CHAPITRE V TER - LA TRANSPARENCE DES OPÉRATIONS DE JEU
L'Assemblée nationale a introduit, à l'initiative de notre collègue député Jean-François Lamour, rapporteur, un nouveau chapitre V ter relatif à la transparence des opérations de jeu.
ARTICLE 22 - Archivage des données
Commentaire : le présent article impose aux opérateurs de jeux en ligne l'archivage en temps réel, sur un support situé en France métropolitaine, de l'ensemble des données relatives aux événements de jeu et de pari, ainsi que des opérations qui leur sont associées.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ARCHIVAGE EN TEMPS RÉÉL
A. UNE OBLIGATION D'ARCHIVAGE SUR UN SUPPORT INFORMATIQUE DÉDIÉ SITUÉ EN FRANCE
Le présent article impose à tout opérateur de jeux en ligne agréé de procéder à l'archivage de l'ensemble des données mentionnées au 3° de l'article 29 du présent projet de loi, c'est-à-dire :
- d'une part, les événements de jeu ou de pari proposés par l'opérateur , soit les supports de paris ou de jeux (courses, compétitions sportives et parties de poker) ;
- d'autre part, les opérations qui leur sont associées , c'est-à-dire les mises jouées dans le cadre de ces événements.
Le présent article précise, en outre, les modalités techniques de cet archivage :
1) il doit être effectué en temps réel ;
2) il doit être mis en oeuvre sur un support matériel dédié situé en France métropolitaine ;
3) ce support matériel doit être placé entre le joueur et la plateforme de l'opérateur de jeu afin d'assurer que l'ensemble des données échangées entre le joueur et l'opérateur transitent par ce dispositif.
Un décret en Conseil d'Etat, prévu à l'article 29 du présent projet de loi, précisera la liste des données qui devront ainsi être archivées, leurs modalités techniques de stockage et de transmission, ainsi que le délai pendant lequel l'opérateur est tenu de les conserver.
B. UNE PRIORITÉ DONNÉE À LA SÉCURISATION DE TOUTE LA CHAÎNE DE CONNEXION
Les représentants de l'ARJEL rencontrés par votre rapporteur ont présenté le dispositif technique que les opérateurs devront mettre en place pour permettre cet archivage. A côté du cahier des charges prévu à l'article 15 du présent projet de loi, l'ARJEL est en effet en train d'élaborer un document technique à destination des opérateurs décrivant les fonctionnalités informatiques exigées.
Ce dispositif repose sur trois principaux éléments :
1) Chaque opérateur doit mettre en place une plateforme de jeu dont les caractéristiques techniques sont fixées par l'ARJEL (article 25 du présent projet de loi) et analysées par celle-ci au moment de la demande d'agrément (article 11 du présent projet de loi) ;
2) Un capteur informatique, appelé « Frontal » , également mis en place par chaque opérateur, permettra de saisir les informations émanant du poste informatique du joueur avant leur réception par la plateforme de jeu de l'opérateur, afin de fiabiliser les données recueillies. Cette procédure ne constitue cependant pas une validation a priori de ces données. Le but recherché est de garantir que toutes les données échangées entre le joueur et l'opérateur de jeu transitent obligatoirement par ce dispositif ;
3) Le « Frontal » sera relié à un dispositif d'archivage, appelé « Coffre-fort » auquel aura accès l'ARJEL pour exercer sa mission de contrôle permanent des activités des opérateurs de jeu (article 29 du présent projet de loi). Un système d'alertes sera également prévu pour permettre des remontées d'informations rapides notamment en ce qui concerne la fraude et le blanchiment. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la durée d'archivage prévue pour les données relatives au compte joueur stricto sensu (identité, âge, adresse) sera de cinq ans après la clôture du compte joueur. Les données de jeu devraient également être conservées pour une durée de cinq ans après la réalisation de l'opération de jeu concernée.
A des fins de contrôle , sont également prévues :
- l' homologation des logiciels de jeux par l'ARJEL (huitième alinéa de l'article 25 du présent projet de loi) ;
- l'obligation pour l'opérateur de garantir l'accès du local abritant ce support technique aux fonctionnaires et agents habilités à mener des enquêtes administratives nécessaires à l'application de la présente loi (quatrième alinéa de l'article 11 et cinquième alinéa de l'article 34 du présent projet de loi) ;
- la certification annuelle du système informatique (article 17 du présent projet de loi) ;
- la mise à la disposition permanente de l'ARJEL des événements relatifs à l'évolution et à la maintenance des matériels , plateformes et logiciels de jeu utilisés (article 29 du présent projet de loi).
L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.
II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. UN OUTIL AU CoeUR DU DISPOSITIF DE LUTTE CONTRE LA FRAUDE ET LE BLANCHIMENT D'ARGENT
Le présent article, qui peut paraître anodin, est en réalité un dispositif essentiel de l'équilibre général du présent projet de loi. Il constitue en effet un élément déterminant pour la fiabilité et la transparence des opérations de jeux, ainsi que pour le respect des objectifs de lutte contre la fraude et le blanchiment d'argent, rappelés à l'article premier du présent projet de loi.
M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a, d'ailleurs, très largement insisté sur ce point lors de son audition devant votre commission des finances.
L'archivage des données constitue en effet le support qui permet le plein exercice de la mission de contrôle de l'activité des opérateurs confiée à l'ARJEL par l'article 29 du présent projet de loi.
Si les modalités techniques imposées aux opérateurs peuvent paraître lourdes, elles paraissent néanmoins indispensables à votre rapporteur. Il convient, en effet, d'assurer en la matière la sécurisation de toute la chaîne des opérations reliant le joueur à la plateforme de jeu.
B. UN DISPOSITIF QUI RESPECTE LA PROTECTION DES DONNÉES À CARACTÈRE PERSONNEL ET LA VIE PRIVÉE DES JOUEURS
Si la finalité de cet archivage est légitime, l'est tout au tant la protection des données à caractère personnel et relatives à la vie privée des joueurs qui pourraient être conservées dans ce cadre.
C'est pourquoi, le présent projet de loi pose plusieurs « garde-fous » à ce titre :
- l'article 14 du présent projet de loi impose ainsi aux entreprises sollicitant l'agrément de justifier des moyens qu'elles entendent mettre en place pour protéger les données à caractère personnel et la vie privée des joueurs ;
- l'article 15 du présent projet de loi prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de recueil du consentement des joueurs aux utilisations, autres que celles nécessaires au contrôle des autorités publiques, des données personnelles les concernant ;
- l'article 20 du présent projet de loi précise que la consultation des fichiers des interdits de jeux doit être entreprise dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ;
- l'article 29 du présent projet de loi prévoit que le décret en Conseil d'Etat qui fixe la liste des données que les opérateurs mettent à la disposition de l'ARJEL, ainsi que les modalités de stockage et de transmission de ces données, requiert l'avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).
Décision de votre commission : votre commission a adopté cet article sans modification.