3. Augmentation raisonnée des moyens des opérateurs ou voie d'ajustement de leurs ressources ?
Le mécanisme de dotation non consomptible aura pour conséquence d'abonder sans excès les budgets de certains établissements, ce qui permet d'atténuer les craintes concernant la capacité d'absorption desdits établissements.
Toutefois, l'articulation de ce mode de financement avec les financements récurrents votés annuellement par le Parlement n'est pas claire . En effet, outre l'effet positif sur le solde des finances publiques 36 ( * ) , la non consomptibilité se justifie également par la volonté de ne pas préempter les budgets à venir en autorisant des dépenses qui, à court ou moyen terme, pourraient entraîner un surcroît de dépenses de fonctionnement peu soutenable. Les revenus des dotations non consomptibles permettent d'assurer un financement autonome des dépenses liées aux projets d'investissement et de recherche.
Si ce raisonnement parait vertueux, la dotation non consomptible pourrait également être une voie détournée d'assurer, ou de rétablir, une certaine soutenabilité des finances publiques en facilitant la réduction de certaines dépenses de l'Etat. Toutes choses égales par ailleurs, il serait évidemment bénéfique que les secteurs concernés bénéficient de moyens accrus de plusieurs centaines de millions par an. Cependant, il est à craindre que cette « débudgétisation » ne se traduise pas par une augmentation globale des moyens à long terme. En effet, le caractère durablement dégradé de la situation des finances publiques pourrait inciter vraisemblablement l'Etat à « rogner » le plus possible le financement budgétaire des politiques concernées par l'emprunt national, en particulier les universités ou les organismes de recherche. Ce que celles-ci « gagneraient » d'un côté serait donc vraisemblablement « repris » de l'autre. Ce système de vases communicants entre deux modalisé de financement peut notamment être illustré par le débat qui a eu lieu sur le budget du CEA lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2008 : pour répondre à un amendement parlementaire tendant à augmenter le budget du CEA, le Gouvernement a, en lieu et place, indiqué que cet établissement public industriel et commercial pourrait librement disposer des dividendes que lui verse la société AREVA.
Des vases communicants déjà à l'oeuvre ? L'analyse des annulations de crédits proposées par le présent projet de loi de finances rectificative conduit à des cas de figure inquiétants. Ainsi : - sur la mission « Ecologie et développement durable » 37 ( * ) , les programmes les plus touchés sont notamment ceux sur lesquels se concentrent les crédits d'investissement ou de mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement , tels que le programme 181 « Prévention des risques », le programme 203 « Infrastructures et services de transport », ou le programme 113 « Urbanisme, paysage, eau et biodiversité ».On peut donc relever une forme de paradoxe, qui veut que le financement des intérêts de l'emprunt national soit prioritairement gagé sur les dépenses courantes qu'on aurait pu qualifier « d'avenir » , alors que les dépenses incompressibles (dépenses de personnel, loyers, subventions de fonctionnement aux opérateurs, dépenses à caractère social) sont relativement préservées des annulations. - au budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » 38 ( * ) , sur les 125,3 millions d'euros annulés, 86,7 millions d'euros au moins sont imputés sur les subventions des opérateurs dont 73,4 millions d'euros hors réserve de précaution. Parmi les opérateurs enregistrant une annulation de crédits hors réserve se trouvent certains des organismes gestionnaires des fonds de l'emprunt national : l'ANR (40 millions d'euros), le Centre national d'études spatiales (CNES) et le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), l'Agence de développement et de maîtrise de l'énergie (ADEME) et OSEO. |
* 36 Les dotations en capital non consomptibles ne sont pas considérées comme des dépenses au sens de Maastricht et ont donc un impact neutre sur le déficit public.
* 37 Les ouvertures et annulations de crédits sur cette mission sont commentées de manière détaillée en troisième partie du présent rapport.
* 38 Les ouvertures et annulations de crédits sur cette mission sont commentées de manière détaillée en troisième partie du présent rapport.