ARTICLE 7 quater
(Article
L. 431-1 du code monétaire et financier)
Limitation des
ventes à découvert
et réduction du délai de
règlement-livraison des titres
Commentaire : le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, inscrit dans la loi les dispositions des articles 570-1 et 570-2 du règlement général de l'Autorité des marchés financiers, afin de consacrer les engagements réciproques de règlement et de livraison des parties à une transaction boursière, et de réduire de trois à un jour de négociation le délai dans lequel intervient l'inscription en compte et le transfert de propriété des titres.
I. LES ENGAGEMENTS DE RÈGLEMENT ET DE LIVRAISON DE TITRES
A. LE TRANSFERT DE PROPRIÉTÉ DE TITRES RÉSULTE DE L'INSCRIPTION EN COMPTE EN J + 3
L'article L. 211-17 du code monétaire et financier, modifié par l'ordonnance n° 2009-15 du 8 janvier 2009 relative aux instruments financiers, prévoit un principe général selon lequel le transfert de propriété de titres financiers - définis par l'article L. 211-1 du même code 174 ( * ) - résulte de leur inscription au compte-titres de l'acquéreur . Lorsque les titres sont admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison, la date et les conditions de cette inscription au compte-titres sont déterminées par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers 175 ( * ) (AMF).
Aux termes du premier alinéa de l'article 570-2 du règlement général de l'AMF, cette date de dénouement de la transaction est déterminée par les règles de fonctionnement du système de règlement et de livraison lorsque le compte du teneur de compte conservateur de l'acheteur, ou le compte du mandataire de ce teneur de compte conservateur, est crédité dans les livres du dépositaire central.
Le deuxième alinéa de cet article précise le délai et dispose que sauf exceptions, « la date de dénouement des négociations et simultanément d'inscription en compte intervient au terme d'un délai de trois jours de négociation après la date d'exécution des ordres ». Cette date s'applique également lorsque les instruments financiers de l'acheteur et du vendeur sont inscrits dans les livres d'un teneur de compte conservateur commun.
Il en résulte que l'enregistrement comptable de la négociation aux comptes de l'acheteur et du vendeur, qui est effectué dès que leur teneur de compte conservateur a connaissance de l'exécution de l'ordre, soit en pratique le jour J, ne vaut inscription en compte et n'emporte transfert de propriété qu'en J + 3 176 ( * ) .
Ce régime de transfert avait été unifié par une ordonnance du 31 mars 2005 177 ( * ) , dans la mesure où il était jusqu'alors juridiquement distinct selon que les titres étaient négociés sur un marché réglementé ou non. Les systèmes français de règlement et de livraison étaient également ainsi mis en conformité avec les standards internationaux .
B. LE DROIT FRANÇAIS AUTORISE LES « VENTES À NU » DE MANIÈRE LIMITÉE
L'article 570-1 du règlement général de l'AMF prévoit que l'acheteur et le vendeur sont, dès l'exécution de l'ordre, définitivement engagés , le premier à payer , le second à livrer les instruments financiers, à la date prévue par l'article 570-2, soit J + 3. En outre, le prestataire auquel l'ordre est transmis peut exiger, lors de la réception de l'ordre ou dès son exécution, la constitution dans ses livres, à titre de couverture, d'une provision en espèces en cas d'achat, en instruments financiers objets de la vente en cas de vente.
La réglementation française prévoit donc un engagement de livraison en J + 3 et non une obligation de détention des titres vendus dès la transaction. En cas de vente à découvert, le vendeur a le plus souvent emprunté préalablement les titres, dont il est dès lors propriétaire et qu'il peut livrer à bonne date, pour ensuite les racheter et les restituer au prêteur. Il résulte néanmoins des dispositions précédentes que la vente à découvert « nue » , c'est-à-dire sans détention ni emprunt préalable des titres, est possible entre J et J + 3 , tant que le vendeur honore son obligation de livraison in fine .
