C. LES INCERTITUDES PESANT SUR LE FINANCEMENT DE LA DEPENDANCE
1. La croissance toujours plus rapide des charges liées à la dépendance
Les dépenses au titre de l'Apa et de la PCH continuent d'évoluer plus rapidement que les ressources de la CNSA destinées à leur financement , même si la montée en charge de l'Apa marque un net infléchissement depuis 2008.
Selon l'enquête trimestrielle de la Drees 7 ( * ) , au 30 juin 2009, 1 117 000 personnes âgées dépendantes bénéficiaient de l'Apa, soit une augmentation de 2,1 % sur un an, en ralentissement par rapport à la hausse observée en 2008 (4,4 %) et 2007 (6,8 %).
En juin 2009, 61 % des bénéficiaires de l'Apa vivaient à domicile et 39 % en établissement d'hébergement pour personnes âgées (Ehpa). Cette répartition a toutefois évolué depuis l'entrée en vigueur de l'allocation en 2002. En effet, la montée en charge de l'Apa en établissement a été plus rapide que celle à domicile dans les premières années. Ceci s'explique par la volonté de prendre en charge le plus rapidement possible les personnes fortement dépendantes, nécessitant la plupart du temps d'être hébergées en institution. A partir de 2003, la croissance du nombre de bénéficiaires de l'Apa à domicile a été nettement plus dynamique que celle des bénéficiaires de l'allocation en établissement, dans un contexte où les pouvoirs publics cherchent à favoriser le maintien à domicile des personnes dépendantes.
Si chacun des groupes iso-ressources (Gir), qui déterminent le niveau de perte d'autonomie, a vu ses effectifs augmenter, l'évolution de la structure des bénéficiaires par Gir fait apparaître certaines modifications : ainsi, alors que la part des bénéficiaires du Gir 4 (personnes modérément dépendantes) représentait 38 % du total des effectifs en décembre 2002, celle-ci a augmenté pour atteindre 45 % à la fin 2008. Dans le même temps, la proportion de bénéficiaires du Gir 1 (personnes totalement dépendantes) a connu une baisse (de 11 % du total en 2003 à 8 % en 2008).
Fin juin 2009, le montant moyen du plan d'aide pour les personnes qui résident à domicile était de 494 euros par mois, dont 406 euros à la charge des conseils généraux, et de 461 euros pour les personnes qui résident en établissement, dont 307 euros à la charge des conseils généraux.
La compensation du handicap repose, depuis la loi du 11 février 2005, sur la prise en compte du projet de vie global de ces personnes, au moyen de la prestation de compensation du handicap (PCH). Cette prestation comporte cinq volets d'aides - humaines, techniques, liées au logement et au véhicule, spécifiques, animalières - dont la combinaison est adaptée aux besoins de chaque personne. Après un démarrage relativement lent, l'année 2008 a vu la montée en charge de cette prestation avec 100 000 demandes contre 84 000 en 2007, et surtout 112 000 décisions rendues par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) contre 77 000 l'année précédente.
• La croissance des charges liées à la
dépendance pose évidemment
la question de leur
financement
.
Dans son rapport public annuel 2009, la Cour des comptes s'interroge ainsi sur les perspectives de financement de l'Apa . La progression du nombre de bénéficiaires s'est mécaniquement accompagnée d'une hausse significative des dépenses d'Apa : proches de 4 milliards d'euros en 2005, elles atteignaient 4,5 milliards en 2007, soit une hausse de 10,5 % en deux ans.
Une partie de ces dépenses est prise en charge par un mécanisme de péréquation nationale financé par la CNSA. Néanmoins, le taux de progression des crédits affectés à la péréquation étant inférieur au taux de progression des dépenses d'Apa, le taux de couverture des dépenses par la péréquation nationale baisse régulièrement .
Or, comme l'avait déjà souligné la Cour en 2005 8 ( * ) , l'absence de règles claires de répartition de la charge entre l'Etat, les départements et les bénéficiaires ne permet pas d'organiser de façon satisfaisante le financement à venir de la prestation .
A cet égard, la Cour recommandait en 2005 que soit élaboré le plus rapidement possible le rapport au Parlement, prévu par l'article 15 de loi du 20 juillet 2001 créant l'Apa et qui devait intervenir au plus tard le 30 juin 2003 pour faire le bilan de l'allocation. Ce rapport n'a toujours pas été établi. La Cour rappelle que la tenue d'un débat au Parlement sur les conditions du financement de l'Apa est pourtant indispensable pour pérenniser l'allocation et clarifier la contribution de ses financeurs respectifs (Etat, départements, bénéficiaires).
2. La pérennité financière non garantie du plan Solidarité-Grand Age
Le plan Solidarité-Grand Age présenté par Philippe Bas en 2006, pour la période 2007-2012, devait répondre de manière prioritaire et lisible à la nécessaire médicalisation des établissements accueillant des personnes âgées dépendantes. Il s'agissait de permettre la création de places nouvelles de manière dynamique et équilibrée sur le territoire national, de développer l'offre d'accompagnement et de soins à domicile, et de renforcer les équipes dans les Ehpad. Se substituant au plan Vieillissement et solidarités, annoncé à la suite du drame de la canicule de l'été 2003, il se fonde sur des objectifs quantitatifs plus ambitieux . Pour les satisfaire à l'horizon 2012, des moyens financiers doivent être dégagés chaque année , dans le cadre de l'OGD.
