II. LA DIFFICILE LECTURE DE L'EXÉCUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER »

A. UN DÉPASSEMENT DU MONTANT DES CRÉDITS OUVERTS ?

1. Un taux de consommation des autorisations d'engagement de 102 %

Exécution des autorisations d'engagement du programme en 2008

(en euros)

LFI 2008

Ouvertes

Consommées

Taux de consommation

762.625.173

780.095.707

796.005.666

102 %

Source : rapport annuel de performances annexé au présent projet de loi de règlement

Exécution des crédits de paiement du programme en 2008

(en euros)

LFI

Ouverts

Consommés

Taux de consommation

722.075.173

764.612.876

742.946.447

97,2 %

Source : rapport annuel de performances annexé au présent projet de loi de règlement

La principale observation quant à l'exécution du programme n° 123 est une consommation apparente des AE du programme supérieure au montant des crédits ouverts pour l'exercic e. Ainsi, le rapport annuel de performances fait apparaître une consommation à hauteur de 796 millions d'euros pour un montant de crédits ouverts en AE, en incluant les mouvements de crédits en cours d'année, de 780 millions d'euros, soit un taux de consommation de 102 %.

Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu'aucune explication à cette surconsommation n'est fournie dans le rapport annuel de performances annexé à la présente loi de règlement . Par ailleurs, dans les réponses qui leur ont été adressées par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer, la consommation des AE du programme s'élève non à 796 millions mais à 751 millions d'euros. Enfin, le rapport annuel du contrôleur budgétaire et comptable ministériel fait état d'un montant de consommation des crédits de 757 millions d'euros.

Sollicitée par vos rapporteurs spéciaux, la direction du budget a fourni les éléments de réponse suivants quant au dépassement, en exécution, du montant des crédits ouverts pour le programme.

La consommation d'AE en 2008 sur le programme 123 de la mission « Outre-mer »

La consommation des AE en 2008 sur le programme 123 a fait l'objet d'une attention particulière au moment de l'élaboration du rapport annuel de performance 2008 de la mission « Outre-mer ».

En effet, la consommation d'AE que restituent les outils de suivi des crédits (soit 796 millions d'euros) est supérieure au total des crédits ouverts (soit 780 millions d'euros). Cependant, la consommation réelle d'AE est bien inférieure au total des crédits votés. Un travail d'identification des crédits consommés a été mené avec les administrations locales. Il résulte de cette étude qu'en aucun cas la consommation d'AE n'ait été supérieure aux crédits votés.

Plusieurs collectivités d'outre-mer, notamment la Polynésie française, ont procédé à la recodification d'engagements anciens, afin d'intégrer l'ensemble des opérations dans les outils de gestion mis en oeuvre après le vote de la LOLF. Ce travail de recodification, impliquant le retrait d'engagements puis le réengagement des crédits, s'est traduit dans les outils comme de nouveaux engagements. Or, il ne s'agit en aucun cas d'engagements réels.

Le travail mené par le Contrôleur budgétaire et comptable ministériel, les services de la DéGéOM et les services locaux permet d'estimer la consommation réelle d'AE à hauteur de 757 millions d'euros.

Les montants indiqués dans le rapport annuel de performances, dans la partie explicative de la « justification au premier euro », retracent les consommations réelles, corrigées des erreurs techniques (erreur d'imputation ou AE réengagées).

Ainsi, la consommation réelle est estimée à 757.182.592 €.

Source : direction du budget

Ainsi, le taux de consommation ne serait pas de 102 % mais de 95,1 % pour les AE du programme.

Malgré ces précisions utiles, vos rapporteurs regrettent vivement l'absence de clarté des éléments fournis au Parlement, qui ne permettent pas de porter un jugement clair et fondé sur les modalités de l'exécution budgétaire en 2008 .

2. Le montant des dépenses fiscales toujours sous-évalué en loi de finances initiale

Vos rapporteurs relèvent que le coût des différentes dépenses fiscales rattachées au programme 123 s'élève à 2,59 milliards d'euros pour les finances publiques, soit plus du triple des crédits du programme votés en loi de finances initiale, ce qui relativise leur importance.

Par ailleurs, comme l'année dernière, l'exécution fait apparaître une forte sous-estimation initiale du montant de ces dépenses fiscales . Ainsi, leur montant global estimé passe de 2.436 millions d'euros lors du vote de la loi de finances initiale à 2.592 millions d'euros en réalisation, soit un écart de 156 millions d'euros.