Au sens strict privilégié par certains acteurs des marchés ( cf . commentaire de l'article 2 du présent projet de loi), il ne s'agit cependant pas d'une autorisation limitée de la vente nue puisque celle-ci est constituée lorsque la livraison n'intervient pas en J + 3 , soit par impossibilité technique, soit que l'investisseur, en connaissance de cause, cède des titres qu'il ne détient pas et sait ne pas pouvoir (ou n'a pas l'intention de) livrer en J + 3, conduisant alors à un suspens de livraison. A contrario , lorsque le vendeur dispose de la certitude raisonnable de pouvoir disposer des titres et de les livrer en J + 3 (par exemple en application d'un accord-cadre avec un prêteur structurel de titres), il n'y a pas à proprement parler de vente nue mais simple vente à découvert.
C. LES INITIATIVES EUROPÉENNES
1. Un projet de règlement après l'échec du code de conduite
La chaîne du « post-marché » , et en particulier les activités de compensation et de règlement-livraison des titres, n'est que très partiellement harmonisée en Europe 178 ( * ) , et partant, fragmentée et source de coûts.
Après que le groupe de travail présidé par M. Alberto Giovannini a mis en évidence, dans deux rapports publiés en novembre 2001 et avril 2003, les nombreux obstacles à une meilleure intégration et une plus grande efficacité de ces activités, la Commission européenne a écarté la perspective d'une directive-cadre et privilégié la voie de l'autorégulation encadrée et du code de conduite . Ce code a été signé par les principaux acteurs du secteur en novembre 2006 et abordait trois principaux aspects : la transparence des prix et des services, l'accès et l'interopérabilité, et la séparation organisationnelle et comptable des services.
Votre rapporteur avait alors regretté cette approche trop timide . De fait, la situation n'a que peu progressé, la fragmentation des activités de post-marché ayant suivi celle des marchés eux-mêmes depuis l'entrée en vigueur de la directive sur les marchés d'instruments financiers fin 2007. Au-delà des dimensions concurrentielles et tarifaires qui avaient été abordées à titre principal, de nouveaux enjeux sont apparus à la faveur de la crise , tels que la compensation centralisée des produits dérivés standardisés (en particulier les credit default swaps - CDS), les exigences de maîtrise des risques au sein des chambres de compensation, ou l'harmonisation de l'engagement et du délai de règlement-livraison des titres.
La Commission européenne a fort heureusement révisé sa position et a annoncé deux importantes réformes dans sa communication du 6 juin 2010 sur « la règlementation des services financiers au service d'une croissance durable ». Deux propositions de règlement ont ainsi été présentées le 15 septembre 2010 et portent sur :
- une amélioration de la transparence et de la sécurité des marchés de dérivés de gré à gré, qui prévoit en particulier une obligation de compensation des dérivés standardisés sur des « contreparties centrales » . Compte tenu des risques supplémentaires auxquels ces chambres de compensation sont soumises, le projet prévoit de les soumettre à des règles de conduite rigoureuses et à des exigences harmonisées sur les plans organisationnel et prudentiel (gouvernance interne, contrôle des risques, exigences en capital...) ;
- des mesures d'encadrement des ventes à découvert (en particulier celles « à nu ») et des CDS , prévoyant notamment un régime harmonisé de divulgation des positions nettes à la baisse au régulateur (à partir d'un seuil de 0,2 % du capital) puis au marché (à partir de 0,5 %), un « marquage » systématique des ventes à découvert, une limitation des ventes « à nu » et la faculté pour les instances nationales de régulation de prendre des mesures d'urgence ( cf . commentaires des articles 2 et 7 ter du présent projet de loi). Ces pouvoirs d'urgence seront à terme coordonnés par la future Autorité européenne des marchés financiers.
