2. Un marché illégal en croissance continue
Faute de moyens juridiques réels pour l'endiguer et le condamner sur le terrain pénal et dans un contexte de forte croissance des activités commerciales sur Internet, le marché illégal des jeux et paris en ligne a prospéré au cours de la période récente. Son produit brut début 2008 a pu être estimé, selon les sources, dans une fourchette de 244 millions à 400 millions d'euros , le montant des mises à 2,3 milliards d'euros et le nombre de joueurs réguliers entre un et deux millions. A titre de comparaison, le marché des jeux en ligne était estimé en 2008 à 4 milliards d'euros de mises au Royaume-Uni (pour dix millions de joueurs), 3 milliards d'euros en Italie (sept millions de joueurs) et 1,2 milliard d'euros en Espagne.
Le Livre blanc du CERT-LEXSI sur la cybercriminalité des jeux en ligne, publié en juillet 2006, estimait que 14.823 sites étaient actifs et accessibles en France, dont 1.284 sites proposaient un contenu francophone et acceptaient des connexions en provenance de France. L'offre actuelle dépasse très vraisemblablement ces niveaux.
Ce marché est en particulier alimenté par le phénomène du poker en ligne , qui rencontre un grand succès auprès des jeunes, voire des mineurs, avec au moins 400.000 joueurs et 350 millions d'euros de mises.
Cette offre est essentiellement d'origine étrangère, d'où la difficulté de la contrôler . La plupart des opérateurs sont ainsi implantés dans des juridictions favorables aux plans fiscal et juridique (Alderney, Gibraltar, Ile de Man, Malte en Europe, mais aussi Antilles néerlandaises, Costa Rica, Antigua et Barbuda, Saint Kitts et Nevis...) ou des pays dont la culture ou l'approche économique sont plus ouvertes aux jeux (Autriche, Royaume-Uni).
Des études ont été conduites par divers organismes et sociétés sur les perspectives de croissance du marché des jeux en ligne et concluent toutes, selon des estimations et hypothèses parfois très variables, à une forte dynamique à l'échelle internationale et en France dans les cinq prochaines années. On peut ainsi mentionner les projections suivantes :
- la banque Merrill Lynch estimait en 2007 que les paris sportifs représenteraient 17 milliards d'euros de mises en 2015 à l'échelle européenne ;
- le Center for the Study of Gambling de l'université de Manchester a considéré que ce marché ne devrait pas dépasser 5 % du marché total des jeux dans l'Union européenne en 2012 ;
- une étude d' AT Kearney de décembre 2008 relevait que les dépenses de jeux se révèlent corrélées aux dépenses de loisirs, elles-mêmes corrélées au PIB. Sans fournir d'estimation chiffrée du marché d'ici trois ou cinq ans, cette étude anticipait, à compter de l'ouverture du marché, des investissements publicitaires massifs et une « guerre de notoriété » entre les opérateurs suivie d'une phase de concentration , une diminution de la rentabilité moyenne des paris sportifs, un impact non significatif sur les loteries et les jeux de casinos, et une accélération de la substitution entre le réseau physique et Internet ;
- selon le cabinet Arthur D. Little , les mises en France pourraient atteindre en 2015 3,4 milliards d'euros , contre 680 millions d'euros début 2009, et le produit brut des jeux 620 millions d'euros. Les positions concurrentielles seraient rapidement acquises et le marché doublerait dès 2010, pour ensuite progresser de 15 % par an. Les paris sportifs représenteraient 40 % du total et les paris hippiques en ligne connaîtraient un développement moins spectaculaire et une concurrence moins intense ;
- une étude de PriceWaterhouseCoopers , citée par le quotidien La Tribune en juin 2009, estimait que le produit brut des jeux légaux en ligne représenterait entre 300 et 350 millions d'euros lors de l'ouverture (dont plus de 200 millions d'euros pour la Française des jeux et le PMU) et atteindrait 435 millions d'euros en 2012 , dont 300 millions d'euros pour les paris sportifs et 135 millions d'euros pour le poker ;
- enfin une étude réalisée en 2009 par le cabinet Greenwich Consulting sur l'impact fiscal de l'Internet, à la demande de votre commission des finances, a proposé une estimation plus volontariste puisque le produit brut des jeux en ligne - légaux ou non - passerait de 400 millions d'euros en 2006 à plus de 1,5 milliard d'euros en 2012 .