E. COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL » (PROGRAMMES 775 ET 776)
La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR ». Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural et repose sur deux programmes : le 775 « Développement et transfert » et le 776 « Recherche appliquée et innovation ».
Les crédits du programme 775 sont principalement destinés 42 ( * ) aux chambres d'agriculture, aux instituts techniques agricoles et aux organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR).
Quant au programme 776, il se caractérise par le recours à la procédure de l' appel à projets . Il encourage les partenariats alliant la recherche et l'innovation au développement agricole d'où son appui sur les unités mixtes technologiques (UMT) et les réseaux mixtes thématiques (RMT) , créés par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, labellisés en 2006 et 2007 mais opérationnels surtout depuis 2008.
1. Des recettes sous-évaluées
Le CAS-DAR est alimenté par une fraction (85 %) du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, visée à l'article 302 bis MB du code général des impôts 43 ( * ) . Les recettes constatées sur le compte en 2008 ont été supérieures de 4,34 millions d'euros aux prévisions de la loi de finances initiale (LFI), soit 106,84 millions d'euros contre 102,50 prévus.
Votre rapporteur spécial regrette que la rubrique « Recettes constatées par ligne et justification des écarts » du RAP ne justifie pas cette sous-évaluation et préfère expliquer comment le gestionnaire a anticipé une hausse des recettes de 4,5 millions d'euros entre la LFI 2007 et la LFI 2008.
La hausse des recettes, au cours de l'exécution, résultant du déplafonnement de la taxe à compter du 1 er janvier 2008, a été inférieure (4,15 %) à celle attendue par le ministère (6,6 %), comme le relève la Cour des Comptes dans sa note d'exécution budgétaire.
Cette situation, combinée à une sous-consommation des crédits, conduit à un solde positif en exécution de 8,37 millions d'euros en CP 44 ( * ) . Bien que les recettes d'une année ne servent pas à payer les projets choisis la même année 45 ( * ) , la persistance d'un écart entre les ressources et les dépenses du compte plaiderait pour une utilisation plus optimale des crédits et/ou une baisse de la fraction du produit de la taxe affectée au CAS-DAR.
2. Des dépenses trop peu justifiées
Une fois de plus, la justification au premier euro des deux programmes de la mission est toujours lacunaire.
Pour le programme 775 qui regroupe à lui seul 92 % des dépenses en CP de la mission 46 ( * ) , le RAP ne fournit pas d'informations détaillées sur l'utilisation des crédits de l'action 1 « Développement agricole et rural pluriannuel », qu'il s'agisse de l'emploi des 40,46 millions d'euros d'AE=CP fléchés vers le réseau des chambres d'agriculture ou des 5,78 millions d'euros d'AE=CP destinés aux autres ONVAR . En ce qui concerne les 39 millions d'euros d'AE dévolus aux instituts techniques , une présentation en quelques lignes des missions de ceux-ci ne suffit pas à les expliquer. Enfin, les 8,45 millions d'euros en AE=CP consacrés à d'« autres projets et actions de développement agricole », sont alloués peu ou prou aux organismes évoqués, puisqu'ils ont permis de financer « 32 projets (...) mis en oeuvre en accompagnement des programmes de développement agricole et rural des chambres d'agriculture (...), des instituts et centres techniques agricoles (...), (et) des ONVAR ». Votre rapporteur spécial réitère ses regrets quant à ce déficit d'information 47 ( * ) . Il en résulte une impossibilité de savoir si les crédits du programme servent aux projets de développement plus qu'aux structures qui sont censées les porter . Comme l'indique également la Cour des Comptes dans sa note d'exécution budgétaire concernant la mission en 2008 : « la justification des crédits est insuffisante pour s'assurer que ceux-ci ne sont pas distribués en vertu d'une logique d'abonnement des organisations agricoles par lesquelles ils transitent ».
Le programme 776 , plus modeste, puisqu'il représente 8,18 millions d'euros en CP, a permis le financement de 30 projets sélectionnés par jury. L'information est là aussi déficiente et votre rapporteur spécial déplore que le RAP ne fournisse ni descriptif, ni même typologie des dossiers retenus en 2008. Le recours à la procédure de l'appel à projets gagnerait à être étendu à une part croissante des crédits de la mission de manière à cibler les dépenses du CAS-DAR sur des projets soumis à une plus grande expertise technique.
3. Une démarche de performance encore en construction
Le dispositif de mesure de la performance associé au CAS-DAR n'est pas satisfaisant et peut s'expliquer en partie par la jeunesse de ce compte créé par la loi de finances pour 2006.
Le programme 775 utilise un indicateur unique, relatif au nombre d'engagements formalisés portant une démarche d'agriculture durable. Sa nouveauté ne permet pas de disposer de prévision, d'où une réalisation peu significative (153.774 engagements, soit un peu moins du double des réalisations 2006 et 2007). Votre rapporteur spécial avait auparavant fait part de son scepticisme quant à l'ancien indicateur, assez proche 48 ( * ) . Il y avait en effet lieu de se demander si la performance de l'indicateur reflétait bien l'efficacité des structures chargées du conseil aux agriculteurs pour accompagner ceux-ci vers les exigences du développement durable, ou si elle ne résultait pas plutôt des incitations financières à s'engager dans une démarche d'agriculture durable 49 ( * ) .
Pour le programme 776, l'indicateur unique repose sur un ratio de financements impliquant une unité mixte technologique (UMT) ou un réseau mixte thématique (RMT) rapportés à l'ensemble des financements du programme. Au regard de son objectif 50 ( * ) , les résultats semblent satisfaisants, mais votre rapporteur spécial ne peut que partager le constat de la Cour des Comptes concernant le CAS-DAR : « les objectifs et les indicateurs renvoient plus au fonctionnement des organismes et de l'administration qu'aux buts de la mission elle-même et (ils) ne reflètent que très partiellement l'atteinte de ces buts ».
* 42 Sur la base du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) fixée par l'agence pour le développement agricole et rural (ADAR).
* 43 Sur cette taxe, voir le rapport d'information de votre rapporteur spécial « Un feuilleton fiscal : la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles » (n° 49, 2007-2008).
* 44 Pour mémoire, le solde à reporter en 2007 s'élevait à 22 millions d'euros en CP.
* 45 Selon la Cour des Comptes, « le décalage entre les cycles fiscaux, budgétaires et de gestion ainsi que l'organisation d'appels à projets expliquent les reports de crédits chaque année ».
* 46 90,29 millions d'euros sur un total de 98,47 millions d'euros de CP consommés.
* 47 Votre rapporteur spécial s'est en effet déjà exprimé sur ce sujet à l'occasion du projet de loi de finances pour 2008 et du projet de loi de règlement pour 2007.
* 48 Il s'agissait en 2007 du « nombre d'exploitations engagées dans une démarche d'agriculture durable », mais puisqu'une exploitation peut avoir deux engagements, en agriculture biologique et en agriculture raisonnée par exemple et bénéficier d'un contrat d'agriculture durable, et que les organismes de conseil interviennent pour l'appui technique à chaque démarche d'engagement, le nombre d'engagements formalisés constitue un meilleur indicateur que le nombre d'exploitations.
* 49 Cf. les aides versées dans le cadre des contrats d'agriculture durable.
* 50 « Développer et renforcer les partenariats entre les organismes de recherche, les établissements d'enseignement supérieur et technique et les organismes de développement et de transfert de technologie (...) ».