2. Le projet « TARGET 2 Securities » pour les titres en euros
Dans la continuité du lancement de l'euro, l'Eurosystème prend également une part active à l'unification et la simplification du post-marché européen avec la série des projets de place TARGET ( Trans-European Automated Real-time Gross settlement Express Transfer system ), selon trois phases de difficulté croissante :
- TARGET en 1999, consistant en une interconnexion des systèmes de règlement interbancaire entre les différents pays de l'Eurosystème ;
- TARGET II « Cash », nouvelle plate-forme commune pour les paiements interbancaires de gros montants, mise en place en novembre 2007 et sur laquelle les opérateurs français ont migré en février 2008 ;
- et TARGET II Securities (T2S), décidée en juillet 2006 par le Conseil des gouverneurs de la BCE et destinée à doter la zone euro - d'ici 2014 a priori - d'une plate-forme commune de règlement-livraison de titres libellés en euros . Un protocole d'accord a ainsi été conclu en juillet 2009 entre l'Eurosystème et 26 dépositaires centraux européens (donc au-delà de la seule zone euro), qui définit les obligations et responsabilités mutuelles des dépositaires et des banques centrales dans le cadre de la phase de développement du projet.
3. Des initiatives aujourd'hui nationales
L'encadrement des ventes à découvert a enfin donné lieu à des réactions « en ordre dispersé » en Europe à la faveur des soubresauts de la crise. Outre les mesures d'urgence prises sur une base nationale par les principaux régulateurs en septembre 2008 179 ( * ) ( cf . commentaire de l'article 2 du présent projet de loi), la spéculation alléguée sur la dette souveraine des Etats d'Europe du Sud a alimenté de vifs débats sur le rôle des ventes à découvert nues et des CDS sur titres souverains .
L'Allemagne a ainsi unilatéralement décidé en mai 2010 d'interdire les ventes à découvert nues d'actions des dix plus importantes institutions financières et d'obligations d'Etat de la zone euro, et les CDS souverains non couverts sur ces mêmes obligations. A l'occasion des débats sur la troisième loi de finances rectificative pour 2010 180 ( * ) , votre rapporteur avait fait part de sa compréhension à l'égard de cette initiative allemande , souvent très critiquée par les professionnels.
II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
Le présent article, introduit par la commission des finances de l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Jérôme Chartier, rapporteur, avec l'avis favorable du Gouvernement qui l'a sous-amendé, rétablit l'article L. 431-1 dans le code monétaire et financier.
Il propose, d'une part, de légaliser certaines dispositions du règlement général de l'AMF (articles 570-1 et 570-2) relatives à l'engagement irrévocable de règlement et de livraison , et d'autre part, de réduire de J + 3 à J + 1 le délai afférent à la réalisation de cet engagement pour le dénouement de la transaction. L'Assemblée nationale entend ainsi limiter substantiellement les ventes à découvert, en particulier celles « à nu ».
A. LA CONSÉCRATION LÉGISLATIVE DE L'ENGAGEMENT RÉCIPROQUE DES PARTIES À LA TRANSACTION
Le I du présent article rétablit l'article L. 431-1 dans le code monétaire et financier, qui avait été supprimé par l'ordonnance du 8 janvier 2009 précitée, et inscrit en son I les dispositions réglementaires figurant à l'article 570-1 du code général de l'AMF, précité. Le deuxième alinéa dispose donc que les parties à la transaction sont, dès l'exécution de l'ordre, définitivement engagées à payer les titres (pour l'acheteur) et à les livrer (pour le vendeur), à la date prévue au II de ce nouvel article L. 431-1.
De même, le troisième alinéa du présent article dispose que le prestataire auquel l'ordre est transmis peut exiger, lors de la réception de l'ordre ou dès son exécution, la constitution dans ses livres, à titre de couverture, d'une provision en espèces en cas d'achat, ou en instruments financiers objets de la vente en cas de vente. L'exigence d'une telle provision en titres par l'intermédiaire financier impliquerait donc une limitation des ventes à découvert nues dans le délai de règlement et de livraison , à hauteur de la quote-part de couverture exigée.
B. LA RÉDUCTION À UN JOUR DU DÉLAI DE RÈGLEMENT ET DE LIVRAISON DES TITRES
Le texte proposé pour le II de l'article L. 431-1 reprend en grande partie le texte de l'article 570-2 du règlement général de l'AMF , précité. Le quatrième alinéa du présent article dispose ainsi qu'en cas de négociation d'instruments financiers, le transfert de propriété résulte de l'inscription au compte de l'acheteur , ainsi que le prévoit également l'article L. 211-17 du code monétaire et financier, précité.
