N° 439
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 2009 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de résolution européenne présentée par Mme Annie DAVID, au nom de la commission des Affaires européennes, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de directive portant modification de la directive 92/85/CEE concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes , accouchées ou allaitantes au travail (E 4021),
Par Mme Annie DAVID,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About , président ; Mme Isabelle Debré, M. Gilbert Barbier, Mme Annie David, M. Gérard Dériot, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Raymonde Le Texier, Catherine Procaccia, M. Jean-Marie Vanlerenberghe , vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Mme Muguette Dini, M. Jean-Marc Juilhard, Mmes Gisèle Printz, Patricia Schillinger , secrétaires ; Mmes Jacqueline Alquier, Brigitte Bout, M. Jean Boyer, Mme Claire-Lise Campion, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mme Jacqueline Chevé, M. Yves Daudigny, Mme Christiane Demontès, M. Jean Desessard, Mmes Sylvie Desmarescaux, Bernadette Dupont, M. Guy Fischer, Mme Samia Ghali, MM. Bruno Gilles, Jacques Gillot, Mme Colette Giudicelli, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Sylvie Goy-Chavent, Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, M. Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Jacky Le Menn, Jean-François Mayet, Alain Milon, Mmes Isabelle Pasquet, Anne-Marie Payet, M. Louis Pinton, Mmes Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, MM. René Teulade, Alain Vasselle, François Vendasi, René Vestri. |
Voir le(s) numéro(s) :
Sénat : |
340 et 440 (2008-2009) |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Les Européens ont légitimement le sentiment que l'Union européenne se préoccupe peu de questions sociales. On invoque souvent, pour justifier cet état de fait, le poids des traditions nationales et l'hétérogénéité encore forte des économies des Etats membres.
Pourtant, lorsque la Commission européenne a présenté, le 3 octobre dernier, une proposition de directive visant à protéger les femmes enceintes au travail, aucun Etat membre n'a exprimé d'opposition de principe. C'est bien la preuve que l'Europe, malgré une base juridique restreinte, peut être aussi, sur certains points, une source de progrès social.
Il reste que les Parlements nationaux ont le devoir, sur les sujets sociaux peut-être encore davantage que sur les autres, de veiller à ce que les textes élaborés au niveau communautaire répondent correctement aux besoins et aux aspirations des citoyennes et des citoyens qu'ils représentent.
Tel est l'objet de la proposition de résolution que vous présente la commission des affaires sociales : soutenir les points qui lui paraissent constituer un progrès, afin d'encourager le Gouvernement français à les défendre, et mettre en évidence les problèmes que le texte pose, pour apporter sa contribution à un texte largement perfectible.
Ainsi, l'allongement du congé de maternité à dix-huit semaines ou le droit accordé aux femmes enceintes de demander la modification de leurs horaires et rythme de travail constituent des avancées, y compris en France où la législation ne comporte pas de telles dispositions. Mais l'interdiction faite aux Etats membres de définir eux-mêmes les modalités du congé de maternité ou le silence regrettable du texte sur le congé de paternité soulèvent autant de difficultés qui, si elles n'étaient pas résolues, rendraient la proposition de directive inégale et contestable.
C'est donc avec une grande vigilance que votre commission suivra l'effectivité de la prise en compte de sa proposition de résolution par les autorités françaises à Bruxelles.
I. LA PROTECTION DES FEMMES ENCEINTES EN FRANCE
La protection des femmes enceintes répond à deux objectifs : sur le plan sanitaire et social, assurer les femmes contre l'ensemble des risques liés à l'enfantement et, sur le plan politique, soutenir le taux de natalité national.
L'enfantement, défini comme la période couvrant la grossesse, l'accouchement et la maternité, comporte trois risques principaux :
- un risque médical : fausse couche, prématurité, problèmes de santé survenant pendant la grossesse, l'accouchement et la période postnatale ;
- un risque professionnel : discrimination, licenciement, retard d'avancement en raison de la grossesse ou de la maternité ;
- un risque dit « existentiel » : perte de revenus et impossibilité de subvenir à ses besoins 1 ( * ) .
