2. L'action 10 est un exemple de débudgétisation poussée à l'extrême
La présentation de l'action 10 « Infrastructures de transports collectifs et ferroviaires » n'est pas pleinement satisfaisante. Cette action a pour objectifs l'amélioration de la performance des réseaux pour permettre une meilleure fiabilité des services de transport au bénéfice des usagers, d'une part, et le développement des infrastructures de transport relevant de la compétence de l'Etat, d'autre part. L'action 10 doit contribuer à quatre objectifs définis par le Grenelle de l'environnement :
- poursuivre le développement du réseau à grande vitesse pour une meilleure desserte des métropoles régionales et une compétitivité accrue des territoires, et améliorer la desserte des grandes villes qui resteraient à l'écart du réseau grande vitesse en aménageant les infrastructures existantes et en y assurant un haut niveau de service ;
- permettre le développement du fret sur les axes d'échanges majeurs, dont l'exploitation peut être organisée en privilégiant le trafic marchandises ;
- ancrer ainsi la France dans l'Europe en contribuant à constituer le réseau de transport européen ferroviaire pour les voyages (TGV) et de marchandises (corridors européens de fret) ;
- et participer à l'effort de réduction des émissions de gaz à effet de serre en renouvelant et en développant quand cela est nécessaire les modes de transport alternatifs à la route.
Vos rapporteurs spéciaux regrettent que le bleu budgétaire ne contienne que très peu d'informations sur la réalisation concrète de ces objectifs, alors que les crédits de la présente action atteignent 3,641 milliards d'euros en AE et en CP. De fait, les crédits de cette action sont alloués sous forme de subvention pour 1,2 milliard d'euros en AE et en CP à l'AFITF et pour 2,441 milliards d'euros en AE et en CP à Réseau ferré de France (RFF).
La présente action concerne donc essentiellement deux des principaux opérateurs du programme 203. « L'agencisation » s'illustre une fois de plus puisque des pans entiers de l'action publique sont confiés à des opérateurs. Vos rapporteurs spéciaux notent que la conséquence première est l' appauvrissement de leur information sur les politiques menées . Les éléments contenus par le bleu budgétaire sont parcellaires et éparpillés. Ils sont présentés dans l'encadré suivant.
Les priorités de la politique relative aux transports collectifs et ferroviaires
1. L'amélioration de la performance du réseau
Pour atteindre ses objectifs de développement durable, la politique des transports doit d'abord garantir la qualité, la fiabilité et l'efficacité des réseaux existants. A cet effet, la maintenance et la modernisation des infrastructures de transports collectifs et ferroviaires sont indispensables pour assurer la qualité des services de transport de voyageurs et de fret. Dans le secteur ferroviaire, l'audit du réseau ferré national réalisé en 2005 par l'école polytechnique de Lausanne a permis d'avoir une vision claire de l'état du réseau. Pour permettre sa remise à niveau en visant notamment à supprimer les ralentissements préventifs en priorité sur les lignes les plus circulées, les moyens financiers consacrés à ces activités sont accrus en 2009, dans le cadre du plan de rénovation 2006-2010. Ce plan ambitieux vise un haut niveau de sécurité tout en mettant en oeuvre une politique de modernisation des méthodes d'entretien et d'exploitation, de maîtrise de leurs coûts grâce à une approche pluriannuelle comportant des objectifs précis et chiffrés. Par ailleurs, dans le cadre des contrats de projets 2007-2013, l'Etat et les régions qui l'ont accepté cofinancent des opérations de modernisation du réseau pour accélérer ce programme d'amélioration de la qualité de service. Certaines régions ont en outre conclu avec Réseau ferré de France des conventions particulières en faveur de la régénération du réseau (« plans-rail » Midi-Pyrénées et Limousin).
Conformément aux conclusions du Grenelle de l'environnement, l'effort entrepris dans le cadre du plan de rénovation 2006-2010 doté sur la période de 1.800 millions d'euros supplémentaires , sera accentué et soutenu dans le temps, pour atteindre, en 2015, 400 millions d'euros supplémentaires par an par rapport aux prévisions de l'actuel plan de rénovation 2006-2010. Ainsi, pourra être rétabli à terme un meilleur équilibre entre l'entretien courant et le renouvellement des équipements afin d'assurer un meilleur niveau de service en optimisant le montant des dépenses de maintenance.