Cette inscription a lieu à la date de dénouement effectif de la négociation mentionnée dans les règles de fonctionnement du système de règlement et de livraison lorsque le compte du teneur de compte conservateur de l'acheteur, ou le compte du mandataire de ce teneur de compte conservateur, est crédité dans les livres du dépositaire central.
Le cinquième alinéa du présent article (deuxième alinéa du II du nouvel article L. 431-1) reprend le texte du deuxième alinéa de l'article 570-2 s'agissant du délai, mais en réduisant de trois à un jour de négociation après la date d'exécution des ordres le délai dans lequel s'effectuent le dénouement des négociations et l'inscription en compte. Il prévoit également que le règlement général de l'AMF énumère les cas dans lesquels il peut être dérogé à ce délai « pour des raisons techniques » , c'est-à-dire les modalités de « suspens de règlement ».
Enfin le sixième alinéa (troisième alinéa du II de l'article L. 431-1) reprend le texte du troisième alinéa de l'article 570-2, en disposant que la même date de règlement et de livraison s'applique lorsque les instruments financiers de l'acheteur et du vendeur sont inscrits dans les livres d'un teneur de compte conservateur commun.
Suite à un sous-amendement du Gouvernement, le II du présent article prévoit qu'un décret fixe les modalités d'application de ces nouvelles dispositions.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
Votre commission approuve les dispositions tendant à renforcer la portée juridique de l'engagement des parties à une transaction et à consacrer la faculté, pour l'intermédiaire chargé de la réception et de la transmission de l'ordre, d'exiger une couverture en titres en cas de vente. En revanche, la réduction du délai de règlement et de livraison à un jour de négociation, quoiqu'inspirée par des motivations légitimes, n'est guère praticable en l'état , notamment au regard de l'environnement concurrentiel européen, et relève d'une problématique en partie distincte de celle de la limitation des ventes à découvert nues.
A. LA RÉDUCTION DU DÉLAI DE RÈGLEMENT-LIVRAISON À J+1 N'EST PAS SANS RISQUES
La réduction du délai de trois jours est en soi un objectif à poursuivre , car ce délai, qui conditionne le transfert juridique de propriété des titres, constitue un facteur d'incertitude (quant à la « traçabilité » des titres) et d'insécurité pour les parties . Au surplus, réduire le délai diminue les facultés de recours aux ventes à découvert nues, car le vendeur doit se procurer les titres dans un intervalle de temps plus restreint.
Ce délai doit néanmoins être compatible avec les contraintes techniques des intervenants de la chaîne de traitement des titres et avec l'intervalle temporel irréductible associé aux opérations réalisées pour le compte de clients situés dans d'autres fuseaux horaires. En outre, la réduction de ce délai ne paraît pas réellement adaptée à l'objectif de limitation des ventes à découvert. Le dispositif proposé par nos collègues députés se heurte en effet à de nombreux obstacles :
1) Il a une portée générale , que le vendeur dispose ou non des titres au jour de la transaction, alors que l'objectif affiché est de lutter contre les ventes à découvert, et plus particulièrement les ventes nues qui répondent à une intention généralement spéculative et entrent en contradiction avec une certaine logique, puisqu'il s'agit de vendre des titres que l'on ne détient pas encore ou que l'on ne détiendra jamais. Les ventes à découvert adossées à un emprunt de titres peuvent cependant avoir une utilité , en contribuant au processus de formation des prix et à la liquidité ou en tant qu'instruments de couverture d'un portefeuille.
2) Il est applicable dès la promulgation de la loi , et partant, trop contraignant. Tout renforcement des exigences temporelles de règlement et livraison requiert en effet de lourds et coûteux investissements pour adapter les systèmes d'information, que les intermédiaires ne seront absolument pas en mesure de réaliser à court terme.
