EXAMEN EN COMMISSION
MARDI 22 DÉCEMBRE 2009
Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Jacques Hyest et du texte proposé par la commission pour la proposition de loi organique n° 69 (2009-2010), présentée par M. François Patriat et plusieurs de ses collègues, portant application de l'article 68 de la Constitution.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a d'abord rappelé le cadre constitutionnel dans lequel s'inscrivait la présente proposition de loi organique. Il a ainsi indiqué que l'article 68 de la Constitution instituait une procédure de destitution du Président de la République « en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat », corollaire de l'article 67 de la Constitution, relatif au statut juridictionnel du Chef de l'Etat. Il a relevé que le dernier alinéa de l'article 67 renvoyait la détermination des conditions d'application de la procédure de destitution à une loi organique qui, à ce jour, n'avait pas fait l'objet d'une initiative du Gouvernement.
Le rapporteur a analysé ensuite les principales dispositions de la proposition de loi organique :
- la proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour devrait être déposée par 60 députés ou 60 sénateurs et motivée ;
- dans un délai de quinze jours, cette proposition de résolution serait inscrite de droit à l'ordre du jour de l'assemblée concernée et ferait l'objet d'un scrutin public ;
- le bureau de la Haute Cour, composé des membres des bureaux de l'Assemblée nationale et du Sénat, serait chargé d'organiser les conditions du débat et du vote et de prendre toute décision jugée utile à l'application de l'article 68 de la Constitution ;
- une commission ad hoc, dotée des mêmes pouvoirs qu'une commission d'enquête, serait chargée de mener un travail d'information afin d'éclairer la Haute Cour.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a observé que la proposition de loi organique répondait à une lacune juridique évidente touchant à un aspect important du fonctionnement de nos institutions. Il a relevé que le texte proposé, d'ailleurs largement inspiré des propositions formulées dans le rapport de la commission présidée par le professeur Pierre Avril, prévoyait de manière très complète les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre de l'article 68 de la Constitution. A l'issue des quelques auditions auxquelles il avait pu procéder, il a constaté que plusieurs des dispositions proposées mettaient en jeu des équilibres délicats justifiant une réflexion approfondie. Tel était selon lui plus particulièrement le cas :
- du nombre de signataires requis pour le dépôt d'une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour ;
- d'une manière plus générale, des conditions de recevabilité et du nombre de résolutions de ce type susceptibles d'être déposées au cours d'un mandat présidentiel ;
- de la composition du bureau de la Haute Cour et notamment de la présence au sein de cette instance du président du Sénat ;
- des modalités d'établissement des règles de procédure applicables devant la Haute Cour ;
- de la possibilité pour le Président de la République de se faire représenter tant devant la commission que devant la Haute Cour.
M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a indiqué, en outre, qu'il avait été informé par le Gouvernement qu'un projet de loi organique portant application de l'article 68 de la Constitution serait présenté au Parlement au début de l'année 2010. Avant de se prononcer sur la proposition de loi organique, il a estimé nécessaire de prendre connaissance du texte du Gouvernement dans un domaine qui intéresse directement la stabilité des institutions et peut justifier de la même manière l'initiative parlementaire et celle de l'exécutif. Il a jugé que les choix de la commission seraient mieux éclairés par l'analyse comparée des dispositions proposées par les deux textes s'agissant, en particulier, des aspects les plus complexes de la procédure de destitution. Aussi a-t-il souhaité un examen concomitant de la proposition de loi organique et du projet de loi organique et proposé en conséquence l'adoption d'une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi organique.
M. Jean-Pierre Sueur a observé que la proposition de loi organique répondait à une véritable lacune et que rien n'interdisait qu'une initiative parlementaire soit adoptée pour la combler. Il a noté que les sujets sur lesquels le rapporteur s'était interrogé pouvaient donner lieu à des amendements. Il a ajouté que le Gouvernement, présent lors de l'examen du texte en séance publique, pourrait lui aussi faire connaître sa position et suggérer des modifications, le cas échéant, sous forme d'amendements. Il a donc souhaité que puisse s'engager, au-delà de la discussion générale, un examen article par article de la proposition de loi organique, ce que ne permettrait pas l'adoption d'une motion de renvoi en commission.
M. Yves Détraigne a demandé des précisions sur la date retenue par le Gouvernement pour déposer un texte portant application de l'article 68.
M. Jean-Jacques Hyest , rapporteur, a relevé que l'examen de la proposition de loi organique conduirait certainement à accélérer ce calendrier.
