CHAPITRE 1ER - LES OBJECTIFS GÉNÉRAUX DES FINANCES PUBLIQUES
ARTICLE 3 - Évolution du solde des administrations publiques et de la dette publique
Commentaire : le présent article donne un statut législatif aux objectifs de solde et de dette des administrations publiques pour la période 2011-2014.
I. LE DROIT EXISTANT
A. LES PROGRAMMATIONS DES FINANCES PUBLIQUES EXISTANT ACTUELLEMENT
Il existe d'ores et déjà de nombreuses programmations des finances publiques qui, comme le présent projet de loi, n'ont qu'un rôle indicatif :
- les programmes de stabilité ;
- les programmations pluriannuelles annexées aux projets de loi de finances ;
- les lois de programmation des finances publiques.
Ces différents documents ont été présentés ci-avant dans l'exposé général.
B. DES PROGRAMMATIONS JAMAIS RESPECTÉES
L'évolution du solde public a été jusqu'à présent largement indépendante des programmations, qui se sont jusqu'à présent contentées de décaler, chaque année ou presque, l'objectif de retour à l'équilibre, comme cela a été indiqué dans l'exposé général.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article actualise la trajectoire de finances publiques prévue par l'article 2 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
On rappelle que la loi de programmation actuelle, dont la trajectoire de solde était manifestement caduque lors de son adoption définitive en février 2009, prévoit un déficit de 3,1 % en 2010, 2,3 % en 2011 et 1,5 % en 2012.
Les lois de programmation des finances publiques, de projet de loi à projet de loi : programmation du solde public
(en points de PIB)
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
Hypothèse de croissance pour 2009 |
|
Loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 |
||||||||
Texte initial |
-2,7 |
-2,7 |
-2 |
-1,2 |
-0,5 |
de 1 % à 1½ % |
||
Texte AN |
-2,7 |
-2,7 |
-2 |
-1,2 |
-0,5 |
de 1 % à 1½ % |
||
Texte Sénat |
-2,9 |
-3,1 |
-2,7 |
-1,9 |
-1,2 |
de 0,2 % à 0,5 % |
||
Texte promulgué |
-3,2 |
-4,4 |
-3,1 |
-2,3 |
-1,5 |
de 0,2 % à 0,5 % |
||
Présent projet de loi |
-7,7 |
-6 |
-4,6 |
-3 |
-2 |
- |
Source : textes mentionnés
Plus précisément, le présent article prévoit :
« La programmation du solde des administrations publiques et de la dette publique s'inscrit dans le cadre des engagements européens de la France. Dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l'article 2, elle s'établit » conformément au tableau ci-après.
La trajectoire de finances publiques prévue par le présent article
(en points de PIB)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Administrations publiques |
-7,7 |
-6 |
-4,6 |
-3 |
-2 |
Etat et organismes divers d'administration centrale |
-5,6 |
-4 |
-3,1 |
-2,1 |
-1,5 |
Administrations publiques locales |
-0,4 |
-0,5 |
-0,3 |
-0,2 |
0 |
Administrations de sécurité sociale |
-1,7 |
-1,5 |
-1,2 |
-0,8 |
-0,5 |
Dette des administrations publiques |
82,9 |
86,2 |
87,4 |
86,8 |
85,3 |
La formule « dans le contexte macroéconomique décrit dans le rapport annexé mentionné à l'article 2 » signifie que les véritables engagements du Gouvernement concernent les dépenses et les mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et non le solde en lui-même. Votre commission des finances ne peut qu'approuver cette précision, conforme à ses positions déjà exprimées et notamment à la précision analogue, insérée à son initiative, figurant dans la loi de programmation des finances publiques 2009-2012.
III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Dans sa rédaction initiale, le présent article ne ventilait pas le solde public entre les différentes catégories d'administrations publiques (Etat, organismes divers d'administration centrale, administrations de sécurité sociale, administrations publiques locales).
Cette ventilation résulte en effet d'une modification apportée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son président Jérôme Cahuzac.
IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA VENTILATION PAR CATÉGORIES D'ADMINISTRATIONS PUBLIQUES INSÉRÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE PEUT ÊTRE MAINTENUE
La rédaction adoptée par l'Assemblée nationale se démarque donc de la position de votre commission des finances exprimée lors de l'examen de ce qui est devenu la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.
En effet, votre commission des finances a alors présenté - sans succès, le texte initial ayant été rétabli par la commission mixte paritaire - un amendement tendant à supprimer cette ventilation, qui figurait dans le texte initial. Elle considérait en effet qu'il n'était pas opportun d'adopter un article prévoyant explicitement le retour des collectivités territoriales à l'équilibre en fin de période (soit 2012). Par ailleurs, peu importe que la répartition du solde public se décompose d'une manière ou d'une autre : du point de vue de la maîtrise de l'endettement, c'est le niveau global du déficit qui importe.
Votre commission des finances estime cependant que le contexte a changé. En effet, il est désormais clairement acquis que l'objectif de solde public n'a pas, en tant que tel, de valeur contraignante.
B. AJOUTER UN SCÉNARIO ALTERNATIF REPOSANT SUR UNE HYPOTHÈSE DE CROISSANCE DE 2 %
1. La nécessité de rompre avec l'habitude de retenir systématiquement une hypothèse de croissance de 2,5 %
Comme cela a été indiqué dans l'exposé général, une cause essentielle du non respect des programmations en ce qui concerne le solde est l'optimisme systématique de l'hypothèse de croissance du PIB.
