CHAPITRE II - L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES PUBLIQUES
ARTICLE 4 - Évolution annuelle des dépenses publiques en volume
Commentaire : le présent article prévoit que « l'évolution des dépenses des administrations publiques s'établit à + 0,8 % en volume en moyenne annuelle ».
I. LE DROIT EXISTANT
Il n'existe pas actuellement de texte de programmation indiquant l'objectif de croissance des dépenses sur la période 2011-20 14 .
A. LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES 2009-2012
L'article 4 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 prévoit que « l'évolution des dépenses de l'ensemble constitué par l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale pour la période 2009 à 2012 s'établit à 1,1 % en volume en moyenne annuelle ».
Cette norme ne comprend pas l'ensemble des administrations publiques, à la suite d'un amendement de votre commission des finances, qui avait considéré qu'en l'absence de dispositif de pilotage, il était vain que le Gouvernement s'engage sur des dépenses qu'il ne contrôlait pas.
Il résulte du rapport annexé que cette norme doit être vérifiée non chaque année, mais en moyenne sur la période. En effet, l'hypothèse de croissance varie fortement d'une année à l'autre, comme le montre le graphique ci-après.
L'hypothèse de croissance des dépenses publiques retenue par le rapport annexé à la loi de programmation 2009-2012
Source : loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012
L'hypothèse de croissance des dépenses retenue pour chacune des années n'apparaît pas ailleurs que sur ce graphique, et n'est donc pas exprimée numériquement.
B. LE PROGRAMME DE STABILITÉ 2010-2013
Le programme de stabilité 2010-2013 avance le chiffre de 0,9 % en volume, mais sur la période 2010-2013.
Dans les deux cas, le fait que la norme de dépenses soit exprimée en moyenne sur la période, et non année par année, la prive de toute portée pratique. Ce n'est en effet qu'en 2013 ou 2014 que l'on saura si elle a ou non été respectée.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
Le présent article, adopté sans modification par l'Assemblée nationale, prévoit que « l'évolution des dépenses des administrations publiques s'établit à + 0,8 % en volume en moyenne annuelle ».
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. DIVERS PROBLÈMES TECHNIQUES PRIVENT LE PRÉSENT ARTICLE DE TOUTE PORTÉE PRATIQUE
Le présent article est, avec l'article 9 (relatif aux mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires), le plus important du présent projet de loi. Ce sont en effet ces deux articles qui déterminent la politique de finances publiques du Gouvernement.
Or, le présent article pose d'importants problèmes qui le vident de l'essentiel de sa portée.
1. Le taux de 0,8 % est supérieur au taux de 0,6 % retenu par le rapport annexé
Tout d'abord, le présent article n'est pas cohérent avec le rapport annexé. En effet, ce dernier précise que ce taux de 0,8 % s'entend « hors contrecoup du plan de relance » : en réalité, le Gouvernement suppose « une croissance annuelle moyenne de +0,6 % par an en volume, soit +0,8 % par an hors plan de relance ».
Il convient donc soit de retenir le chiffre de 0,6 %, soit de préciser que le chiffre de 0,8 % s'entend sans contrecoup du plan de relance. Ne pas raisonner ainsi conduirait à un déficit public supérieur de 0,4 point de PIB (soit 8 milliards d'euros) en 2014.
2. Il faudra attendre 2015 pour savoir si le présent article a été respecté
Ensuite, le rapport annexé précise que le taux de 0,8 % ne correspond pas au taux de croissance chaque année de la période, mais à « la moyenne des progressions 2010-2011, 2011-2012, 2012-2013, 2013-2014 ».
Ainsi, comme dans le cas de la loi de programmation actuelle, la croissance des dépenses publiques doit varier d'une année sur l'autre, comme le montre le graphique ci-après, issu du rapport annexé.
La croissance des dépenses publiques, selon le rapport annexé au présent projet de loi
Source : rapport annexé au présent projet de loi
Concrètement, cela signifie qu'il ne sera pas possible de déterminer, avant que l'exécution de l'année 2014 soit connue (c'est-à-dire 2015), dans quelle mesure le présent article aura été respecté. Cela revient à le priver de toute portée pratique.
B. LA NÉCESSITÉ D'UN AMENDEMENT SUBSTANTIEL
Il est donc nécessaire de modifier le présent article.
1. Définir des plafonds annuels de dépenses publiques
Tout d'abord, il faut définir des plafonds annuels de dépenses publiques, afin qu'il soit possible de savoir, chaque année de la programmation, dans quelle mesure l'objectif de dépenses publiques est ou non respecté.
Pour éviter que les dérapages éventuels ne se cumulent d'une année sur l'autre, la norme doit être définie non en taux de croissance par rapport à l'année précédente, mais par référence à des niveaux définis en milliards d'euros.
Comme il n'est pas possible de savoir ce que sera l'inflation sur la période, on peut retenir la même solution que celle des lois de programmation militaire, consistant à définir les montants en euros constants , actualisés pour une année donnée en fonction de la prévision d'indice des prix à la consommation associée au projet de loi de finances pour l'année concernée. Ainsi, si des erreurs de prévision d'inflation sont possibles (et même probables), au moins elles ne se cumulent pas (la prévision d'indice des prix étant bien entendu réactualisée en fonction de l'exécution constatée).