Or, comme pour toute politique publique, les crédits alloués à la prise en charge des personnes dépendantes sont soumis à un arbitrage particulièrement délicat dans un contexte de forte dégradation des finances publiques. Rien ne garantit donc la pérennité financière du PSGA dans les prochaines années et ce, d'autant plus que la crise économique n'a pas fini de produire ses effets .
Ainsi, la CNSA, dont les recettes dédiées à l'OGD sont directement affectées par la dégradation du contexte économique, estime que la couverture des besoins du PSGA en 2011 nécessitera une augmentation de l'Ondam médico-social de 7,4 %. Quel que soit l'arbitrage auquel il sera procédé, une telle progression paraît très peu probable.
L'inquiétude qui pèse sur le déploiement du plan en 2011 et 2012 est d'autant plus forte que les besoins de financement ont été sous-évalués d'au moins 1,2 milliard d'euros lors des chiffrages effectués en 2006, comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport public annuel 2009.
Coût du plan Solidarité Grand âge |
||
(en millions d'euros) |
||
Mesure prévue par le PSGA |
Chiffrage présenté à la presse (juin 2006) |
Coût réévalué |
Création de 5 000 places en établissement par an |
165 |
225 - 270 |
Augmentation du Gir moyen pondéré (GMP) |
239 |
300 |
Passage au nouveau mode de tarification Pathos |
473 |
1 200 |
Ratio d'un personnel pour un résident dans les établissements accueillant des personnes très dépendantes |
510 |
570 - 995 |
Création de 6 000 places de Ssiad par an (et 7 500 à compter de 2010) |
365 |
425 |
Renforcement des moyens pour les Ssiad accueillant des patients très dépendants |
49 |
150 |
2 125 places d'accueil jour et 1 125 places d'hébergement temporaire par an |
90 % |
160 |
Annonce compensation frais financiers |
Annonce de 25 millions d'euros par an |
150 |
Total |
1 891
|
Entre 3 180
|
Source : DGAS |
3. Le financement global de la dépendance : l'intenable statu quo
Fin 2007, le Président la République a annoncé, au Palais du Luxembourg, son souhait qu' un projet de loi sur la prise en charge de la perte d'autonomie et la création d'un cinquième risque soit prochainement soumis au Parlement. Le Sénat a aussitôt créé sur ce thème une mission commune d'information, composée de membres des commissions des affaires sociales et des finances, afin de prendre toute sa place dans le débat 9 ( * ) .
La mission s'est d'abord attachée à expliquer pourquoi le statu quo n'est pas tenable à terme . Certes, des efforts financiers très importants ont été réalisés depuis plusieurs années, parmi lesquels la mise en oeuvre de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), la création de la CNSA, l'instauration d'une journée de solidarité rapportant une recette supplémentaire d'environ un milliard d'euros. Mais, parallèlement, la dépense publique en direction des personnes âgées en perte d'autonomie a connu une évolution très dynamique, avec des taux de croissance de l'ordre de 8 % par an pour l'Apa et 9 % pour l'Ondam médico-social. Elle approche aujourd'hui une vingtaine de milliards d'euros, soit un peu plus de 1 % du Pib.
La question de la soutenabilité de la dépense publique est dès lors posée. D'un côté, les plus de quatre-vingt-cinq ans vont passer de 1,3 million de personnes à 2 millions en 2015, tandis que la population des plus de soixante-quinze ans va progressivement doubler. De l'autre, la dette publique accumulée, le poids déjà lourd des prélèvements obligatoires et la montée inéluctable des dépenses de maladie et de retraite imposent de procéder à des arbitrages.
Partant de ce constat, le rapport de la mission a formulé quatre grandes séries de préconisations :
- prévoir un effort plus équitable en direction des bénéficiaires de l'Apa à domicile en instaurant un mécanisme de prise de gage sur patrimoine ;
- maîtriser le reste à charge en établissement via notamment un meilleur ciblage de l'Apa en institution ;
- mettre en place une articulation efficace entre les financeurs publics et les assureurs privés ;
- créer les conditions d'une bonne gouvernance du cinquième risque.
A ce jour, le dossier du cinquième est toujours soumis à arbitrage . Toutefois, le 20 octobre dernier, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, Xavier Darcos, a manifesté son souci d' ouvrir le dossier de la dépendance en même temps que celui des retraites - c'est-à-dire au cours du premier trimestre 2010 -, estimant que les questions de retraite, de dépendance, de vieillissement et de pénibilité sont liées.
* 7 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, « L'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) au 30 juin 2009 », enquête trimestrielle.
* 8 Cour des comptes, rapport au Président de la République, « Les personnes âgées dépendantes », novembre 2005.
* 9 « Construire le cinquième risque : le rapport d'étape » - Rapport Sénat n° 447 (2007-2008) - Philippe Marini, Président, Alain Vasselle, rapporteur.