c) Trouver une notion plus opérationnelle que celles de solde structurel ou d'effort structurel
Dans son rapport relatif au premier projet de loi de finances rectificative pour 2010, votre rapporteur général envisageait, à titre illustratif, que la France se dote d'une règle exprimée en termes d'effort structurel, c'est-à-dire d'impact cumulé sur le déficit public (exprimé en points de PIB) des mesures nouvelles sur les recettes et du différentiel entre la croissance des dépenses et la croissance du PIB.
En effet, la notion de solde structurel, plus couramment utilisée, est calculée en fonction d'hypothèses largement discrétionnaires de PIB structurel, qui peuvent conduire à des écarts de plusieurs points de PIB (surtout dans le contexte économique actuel, alors qu'il n'y a pas de consensus sur le caractère durable de la perte de PIB). L'effort structurel « neutralise » la question du PIB structurel (en ne raisonnant qu'en évolution par rapport à l'année précédente) et est conceptuellement beaucoup plus simple (en particulier, il ne fait pas appel à l'économétrie).
Cependant, il ne paraît pas possible de retenir une règle en termes d'effort structurel exprimée en tant que telle :
- elle serait incompréhensible pour l'opinion, en particulier parce qu'elle indique simplement une évolution, et ne fait jamais apparaître de « vrai niveau de déficit », comme celle de solde structurel ;
- elle susciterait d'inévitables polémiques sur le montant des mesures nouvelles sur les recettes. De telles polémiques ne se sont jusqu'à présent pas produites parce que ces estimations, cantonnées au fascicule « Voies et Moyens » et au rapport sur les prélèvements obligatoires, ne sont pas au coeur du débat budgétaire, mais la situation changerait alors.
La réflexion doit donc être poursuivie.
d) Assurer une mise en oeuvre effective de la règle
Pour qu'une telle règle soit appliquée, il faut tout d'abord que la dépense publique soit effectivement pilotée. On ne peut continuer, comme on le fait depuis dix ans, à faire de simples projections de solde public, reposant sur des hypothèses de dépenses dont le respect n'est pas considéré comme impératif. La norme de croissance des dépenses (qui, pour être applicable, semble devoir être exprimée en valeur, sur la base d'hypothèses d'inflation non manipulables 47 ( * ) , et éventuellement corrigée des fluctuations liées aux mécanismes d'indexation de certaines prestations 48 ( * ) ) doit avoir vocation à être respectée chaque année, non seulement pour l'Etat (comme c'est actuellement le cas), mais aussi pour la sécurité sociale. Il pourrait être envisagé de prévoir l'obligation, en cas de dérapage des dépenses, de prendre en cours d'année des mesures correctrices. Ces mesures pourraient être prévues ex ante par la loi de finances ou la loi de financement de la sécurité sociale, et n'être mises en oeuvre qu'en cas de dérapage 49 ( * ) . Si un dérapage sur l'année était malgré tout constaté a posteriori , des mesures correctrices devraient en tout état de cause être prises.
Pour être effectivement appliquée, une règle d'équilibre doit également avoir une valeur constitutionnelle ou organique. En effet, dans le cas contraire les gouvernements successifs auront toujours d'excellentes raisons pour s'en émanciper au moment présent. La Constitution ou la loi organique ne devrait pas fixer elle-même l'objectif de solde public à moyen terme, car un tel objectif est nécessairement politique. En revanche, elle devrait prévoir des règles, afin que le Conseil constitutionnel puisse vérifier que les grands équilibres prévus par les lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale sont bien compatibles avec l'objectif fixé.
L'adoption d'un tel dispositif enverrait indéniablement un signal positif aux observateurs et aux marchés.
* 47 Correspondant par exemple aux prévisions des conjoncturistes, ou à l'inflation observée au cours d'une période suffisamment longue.
* 48 Certaines prestations (comme les pensions de retraite et les prestations familiales) sont indexées l'année n sur la prévision d'inflation associée au projet de loi de finances pour l'année n, corrigée de l'erreur de prévision d'inflation pour l'année n-1 associée au projet de loi de finances pour l'année n-1, tel qu'évaluée par le projet de loi de finances pour l'année n.
* 49 Comme le préconise M. Michel Pébereau dans son rapport précité, dans le cas de l'assurance maladie.