Le premier est couvert par l'assurance maternité dont bénéficie, selon diverses modalités, la totalité des femmes résidant en France, y compris les ressortissants de pays étrangers ne disposant pas d'un titre de séjour. L'assurance maternité prend en charge la surveillance médicale de la grossesse et des suites de l'accouchement, en particulier les huit examens prénataux et postnataux obligatoires.
La couverture des deuxième et troisième risques est assurée respectivement par le droit du travail et la législation régissant le congé de maternité.
La proposition de directive n'intervenant que dans ces deux derniers domaines, la présentation du droit national en vigueur s'y limitera.
A. LE CONGÉ DE MATERNITÉ
Le congé de maternité remplit deux fonctions :
- il donne la possibilité aux femmes de terminer leur grossesse sans être obligées de travailler, ce qui contribue à protéger leur santé et celle de l'enfant à naître ;
- il permet aux mères de récupérer de l'accouchement, de s'occuper elles-mêmes de leur enfant afin de nouer avec lui un lien souvent intense et déterminant pour son avenir, ainsi que d'organiser, d'un point de vue matériel, la nouvelle vie familiale.
Toute salariée qui justifie d'une durée et d'un montant minimum de cotisations au début du neuvième mois avant la date présumée de l'accouchement a droit au congé maternité 2 ( * ) .
Comme la proposition de directive concerne uniquement les travailleuses salariées et non celles qui, quelle que soit leur profession, n'ont pas d'employeur, on se concentrera ici sur le droit national applicable aux femmes salariées 3 ( * ) .
Le congé de maternité implique la suspension du contrat de travail pendant une durée qui varie en fonction de plusieurs facteurs et ouvre droit à une indemnisation dont le montant est proportionné au salaire.
1. La suspension du contrat de travail pendant seize semaines
La durée du congé maternité dépend de plusieurs éléments : nombre préalable d'enfants à charge, naissances simple ou multiple, éventualité d'un état pathologique, naissance prématurée avec hospitalisation de l'enfant.
Pour la naissance d'un enfant sans complications médicales, le congé de maternité est de seize semaines : six semaines avant la date présumée de l'accouchement et dix semaines après la naissance .
Une femme peut cependant transférer jusqu'à trois semaines du congé prénatal vers le congé postnatal à deux conditions : le professionnel de santé qui suit la grossesse doit donner un avis favorable et la future mère doit en faire la demande expresse.
Par ailleurs, en cas d'état pathologique attesté par certificat médical, le repos prénatal peut être augmenté de deux semaines au plus 4 ( * ) .
Durée du congé de maternité |
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Type de grossesse |
Durée totale du congé
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Période prénatale
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Période postnatale
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Grossesse simple |
L'assurée ou le ménage a moins de deux enfants |
16 |
6 |
10 (3) |
L'assurée ou le ménage assume déjà la charge d'au moins deux enfants ou l'assurée a déjà mis au monde au moins deux enfants nés viables |
26 |
8 (1) |
18 (2) (3) |
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Grossesse gémellaire |
34 |
12 (2) |
22 (2) (3) |
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Grossesse de triplés ou davantage |
46 |
24 |
22 (3) |
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Source : commission des affaires sociales |
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(1) La période prénatale peut être augmentée de deux semaines maximum sans justification médicale. La période postnatale est alors réduite d'autant. |
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(2) La période prénatale peut être augmentée de quatre semaines maximum sans justification médicale. La période postnatale est alors réduite d'autant. |
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(3) En cas de naissance prématurée plus de six semaines avant la date prévue exigeant l'hospitalisation de l'enfant, le congé est prolongé du nombre de jours courant entre la naissance et le début du congé normalement prévu. |
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(4) Possibilité de reporter, dans la limite de trois semaines, et à certaines conditions, le point de départ du congé prénatal, le congé postnatal étant augmenté d'autant. |
Contrairement à une idée très répandue, il n'existe pas de congé prénatal obligatoire. L'article L. 1225-29 du code du travail dispose en effet qu'« il est interdit d'employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement ». Le deuxième alinéa précise ensuite qu'« il est interdit d'employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement ».
