IV. LES DIFFICULTÉS ACTUELLES REMETTENT-ELLES EN CAUSE LA PERTINENCE DE LA MONNAIE UNIQUE ?

A. D'IMPORTANTES DIVERGENCES ÉCONOMIQUES DEPUIS LA MISE EN PLACE DE L'EURO

Malgré les politiques de convergence, caractérisée par le respect des critères de Maastricht, et de cohésion, dont les fonds structurels sont le principal instrument, d'importantes divergences économiques ont été constatées au sein de la zone monétaire.

Ainsi, depuis la mise en place de l'euro, certains Etats ont connu une inflation importante, qui s'est traduite par une perte de compétitivité, et donc par une dégradation de leur solde courant, comme l'indique le graphique ci-après.

Index des prix à la consommation harmonisé
(évolution en % par rapport à l'année précédente)

Solde du compte courant (en points de PIB)

Slovaquie

4,6

-6,9

Slovénie

4,4

-2,5

Grèce

3,5

-12,5

Espagne

3,3

-7,1

Irlande

3,1

-2,5

Luxembourg

3,0

9,6

Chypre

2,8

-7,7

Portugal

2,8

-9,3

Malte

2,6

-5,3

Italie

2,5

-1,4

Belgique

2,3

3,8

France

2,2

-1,2

Pays-Bas

2,0

7,2

Autriche

2,0

2,7

Allemagne

1,9

5,1

Finlande

1,6

5,2

Zone euro

2,3

0,3

* Le graphique ne prend pas en compte la Slovaquie et la Slovénie.

Source : d'après Eurostat

Les Etats les plus concernés par cette évolution défavorable sont la Grèce, l'Espagne, l'Irlande, Chypre et le Portugal.

A l'inverse, la politique conduite par l'Allemagne, caractérisée par la compression de ses coûts et des excédents commerciaux importants a ainsi pu être qualifiée par certains observateurs de non-coopérative, puisque construisant sa prospérité sur la demande intérieure et les déséquilibres de ses partenaires.

B. UN RISQUE DE DÉFLATION POUR LES ETATS « PÉRIPHÉRIQUES » ?

1. La zone euro prive les Etats de la possibilité de dévaluer, ce qui suscite un risque déflationniste

Les difficultés actuelles des Etats concernés sont parfois interprétés comme une remise en cause du bien-fondé de l'euro.

Tel est notamment le point de vue exprimé par M. Paul Krugman, prix Nobel d'économie, dans un article du New Yort Times 50 ( * ) , qui estime que l'euro « paraît maintenant avoir été une mauvaise idée précisément pour les raisons avancées par les sceptiques ». Selon cette analyse, l'euro, en empêchant les Etats de dévaluer, risquerait de les plonger dans la déflation. En effet, dès lors que la dévaluation n'est pas possible, leur compétitivité - qui s'est dégradée alors que l'afflux de capitaux entretenait l'inflation - ne peut être restaurée que par une modération des prix et des salaires, forcément douloureuse et potentiellement déflationniste.

Ce point de vue a également été récemment soutenu par M. Ambrose Evans-Pritchard dans le journal britannique Telegraph 51 ( * ) . Celui-ci rapporte des déclarations de Mme Carmen Reinhart, spécialiste reconnue des défauts des Etats, selon laquelle, faute de pouvoir réaliser une dévaluation de 20 % ou 25 %, les Etats d'Europe du sud seraient condamnés à sombrer dans la déflation. Si l'Irlande pourrait éviter le défaut grâce au dynamisme de son économie, tel ne serait pas le cas de la Grèce.

Si ces pays sombraient dans la déflation, leurs problèmes budgétaires s'en trouveraient considérablement accrus, alors que les taux d'intérêts réels seraient plus élevés, et l'effet « boule de neige » plus important.

* 50 Paul Krugman, « The Euro Trap », 29 avril 2010 ( http://www.nytimes.com ).

* 51 Ambrose Evans-Pritchard, « The IMF should impose default on Greece to end the charade », Telegraph, 2 avril 2010.

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