3) Il n'est qu'un moyen imparfait de lutter contre la pratique des ventes à découvert nues et ne permet pas de se prémunir contre le risque qu'un acteur passe un ordre de vente sans effectivement disposer du titre . L'essentiel des opérations de ventes à découvert est ainsi réalisé sur une durée inférieure à un jour (ventes « intraday »). De même, la réduction du délai de règlement-livraison n'empêche pas un vendeur à découvert de recourir à des délais en dehors de ce système. En effet, le délai de J + 3 ne s'applique qu'aux opérations entre les teneurs de compte-conservateurs pour le compte des contreparties initiales à la transaction, et non à celles entre les clients eux-mêmes et leurs teneurs de compte.
4) Il ne permet de traiter que les ventes à découvert réalisées sur les marchés organisés d'instruments financiers. Or une large fraction des transactions s'effectue aujourd'hui de gré à gré, en particulier sur les obligations d'Etat ou d'entreprises et sur les produits dérivés. Ces derniers sont généralement débouclés avant d'arriver à échéance et ne donnent donc pas lieu à la livraison des titres sous-jacents.
5) Ce dispositif est incohérent avec le maintien d'une « record date » à J - 3 , c'est-à-dire la date d'arrêté des positions sur les actions d'un émetteur (qui détermine la qualité d'actionnaire et le droit de participer à l'assemblée générale), et donc avec les nouvelles obligations de transparence sur les cessions temporaires de titres en période d'assemblée générale, introduites par l'article 8 bis du présent projet de loi.
6) La chaîne du post-marché est assez largement automatisée mais fait intervenir un grand nombre d'acteurs : intermédiaires qui exécutent les ordres, chambres de compensation, dépositaires centraux, teneurs de compte-conservateurs des titres... D'après les informations recueillies par votre rapporteur, il est matériellement impossible de respecter un délai de J + 1 en l'état actuel des processus. Un tel délai requerrait une refonte des systèmes informatiques établis, au sein de la plate-forme ESES commune à la France, à la Belgique et aux Pays-Bas, entre NYSE-Euronext, la chambre de compensation LCH.Clearnet et le système de règlement-livraison d'Euroclear.
7) Les informations recueillies par votre rapporteur conduisent à envisager un risque élevé d'augmentation des défaillances et du taux de « suspens » , soit la part des transactions non réglées ou livrées à une date donnée, aujourd'hui inférieur à 0,5 % en France. Il peut en résulter un cercle vicieux de défaillances dans le cas où les investisseurs escomptaient la livraison des titres pour les livrer à leur tour. De même, une trop forte réduction du délai peut contrarier les règles de transfert de propriété des titres et accroître le risque d'erreurs dans l'appariement des transactions.
8) Enfin, un délai d'un jour se révèlerait sensiblement différent de celui applicable dans les autres pays européens , qui dans leur majorité se réfèrent au J + 3, ce qui avait d'ailleurs motivé la réforme française de mars 2005 ( cf . supra ). L'Allemagne applique toutefois un délai de deux jours de négociation, qui pourrait faire l'objet d'un consensus européen mais dont le régime est incomplet puisqu'il ne concerne que les transactions nationales. Une réflexion sur ce délai de J + 2 est également conduite dans le cadre du projet Target 2 Securities ( cf . supra ).
B. UNE APPROCHE INTERMÉDIAIRE ET LA SANCTION DES DÉFAILLANCES DOIVENT ÊTRE PRIVILÉGIÉES
Il apparaît en tout état de cause nécessaire de ne pas singulariser à l'excès notre pays dans un environnement hautement concurrentiel et où la plupart des ordres boursiers sur des valeurs françaises peuvent désormais être exécutés sur des plates-formes alternatives et des systèmes d'appariement interne des ordres (« crossing networks »), situés à Londres et soumis au délai de J + 3. Il convient de ne pas négliger ce risque de déplacement massif des volumes d'ordres si la sécurité de la place française en termes de règlement-livraison apparaît dégradée, de même que celui d'un désintérêt plus marqué des investisseurs étrangers pour les actions françaises.