Aucune disposition légale n'empêche donc une femme enceinte qui le souhaite de travailler jusqu'au jour de l'accouchement : elle devra simplement, après la naissance, s'arrêter au moins huit semaines. L'employeur qui recourt aux services d'une salariée jusqu'au jour présumé de l'accouchement et suspend ensuite son contrat de travail pendant huit semaines respecte bien les huit semaines de congé « au total avant et après » l'accouchement.
Sur ce point, le code du travail est d'ailleurs bien coordonné avec celui de la sécurité sociale qui dispose, à l'article L. 331-3, que le versement des indemnités journalières de maternité est subordonné à la cessation de toute activité salariée pendant au moins huit semaines.
Ceci étant, même si ni le code du travail ni celui de la sécurité sociale n'instituent de congé prénatal obligatoire, les femmes enceintes sont fortement incitées à arrêter leur travail avant la date présumée de l'accouchement , car il leur est interdit de reporter plus de trois semaines de congé de la période prénatale à la période postnatale. Dans les trois semaines qui précèdent la date présumée de l'accouchement, toute journée de repos qui n'est pas prise est donc perdue.
2. Une indemnisation de bon niveau
On l'a vu, lorsque la salariée utilise son congé de maternité, son contrat de travail est suspendu. Elle a droit, en contrepartie, à des indemnités journalières de maternité servies pendant toute la durée légale du congé.
Ces indemnités sont égales au salaire journalier de base diminué de la part salariale des cotisations sociales d'origine légale et conventionnelle et de la CSG, dans la limite du plafond de la sécurité sociale.
Ce plafond est, pour l'année 2009, fixé à 76,54 euros par jour, soit 2 296 euros nets par mois.
Le code de la sécurité sociale prévoit également un plancher revalorisé au début de chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget 5 ( * ) . Il est cette année de 8,55 euros par jour, soit 256 euros nets par mois.
* 1 Le risque professionnel se distingue du risque existentiel dans la mesure où l'on peut imaginer qu'une femme enceinte perde son emploi mais continue à bénéficier de revenus, en percevant par exemple des indemnités journalières, et qu'à l'inverse, une femme enceinte conserve son emploi, son contrat de travail étant simplement suspendu, mais soit privée de revenus, aucun système d'indemnités ne venant compenser la perte de salaire.
* 2 Articles R. 313-1 et R. 313-2 du code de la sécurité sociale. Plusieurs modes de calcul de la durée et du montant minimum de cotisations ont été institués afin de prendre en compte la diversité des situations professionnelles des salariées et de couvrir ainsi le plus grand nombre d'entre elles. Pour avoir droit au congé de maternité, il suffit par exemple, au cours de l'année écoulée, d'avoir effectué soixante heures de travail salarié pendant un mois ou d'avoir effectué au moins 120 heures de travail salarié ou assimilé pendant trois mois consécutifs.
* 3 En ce qui concerne les travailleuses non salariées, la quasi-totalité d'entre elles sont prises en charge par le régime social des indépendants, qui regroupe les activités non salariées non agricoles. Les femmes enceintes relevant de ce régime ont droit, d'une part, à une allocation forfaitaire dont la première moitié est versée à la fin du septième mois de grossesse et la seconde à l'accouchement, d'autre part, sous réserve de la cessation d'activité, d'une indemnité journalière accordée pendant le dernier mois de grossesse et le mois qui suit l'accouchement (articles D. 613-4-1 et D. 613-4-2 du code la sécurité sociale).
* 4 Article L. 1225-21 du code du travail.
* 5 Article R. 331-5 du code de la sécurité sociale.