements sociaux sur les compartiments euros des contrats d'assurance-vie rapportera certes en 2011 environ 1,6 milliard d'euros, mais bien moins ensuite car la recette s'effritera naturellement, sans compter les éventuels arbitrages auxquels procéderont les épargnants. Seule la taxation des contrats d'assurance santé responsables aura une certaine pérennité, mais cette mesure pose d'autres questions qui feront l'objet de débats dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Au total, ces recettes soulèvent donc une interrogation majeure dans la mesure où elles n'offrent pas les garanties de stabilité et de dynamisme nécessaires à la garantie d'un processus de remboursement sécurisé et pérenne de la dette sociale . Le ministre l'avait d'ailleurs lui-même reconnu lors de son audition du 1 er septembre devant votre commission, comme dans le courrier qu'il a fait parvenir à votre rapporteur où il indique : « il conviendra de prévoir dans la loi de financement un mécanisme permettant de garantir les ressources de la Cades sur le long terme. Dans cette perspective, le schéma de reprise de dette retient l'apport de recettes nouvelles à partir de 2013, que ce soit par la suppression de nouvelles niches fiscales et sociales ou, à défaut, par une hausse progressive de la CRDS ».

C'est la raison pour laquelle votre commission, suivie par la Sénat, a voulu inscrire, dans la loi organique, une clause de garantie de recettes pour la Cades . Chaque année, la loi de financement devra assurer le respect de la règle d'affectation des recettes nécessaires au remboursement des dettes sociales reprises. Si les recettes affectées par le Gouvernement ne permettent pas le respect de cette règle, il faudra que la loi de financement prévoie une augmentation, par exemple de la CRDS pour, le cas échéant, combler la différence.

L'Assemblée nationale a maintenu cette clause de garantie mais ajouté que les recettes de la Cades sont assises sur une assiette qui est celle de la CRDS et de la CSG.

Le Gouvernement a donc modifié cette partie de son plan de financement, lors de l'examen du présent projet de loi de financement à l'Assemblée nationale : le panier « assurances » est maintenu mais il est affecté à la branche famille, au lieu de la Cades, en compensation d'un prélèvement sur la CSG qui lui revient, à hauteur de 0,28 point, et qui sera dès lors transféré à la Cades.

Votre commission ne se satisfait pas de ce montage. Elle ne souhaite pas voir affaiblies les ressources de la branche famille et continue à penser que la meilleure recette pour le remboursement de la dette sociale est la CRDS , qu'il faudrait donc augmenter de 0,26 point pour obtenir les 3,2 milliards d'euros nécessaires.


• La mobilisation du fonds de réserve pour les retraites

Dès la présentation du projet de loi de réforme des retraites, la possibilité de l'utilisation du fonds de réserve pour les retraites, soit par le biais de sa recette - une partie du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital, soit environ 1,5 milliard d'euros par an -, soit par le biais de ses actifs, a été évoquée, puis clairement retenue comme l'un des principaux éléments du bouclage financier de la réforme.

Le présent projet de loi de financement prévoit donc l'affectation à la Cades de la recette que le FRR percevait jusqu'alors, soit 65 % du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital. Par ailleurs, le FRR versera chaque année à la caisse 2,1 milliards d'euros au titre de la réalisation de ses actifs. Selon les estimations du Gouvernement, le FRR pourra, avec un tel objectif, continuer à exercer ses activités de placement jusqu'en 2024, date à laquelle ses actifs résiduels seront transférés à la Cades.

Ces deux catégories de recettes doivent permettre, de transférer 62 milliards de dettes à la Cades et de financer ainsi l'amortissement des déficits de la branche vieillesse sur la période 2011-2018.


* 1 Courrier de François Baroin à Alain Vasselle, 30 août 2010.

* 2 Cf. courrier précité.

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