B. LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE FRANCE TÉLÉVISIONS
L'une des conditions sine qua non du succès de la réforme de l'audiovisuel public résidait dans son financement.
Si l'un des objectifs principaux de la suppression de la publicité était en effet de libérer le groupe France Télévisions des contraintes et aléas de la recette publicitaire, il devait prendre en compte la nécessité de dégager de nouvelles ressources, sûres, prévisibles et dynamiques, à structure et services constants.
Afin de ne pas soumettre le groupe à de nouveaux risques et à des problèmes d'anticipation et de visibilité, le choix a été fait dans la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009 (du 27 décembre 2008) de soutenir France Télévisions via un financement budgétaire, avec un engagement pluriannuel conforme au contrat d'objectifs et de moyens. Ainsi 450 millions d'euros affectés à France Télévisions ont-ils été budgétés pour 2009 dans la mission « Médias » de la loi de finances et 2,039 millions d'euros au titre du programme 841 « France Télévisions » de la mission « Avances à l'audiovisuel public » , grâce notamment à une indexation de la contribution à l'audiovisuel public sur l'inflation (loi de finances rectificative pour 2008 n° 2008-1443 du 30 décembre 2008).
Notons toutefois que l'État, constatant que France Télévisions avait réalisé des recettes publicitaires supérieures à celles prévues initialement (404,9 millions d'euros au lieu de 260 millions d'euros), a diminué en exécution 2009 la dotation votée par le Parlement à hauteur de 35 millions d'euros.
La programmation pluriannuelle prévoyait en outre une augmentation de ces crédits de 1,75 % par an, entraînant une hausse de 7,9 millions d'euros en 2010, puis 8,1 millions d'euros en 2011, des crédits du programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel public » de la mission « Médias ».
La loi de finances pour 2010 (n° 2009-1673 du 30 décembre 2009) a effectivement confirmé l'engagement pris envers France Télévisions en prévoyant les dotations suivantes :
- 2,092 milliards d'euros au titre du programme 841 « France Télévisions » de la mission « Avances à l'audiovisuel public », ce qui correspond à une hausse de 2,6 % des crédits. Votre rapporteur tient à cet égard à souligner que cette hausse a été rendue possible par l'augmentation de la contribution à l'audiovisuel public de 3 euros en 2010 (121 euros en métropole et 78 euros dans les départements d'outre-mer), que le Sénat a largement contribué à faire adopter ;
- et 457,8 millions d'euros au titre du programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission « Médias », ce qui correspond à une hausse de 1,75 % des crédits.
La dotation publique globale de France Télévisions pour l'année 2010 s'élève donc à 2,55 milliards d'euros, soit une progression de 2,4 % par rapport à 2009.
Ces ressources devraient être mobilisées pour financer les priorités stratégiques énoncées par le contrat d'objectifs et de moyens 2007-2010 et par l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens signé entre l'État et France Télévisions.
Bien que cet engagement financier paraisse pour l'instant démontrer la volonté de l'État d'assurer le financement de France Télévisions, un doute plane cependant sur sa capacité à maintenir son effort .
En effet, le nouveau mode de financement choisi afin de compenser les pertes liées à la suppression de la publicité, fondé sur deux taxes non affectées et une dotation budgétaire, est très fortement contesté depuis sa création.
S'agissant de la dotation budgétaire , la Commission européenne a interrogé la France sur la nature de la dotation budgétaire de 450 millions d'euros attribuée par l'État à France Télévisions. L'interrogation pèse sur la nature d'aide d'État de la dotation, qui doit réellement correspondre au financement de missions spécifiques de service public. Si, compte tenu des coûts de service public de France Télévisions, la Commission a approuvé le versement d'une subvention de 450 millions d'euros pour 2009, elle a ouvert une procédure formelle d'examen sur plusieurs aspects du financement notifié pour les années suivantes .
La Commission s'interroge également sur l'éventuelle affectation des taxes sur la publicité des chaînes privées et sur le chiffre d'affaires des opérateurs de télécommunications introduites par la réforme (articles 32 et 33 de la loi du 5 mars 2009 précitée insérant des articles 302 bis KG et 302 bis KH dans le code général des impôts), qui serait illégale au regard de la nature des taxes et de la finalité de la dotation budgétaire.
Enfin, la Commission européenne a ouvert le 28 janvier dernier une procédure d'infraction contre la France au sujet de la « taxe télécoms » concernant les opérateurs de télécommunications, estimant qu'une telle taxe constituerait en réalité une « charge administrative » incompatible avec le droit européen.
L'ensemble des modalités de compensation de la suppression de la publicité sur France Télévisions est ainsi contesté.
Enfin, rien n'est encore prévu pour compenser la suppression totale de la publicité après 2012 . La « clause de revoyure » insérée dans la loi du 5 mars 2009 précitée sous la forme de demandes de rapports au Gouvernement, à la fois sur l'impact de la réforme sur France Télévisions et sur le dynamisme des taxes, pourrait permettre de régler cette question à la fin de l'année 2011. Il reste que la visibilité du Parlement est extrêmement faible sur cette question et que l'absence de mise en place du comité de suivi prévu à l'article 75 de la loi du 5 mars 2009 d'une part , et du groupe de travail sur la contribution à l'audiovisuel public qui constituait un engagement du Gouvernement d'autre part, renforce l'impression que la problématique du financement de France Télévisions n'est pas abordée sereinement par le Gouvernement . Force est en outre de constater que la seule indexation de la contribution à l'audiovisuel public ne suffira pas à répondre aux besoins de financement.
Cela est d'autant plus problématique que la télévision connaît de profondes mutations. Du développement de ses missions d'information, de divertissement et de diffusion de la culture, d'investissement dans la production et la création et de l'adaptation aux évolutions technologiques (telles la télévision de rattrapage ou la vidéo à la demande) dépend la sauvegarde de la télévision publique française qui, face à la concurrence accrue des chaînes privées, doit pouvoir relever les défis de la télévision de demain.
Dans un secteur concurrentiel dominé par des groupes puissants, la télévision publique doit pouvoir offrir au citoyen qui s'acquitte de la contribution à l'audiovisuel public un niveau de prestations techniques et d'offres de programmes équivalent, voire supérieur, à celui offert par les télévisions privées lui permettant de s'acquitter de ses missions de diversité et de pluralisme.
La modernisation du secteur public de la télévision suppose ainsi que France Télévisions dispose des moyens à la hauteur de ces objectifs. Les investissements importants que représentent ces défis exigent pour le moins une visibilité financière dont le groupe France Télévisions ne bénéficie aucunement aujourd'hui.
C'est la raison pour laquelle la présente proposition de loi propose principalement des solutions tendant à assurer le financement pérenne de France Télévisions. L'article 1 er vise ainsi à maintenir la publicité en journée de France Télévisions, l'article 5 à élargir l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public aux résidences secondaires et l'article 6 à augmenter le taux de la taxe sur les recettes publicitaires des chaînes de télévision de 3 à 5 %.