3. Une illégalité fictive malgré des tentatives d'encadrement

L'illégalité des sites de jeux en ligne est aujourd'hui juridiquement avérée mais n'a pas de réelle incidence concrète - hormis sur le terrain de la publicité via des médias de grande audience - puisque les opérateurs proposent en toute impunité pénale, de l'étranger, des paris et jeux en ligne aux internautes français.

Le vaste ensemble des opérateurs de facto délictueux est cependant très hétérogène puisqu'on peut établir une distinction entre :

- les opérateurs « sérieux » disposant d'une licence dans un autre Etat membre (Malte et Royaume-Uni en particulier) mais qui recourent parfois à la publicité de manière illégale ;

- les opérateurs « sauvages » agréés dans une juridiction non-européenne mais qui présentent certaines garanties de fiabilité au regard de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;

- ceux qui ne présentent pas de telles garanties sans pour autant servir d'intermédiaires à des activités criminelles ;

- et enfin ceux, nombreux, qui constituent purement et simplement des vecteurs de fraude, de trucage, de blanchiment et de « cybercriminalité » organisée . Le rapport précité du CERT-LEXSI a ainsi rappelé que « les casinos, loteries et paris en ligne sont les terrains de jeux de prédilection d'organisations criminelles très développées », ces organisations « disposant de ressources techniques de grande envergure et exerçant systématiquement d'autres activités comme la fraude bancaire, la pédo-pornographie ou l'infection de postes ». L'étude décrit avec précision les modes opératoires illégaux de ces sites (et le cas échéant de sites non criminels) et les schémas frauduleux de ces sites.

L'Etat a tenté de limiter l'offre illégale de jeux en mettant en place, dans l'article L. 563-2 du code monétaire et financier, un dispositif permettant de requérir des établissements bancaires qu'ils bloquent pendant six mois tout mouvement ou transfert de fonds en provenance des personnes physiques ou morales organisant des activités de jeux, paris ou loteries prohibés. Le décret en Conseil d'Etat prévu n'a cependant pas été pris en raison de l'opposition de la Commission européenne et de l'avis défavorable de la section des finances du Conseil d'Etat. L'interdiction prévue par l'article L. 563-2 est donc pour l'heure inopérante.

Les opérateurs réputés « sérieux » et crédibles, dont la majorité solliciteront un agrément en France, ont mis en place des procédures et moyens techniques de nature à prévenir la fraude et à détecter le blanchiment. Leurs convictions et moyens mis en oeuvre pour limiter l'addiction sont en revanche plus ambigus ou formels car cette démarche peut fondamentalement contrevenir à leur intérêt commercial. Il s'agit donc, pour ces opérateurs, d'optimiser le potentiel de demande de jeu en se situant juste sous le seuil de pathologie, qu'il est au demeurant malaisé de déterminer.

Chiffre d'affaires des principaux opérateurs de jeux en ligne

(en euros)

Nom

Etat d'origine

Chiffre d'affaires 2007

Sportingbet

Royaume-Uni

1,74 milliard

Lottomatica

Italie

1,6 milliard

Paddy Power

Irlande

1,53 milliard

Ladbrokes

Royaume-Uni

N.C. (7 milliards de mises en 2008)

William Hill

Royaume-Uni

1,23 milliard

Partygaming

Royaume-Uni

712 millions

Bwin

Autriche

337 millions

Betclic (filiale de Mangas Gaming)

France

Plus de 200 millions en 2009

Betfair

Royaume-Uni

169 millions

Unibet

Malte

103 millions

Source : commission des finances

La lutte contre les opérateurs illégaux, aujourd'hui et a fortiori sous le futur régime d'ouverture encadrée, répond donc à une triple exigence sociale, juridique et économique, voire politique en ce qu'elle peut mettre en question la crédibilité même de l'Etat régalien.

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