En effet, la croissance structurelle de l'économie française est habituellement estimée à environ 2 % par an. Depuis le début des années 2000, la croissance du PIB a été de seulement 1,6 % en moyenne. Or, à quelques exceptions près, les programmes de stabilité ont reposé sur une hypothèse de croissance de 2,5 %, voire 3 % dans le cas des « scénarios hauts ». Le présent projet de loi, qui retient une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % en 2012-2014, ne marque hélas pas de rupture à cet égard.
La croissance du PIB : hypothèses associées aux trois années suivant celles couvertes par la LFI et exécution
(en %)
Le taux de croissance indiqué pour 2010 est celui du consensus des conjoncturistes (Consensus Forecasts, octobre 2010).
PS : programme de stabilité. H : scénario « haut ». B : scénario « bas ». LPFP : loi de programmation des finances publiques. PJL : projet de loi.
Source : commission des finances, d'après les documents indiqués
Il est certes toujours possible de discuter des hypothèses de croissance triennales dans le cas d'une programmation particulière, et de confronter, de manière assez vaine, les arguments suggérant que la croissance sera supérieure ou inférieure à 2 %. La vérité est :
- que personne n'en sait rien ;
- que si l'on retient systématiquement une hypothèse de 2,5 % on est certain sur longue période de surestimer la croissance d'environ 0,5 point par an ;
- que si l'on retient systématiquement une hypothèse de 2 % on est certain sur longue période de ne pas se tromper de beaucoup.
Dans ces conditions, si l'objectif est d'afficher une trajectoire crédible de dette et de solde publics, il n'est manifestement pas justifié de retenir une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 % en 2012-2014, comme le fait le présent projet de loi. Une hypothèse de 2 % serait plus appropriée.
Tel est d'autant plus le cas que si le Gouvernement respecte les objectifs du présent projet de loi en matière d'évolution des dépenses publiques et de mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, la croissance du PIB, du fait de l'effet récessif de ces mesures, pourrait s'en trouver réduite d'environ 0,5 point de PIB par an. Cela réduit encore la crédibilité d'une hypothèse de croissance du PIB de 2,5 %.
2. Un consensus sur la nécessité de retenir des hypothèses prudentes
Les travaux récents sur la règle de solde sont parvenus à un consensus sur le fait que les hypothèses économiques sur lesquelles reposent les programmations doivent être prudentes.
C'est ce que votre commission des finances appelle la « règle de sincérité ». Ainsi, dans son rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques, elle estime qu'« on pourrait prévoir, par convention, que les programmes de stabilité sont construits en fonction du taux de croissance moyen du PIB constaté au cours des dix dernières années ou de toute autre méthode prudente résultant, par exemple, d'une concertation au sein de l'Eurogroupe ».
Le groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus envisage quant à lui (sans être parvenu à un consensus) la mise en place d'un comité d'experts chargé de se prononcer à ce sujet. Il y voit une condition de la sincérité du débat budgétaire, et se réfère à l'article 47-2 de la Constitution, qui concerne la sincérité des comptes publics.
Par ailleurs, l'article 4 de la proposition de directive sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres rendue publique par la Commission européenne le 29 septembre 2010 prévoit : « Les États membres veillent à baser leur planification budgétaire sur des prévisions macroéconomiques et budgétaires réalistes, en utilisant les informations les plus actuelles. La planification budgétaire repose sur le scénario macrobudgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. (...) Les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la planification budgétaire incluent des scénarios macroéconomiques alternatifs permettant d'étudier la trajectoire des variables budgétaires dans différentes conditions économiques ».
Dans ces conditions, il paraît nécessaire de modifier le présent article afin d'insérer un scénario alternatif. Si l'on conserve l'optimisme du Gouvernement au sujet du solde des administrations publiques locales, on parvient au tableau ci-après.
Le scénario alternatif de finances publiques proposé par la commission des finances (croissance du PIB de 2 % par an de 2011 à 2014)
(en points de PIB)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
|
Administrations publiques |
-7,7 |
-6,0 |
-5,0 |
-3,8 |
-3,0 |
Etat et organismes divers d'administration centrale |
-5,6 |
-4,0 |
-3,2 |
-2,3 |
-1,8 |
Administrations publiques locales |
-0,4 |
-0,5 |
-0,4 |
-0,4 |
-0,2 |
Administrations de sécurité sociale |
-1,7 |
-1,5 |
-1,4 |
-1,2 |
-1,1 |
Dette des administrations publiques |
82,9 |
86,1 |
87,9 |
88,6 |
88,5 |
Ce scénario est calculé par variation par rapport à celui du présent projet de loi, ce qui explique qu'il ne coïncide pas parfaitement avec le scénario B de la commission des finances présenté ci-avant. L'hypothèse de croissance retenue ici (2 % par an de 2011 à 2014) n'étant pas supérieure à la croissance structurelle, on suppose une stabilité des dépenses d'assurance chômage en points de PIB (contrairement à l'hypothèse du Gouvernement, retenue dans le programme de stabilité 2010-2013, d'une diminution des dépenses d'assurance chômage de 5,4 % par an en valeur).
Source : calculs de la commission des finances
Il est à noter que le programme de stabilité 2010-2013 comprend un scénario alternatif de croissance à 2,25 % (contre 2 % dans le scénario ci-avant). Le principe d'un scénario de croissance alternatif ne constituerait donc pas une innovation. Il est à noter que ce scénario parvient à des résultats analogues à ceux de celui indiqué ci-avant, qui paraît donc plutôt optimiste. L'objectif de 3 points de PIB serait atteint en 2014.
Le scénario alternatif de finances publiques figurant dans le programme de stabilité 2010-2013 (croissance du PIB de 2,25 % à partir de 2011)
(en points de PIB)
Source : programme de stabilité 2010-2013
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.