M. Bernard Frimat a demandé sous quelle forme le gouvernement avait fait connaître ses intentions.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a indiqué qu'un texte était actuellement en préparation et que le Gouvernement préciserait, lors de l'examen de la proposition de loi organique, les modalités de son inscription à l'ordre du jour du Parlement.
M. Jean-Pierre Michel a souhaité obtenir des éclaircissements sur les effets de l'adoption d'une motion de renvoi en commission.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a relevé que le vote d'une telle motion intervenait à l'issue de la discussion générale.
M. Hugues Portelli a regretté que, deux ans et dix mois après la révision constitutionnelle du 23 février 2007, le texte organique n'ait toujours pas été adopté. Il a rappelé que cette réforme reposait sur un équilibre entre, d'une part, les immunités posées par l'article 67 de la Constitution et, d'autre part, la possibilité de mettre en cause la responsabilité du chef de l'Etat en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. Il a estimé que l'impossibilité, du fait de l'absence de loi organique, de mettre en oeuvre la procédure de destitution contredisait l'intention du constituant.
Tout en estimant que le texte de la proposition de loi organique justifiait des amendements et une réflexion complémentaire, il a indiqué que des garanties devaient être données sur l'examen, à une date précise, d'un texte organique.
M. Bernard Frimat a souhaité qu'un espace de dialogue puisse s'ouvrir sur la proposition de loi organique au-delà de la succession des interventions que permettra la discussion générale. Il a constaté que l'opposition, dans le cadre de l'ordre du jour qui lui était réservé, avait la possibilité de présenter, soit des propositions affirmant des positions de principe, soit des propositions susceptibles de recueillir l'adhésion de la majorité et de prospérer. Il a regretté que cette deuxième voie rencontre en pratique de nombreux obstacles, ce qui tendait à vider de leur substance les droits ouverts à l'opposition par la révision constitutionnelle. Il s'est déclaré très dubitatif sur l'engagement du Gouvernement d'inscrire de sa propre initiative un projet de texte portant application de l'article 68 de la Constitution, compte tenu notamment de l'encombrement de l'ordre du jour.
Partageant l'analyse de M. Bernard Frimat sur l'alternative qui s'ouvrait aux groupes de l'opposition dans le cadre de l'ordre du jour réservé, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a estimé que la révision constitutionnelle n'avait en fait ouvert aucun nouveau droit effectif pour l'opposition.
M. Jean-René Lecerf a exprimé ses craintes que la possibilité, donnée par la proposition de loi organique, à 60 sénateurs ou 60 députés de déposer une proposition de résolution tendant à la réunion de la Haute Cour ne conduise à banaliser le recours à ce dispositif. Par ailleurs, il a observé que le renvoi par la Constitution à une loi organique conférait au législateur une compétence obligatoire. Il a estimé que parallèlement au renvoi en commission de la proposition de loi organique, il convenait de fixer un délai au-delà duquel l'initiative parlementaire devrait être reprise.
M. Alain Anziani et Mme Virginie Klès se sont demandé s'il ne serait pas opportun de reporter l'examen en séance publique de la proposition de loi organique.
M. Jean-Pierre Sueur a relevé que le débat public jouerait un rôle d'aiguillon pour le Gouvernement en soulignant les retards pris par le pouvoir exécutif.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur, a réitéré le voeu qu'il avait formé en conférence des présidents que les différents groupes politiques fassent connaître les textes dont ils entendaient demander l'inscription à l'ordre du jour dans des délais permettant un examen suffisamment approfondi par les commissions compétentes. Par ailleurs, il a noté que, contrairement aux autres types de motion, la motion de renvoi en commission permettait la poursuite effective de l'examen d'un texte, par exemple sous la forme d'auditions de la commission. Il a indiqué qu'il partageait les craintes exprimées par M. Jean-René Lecerf sur une utilisation à répétition de la proposition tendant à la réunion de la Haute Cour si les conditions de recevabilité prévues par la proposition de loi organique n'étaient pas renforcées.
M. Hugues Portelli s'est interrogé sur l'opportunité de constituer un groupe de travail pour poursuivre la réflexion sur ce texte.
M. Yves Détraigne a insisté sur la nécessité de maintenir une certaine pression sur le Gouvernement.
M. Laurent Béteille a jugé utile que la commission organise des auditions en commençant par la Chancellerie.
La commission a alors décidé de ne pas élaborer de texte et d'adopter une motion tendant au renvoi en commission de la présente proposition de loi organique.