Par ailleurs, il faut retenir une hypothèse de croissance des dépenses en volume non de 0,8 % par an, ni même de 0,6 % par an, mais correspondant à celle effectivement retenue par le Gouvernement, pour chaque année de sa programmation.
Sur la base de prévisions de dépenses publiques de 1 103 milliards d'euros en 2010 (correspondant aux 1067,7 milliards d'euros de 2009, majorés sur la base des hypothèses du Gouvernement d'une inflation de 1,5 % et d'une croissance des dépenses de 1,8 % en volume), on arrive aux montants de la ligne 1 du tableau ci-après.
Le montant définitif des dépenses des administrations publiques de 2009, et a fortiori de 2010, n'est pas encore connu. C'est pourquoi le texte adopté par votre commission des finances exprime les objectifs annuels sous la forme d'une augmentation cumulée par rapport à 2010 (ligne 2). Il est d'autant plus impératif que la prévision de dépenses de 2010 soit respectée, afin de ne pas remettre en cause la programmation du Gouvernement.
Les plafonds de dépenses des administrations publiques proposés par la commission des finances
(en milliards d'euros de 2010)
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
||
1 |
Plafond en Mds € de 2010 |
1102,9 |
1108,4 |
1116,2 |
1121,8 |
1129,6 |
2 |
Evolution par rapport à l'année précédente* |
6 |
14 |
20 |
28 |
|
3 |
Pour mémoire : taux de croissance en % ** |
0,5 |
0,7 |
0,5 |
0,7 |
* Montants figurant dans le texte de la commission (arrondis au milliard d'euros le plus proche).
** Hypothèses retenues par le Gouvernement.
2. Prévoir un dispositif de pilotage
L'expérience des programmes de stabilité, qui existent depuis la fin des années 1990, avec une inefficacité totale (les dépenses publiques ont continué d'augmenter de plus de 2 % par an en volume, alors que les programmes de stabilité prévoyaient une croissance des dépenses de l'ordre de 1 % en moyenne), montre qu'une programmation des dépenses publiques est vaine si elle ne s'accompagne pas d'instruments de pilotage.
Il importe donc, comme l'a souhaité votre commission des finances en appelant, lors du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, à un « pilotage en temps réel », qu'un éventuel dérapage des dépenses publiques ne soit pas simplement constaté a posteriori , mais donne lieu à des mesures correctrices immédiates.
La nécessité d'instruments de pilotage de la dépense publique, selon le président et le rapporteur général de la commission des finances « Il est déterminant que le « pilotage » puisse intervenir quasiment en temps réel, de façon à ce que la règle reste contraignante. Plusieurs mécanismes sont envisageables, et en particulier la présentation par le Gouvernement au Parlement d'une situation des finances publiques à la fin de chaque trimestre. « Dans le même esprit, il a été proposé de confier à la Cour des comptes un rôle d'alerte en cas de risque de dérapage des recettes ou des dépenses, le Gouvernement devant alors réaliser les ajustements nécessaires par une loi de finances rectificative. On pourrait également envisager de confier ce rôle à un comité indépendant, sur le modèle du comité d'alerte des dépenses d'assurance maladie. « Dans tous les cas de figure, il est possible d'envisager ex ante, dans la LFI et la LFSS, des mesures correctrices susceptibles d'être prises en cours d'année si la règle semblait devoir ne pas être respectée. » Source : Jean Arthuis, Philippe Marini, « Note à l'attention de M. Michel Camdessus, président du groupe de travail sur la mise en place d'une règle d'équilibre des finances publiques », 17 mai 2010 |
Certes, le présent projet de loi n'a pas de nature contraignante. Votre commission des finances a cependant apporté des modifications à l'article 13, afin de mettre en place les premiers éléments d'un dispositif de pilotage qui devrait donner davantage d'effectivité au présent article.
3. Garder comme périmètre l'ensemble des administrations publiques
A l'initiative de votre commission des finances, l'article 4 de la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 concerne non l'ensemble des administrations publiques, mais « l'ensemble constitué par l'Etat, les organismes divers d'administration centrale et les régimes obligatoires de base de sécurité sociale ».
Votre commission des finances avait en effet alors estimé que, pour que l'article concerné ne soit pas purement déclaratif, il convenait d'en restreindre le champ à ce que le Gouvernement contrôlait le moins mal.
En effet, le Gouvernement ne contrôle pas certaines dépenses. Tel est le cas en particulier :
- de celles des collectivités territoriales ;
- des dépenses d'assurance chômage, gérées par les partenaires sociaux et très dépendantes de la conjoncture. Selon les estimations usuelles, chaque point de croissance du PIB au dessus du taux structurel de 2 % réduit le taux de chômage de 0,35 point (le même phénomène jouant également en sens inverse). Si la croissance du PIB d'ici 2013 était inférieure de 0,5 point par an aux prévisions du Gouvernement, chaque année les dépenses publiques s'en trouveraient accrues de 1,5 milliard d'euros supplémentaire, ce qui correspondrait à une augmentation de 0,15 point du taux de croissance des dépenses publiques.
La situation n'est aujourd'hui plus la même, votre commission des finances, dans sur rapport en vue du débat d'orientation des finances publiques pour 2011, et le rapport du groupe de travail présidé par M. Michel Camdessus, jugeant nécessaire de mettre en place une véritable norme de dépenses publiques, ayant effectivement vocation à être appliquée.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.