Il convient de se réjouir que la loi précitée pour le développement économique des outre-mer ait fait évoluer plusieurs dispositifs entraînant des dépenses fiscales élevées au titre de ce programme. Ainsi, les dispositifs de défiscalisation à l'impôt sur le revenu des investissements productifs (640 millions d'euros), de défiscalisation à l'impôt sur le revenu dans le secteur du logement (250 millions d'euros) et de défiscalisation à l'impôt sur les sociétés (150 millions d'euros) ont été réformés, notamment par le recentrage de la défiscalisation en faveur du logement social.

Vos rapporteurs spéciaux souhaitent que ces évolutions , qui doivent accroître l'efficacité des dispositifs de défiscalisation, s'accompagnent d'une meilleure évaluation de leurs conséquences . En effet, jusqu'à maintenant, les informations fournies par le secrétariat d'Etat à l'outre-mer ne permettent pas précisément d'évaluer les conséquences réelles de ces dispositifs particulièrement coûteux pour les finances publiques.

3. La consommation des crédits du logement semble toujours largement artificielle

D'après les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux, près de 60 % des AE consommées sur l'année en faveur du logement en outre-mer l'ont été durant le seul mois de décembre, comme l'indique le tableau ci-dessous.

Consommation des autorisations d'engagement (AE)
destinées au logement en outre-mer en 2008

AE consommées

(en euros)

Pourcentage des AE
consommées sur l'année

Janvier

3 128 059

1,48 %

Février

- 106 359

- 0,05 %

Mars

68 915

0,03 %

Avril

1 745 390

0,82 %

Mai

2 713 745

1,28 %

Juin

1 815 383

0,86 %

Juillet

13 235 305

6,25 %

Août

13 476 223

6,36 %

Septembre

15 238 259

7,19 %

Octobre

7 456 575

3,52 %

Novembre

26 348 274

12,44 %

Décembre

126 692 330

59,81 %

Total

211 812 099

100 %

Source : secrétariat d'Etat à l'outre-mer

Le secrétariat d'Etat indique que la concentration des demandes en fin d'exercice résulte de deux facteurs : d'une part, le fait que « les opérateurs du logement social présentent habituellement leurs demandes de subvention au cours du troisième trimestre » et, d'autre part, qu'ils ont « attendu la mise en oeuvre effective de la réforme des paramétrages de financement du logement social, qui n'est finalement intervenue que le 30 janvier 2009 » .

Vos rapporteurs spéciaux se réjouissent de la réforme des paramétrages de financement, qui devrait favoriser la réalisation d'opérations de logement social, mais s'étonnent toutefois de cette concentration de la consommation des crédits en fin d'année . Il apparaît notamment que si les opérateurs attendaient la révision des paramètres de financement, qui n'est finalement intervenue que l'année suivante, les opérations lancées à la fin de l'année n'ont pu l'être que sur la base des anciens paramètres de financement. On comprend mal par conséquent comment les projets ont pu être montés si rapidement et un doute persiste quant à leur effectivité.

4. Les évolutions qui résulteront de la loi pour le développement économique des outre-mer

Outre la modification des dispositifs de défiscalisation, qui devraient jouer à partir de l'année 2009 tant sur le montant des dépenses fiscales que sur l'utilisation de la ligne budgétaire unique en faveur du logement, la loi précitée pour le développement économique des outre-mer devrait influer sur deux importants dispositifs du programme 123 : le passeport-mobilité et la dotation de continuité territoriale .

En effet, l'article 50 de la loi précitée a créé un fonds de continuité territoriale qui globalise les crédits de la dotation de continuité territoriale et du passeport-mobilité . Cette évolution vise essentiellement à remédier à deux difficultés :

- la mise en oeuvre de la dotation de continuité territoriale, qui fait encore en 2008 apparaître une sous-consommation importante des crédits : seuls 15,38 millions d'euros de CP ont été consommés sur 33,3 millions ouverts en loi de finances initiale ;

- le coût croissant du passeport-mobilité : plus de 25 millions d'euros ont été nécessaires pour financer ce dispositif en 2008 alors que seuls 15,8 millions d'euros étaient prévus en loi de finances initiale.

Comme votre commission des finances l'a indiqué dans son rapport 219 ( * ) sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer, la création du fonds de continuité territoriale devrait permettre de mettre un terme à ces deux dérives et rationaliser, à l'avenir, les dispositifs de continuité territoriale en faveur de l'outre-mer .

* 219 Rapport n° 232 (2008-2009) de MM. Marc Massion et Eric Doligé, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 février 2009.

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