En outre, le délai de règlement et livraison a vocation à être harmonisé dans toute l'Union européenne . Il pourrait figurer dans les prochaines initiatives de la Commission européenne, ou être traité au niveau du Comité européen des régulateurs de valeurs mobilières ou de la future Autorité européenne des marchés financiers, qui lui succèdera.
Compte tenu de ces éléments, tout en respectant l'objectif légitime poursuivi par nos collègues députés, votre commission a amendé ce dispositif pour réduire le délai de règlement-livraison de J + 3 à J + 2 à une date plus réaliste, soit à compter du 1 er janvier 2012 .
Afin de limiter le recours aux ventes à découvert, en particulier les ventes « nues », votre commission a également adopté un amendement tendant à renforcer l'obligation de livraison des titres et la « traçabilité » de ces derniers lors de la conclusion d'une transaction, par la mise en place d'un dispositif communément qualifié de « locate rule ».
Il est directement inspiré d'un régime mis en oeuvre avec efficacité aux Etats-Unis depuis fin 2008 et de celui envisagé dans la proposition de règlement européen sur l'encadrement des ventes à découvert et les CDS, présentée par la Commission européenne le 15 septembre 2010 et évoquée supra .
Ce dispositif pose ainsi le principe d'une interdiction des ventes à découvert d'instruments financiers admis à la négociation sur un marché réglementé, à moins que le vendeur ne dispose effectivement des titres à vendre et livrer (par emprunt par exemple), ou à moins qu'il n'ait pris des « assurances raisonnables » quant à la possibilité de disposer effectivement des titres au moment de leur livraison . Cette notion d' « assurance raisonnable » n'est pas inédite et est par exemple utilisée en matière d'audit de comptes.
Des exemptions seront toutefois prévues par décret au profit des activités de tenue de marché , afin d'éviter que ces mesures n'emportent des conséquences dommageables sur la liquidité du marché ou n'handicapent les activités de placement de la dette publique française par les établissements spécialistes en valeurs du Trésor.
De même, la crédibilité de la place implique que l'AMF puisse sanctionner sévèrement les défaillances de règlement ou livraison, qu'elles procèdent de la négligence ou du non-respect assumé de l'engagement contracté lors de la transaction. Votre commission a donc adopté un amendement tendant à consolider le fondement légal de ces sanctions .
Enfin plutôt que de rétablir un article L. 431-1 qui a été supprimé par l'ordonnance du 8 janvier 2009, votre commission a inséré l'ensemble de ces dispositions dans un nouvel article L. 211-17-1, figurant dans la sous-section déjà existante du code monétaire et financier relative au transfert de propriété.
Décision de la commission : votre commission a adopté cet article ainsi rédigé.
* 174 Les titres financiers sont un sous-ensemble des instruments financiers , qui comprennent également les contrats financiers, c'est-à-dire la gamme étendue des produits dérivés. Les titres financiers incluent les titres de capital émis par les sociétés par actions, les titres de créances (à l'exclusion des effets de commerce et des bons de caisse) et les parts ou actions d'organismes de placement collectif.
* 175 Par dérogation, lorsque le système de règlement et de livraison assure la livraison des titres financiers en prévoyant un dénouement irrévocable en continu, ce transfert n'intervient que lorsque l'acquéreur en a réglé le prix.
* 176 En cas d'absence de dénouement total de la cession dans un délai fixé par les règles de la chambre de compensation ou du système de règlement et de livraison, l'enregistrement comptable est annulé.
* 177 Ordonnance n° 2005-303 du 31 mars 2005 portant simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison.
* 178 La directive 98/26/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 mai 1998, modifiée par la directive 2009/44/CE du 6 mai 2009, porte sur le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres.
* 179 Par sa décision du 19 septembre 2008, l'AMF a ainsi interdit les ventes à découvert sur quinze valeurs financières cotées.
* 180 Loi n° 2010-606 du 7 juin 2010 de finances rectificative pour 2010.