D'une manière générale, la régénération et l'entretien du réseau ferroviaire ne peuvent être aujourd'hui financés par les seuls péages d'infrastructures versés par les opérateurs ferroviaires. L'Etat est ainsi amené à intervenir financièrement auprès de Réseau ferré de France . L'effort supplémentaire de maintenance sera réalisé dans le souci d'employer au mieux les financements de l'Etat, en appelant la contribution du système ferroviaire :
- par des gains de productivité accrus, sur lesquels les entreprises se sont engagées pour la première fois en 2007 dans le cadre de la convention de gestion 2007-2010 de l'infrastructure,
- par l'augmentation des péages en mobilisant, lorsque le marché s'y prête, une plus grande part de l'avantage économique tiré de l'utilisation du réseau,
- par la valorisation du patrimoine de Réseau ferré de France inutile à ses missions ferroviaires.
2. Le développement du réseau national et européen.
Le Grenelle de l'environnement a défini un objectif ambitieux de développement du réseau des lignes ferroviaires à grande vitesse afin d'offrir plus d'alternatives aux transports aériens et routiers. Le projet de loi de programme relatif à sa mise en oeuvre prévoit ainsi que « le maillage du territoire par des lignes ferrées à grande vitesse sera poursuivi, non seulement pour relier les capitales régionales à Paris, mais aussi pour les relier entre elles et assurer la connexion du réseau français au réseau européen. A cet effet, [...] la réalisation de 2.000 kilomètres de lignes ferroviaires nouvelles à grande vitesse sera lancée d'ici 2020 [...]. Un programme supplémentaire de 2.500 kilomètres sera défi dans une perspective de long terme [...] ». Au-delà des nouvelles lignes à grande vitesse, l'amélioration et le développement du réseau ferré fait l'objet d'une intervention prioritaire dans les contrats de projet, puisque leur volet ferroviaire est de loin le principal axe des volets transports des contrats signés, dont il représente plus de 50 % des engagements. Enfin, en matière de transports collectifs urbains, l'Etat contribue déjà financièrement au développement des infrastructures dans la région lie de France et aux projets majeurs de transport collectifs des agglomérations de province dans le cadre des contrats de projets. Là aussi le Grenelle de l'environnement a redéfini une ambition pour les années à venir, dont la première étape est constituée par le volet transport urbain du plan « Espoir banlieues ».
Ces différents volets relèvent des moyens apportés par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui, soit apporte son cofinancement directement au maître d'ouvrage pour les grands projets de RFF ou des autorités organisatrices, soit les reverse sous forme de fonds de concours au programme, pour contribuer à la réalisation notamment des contrats de projet
Enfin, pour mieux répartir la prise en charge des risques, l'Etat, comme ses établissements publics, recourent aux partenariats public-privé , qu'ils prennent la forme de concessions (à l'instar des projets CDG Express ou de la section Tours-Bordeaux de la ligne à grande vitesse Sud-Europe-Atlantique) ou de contrats de partenariat (comme pour le contournement ferroviaire de Nîmes et Montpellier ou la ligne à grande vitesse Bretagne-Pays de la Loire).
Source : extrait du bleu budgétaire
a) De nombreuses interrogations sur l'AFITF
L'action 10 comporte donc une « une subvention d'équilibre » à l'AFITF. L'année dernière, vos rapporteurs spéciaux avaient noté l'amplification des débudgétisations par rapport aux exercices précédents, mettant à la charge de l'AFITF de nouveaux champs d'intervention 6 ( * ) . Ils s'étaient inquiétés de la question du financement de cet opérateur , qui, rappelons-le, est avant tout une structure de financement .
Depuis sa création, plus de la moitié des ressources de l'AFITF étaient constituées du versement de 4 milliards d'euros, produit de la cession des sociétés concessionnaires. Dès 2009, les ressources tirées de la privatisation des sociétés d'autoroutes devraient être épuisées, ce qui rend nécessaire la subvention attribuée à cet opérateur.
Le projet de loi de finances pour 2009 prévoit, de plus, la création d'une taxe sur les poids lourds dont le rendement devrait s'élever à 880 millions d'euros par an à partir de 2011. La subvention accordée à l'AFITF devrait alors diminuer pour atteindre 1,1 milliard d'euros en 2010, puis 0,2 milliard d'euros en 2011. Cette projection paraît très optimiste , il semble peu probable que la taxe puisse prendre le relais de la subvention budgétaire dès 2011. Vos rapporteurs spéciaux estiment qu'il serait plus judicieux de rebudgétiser les crédits versés à l'AFITF au lieu de les faire transiter par des fonds de concours qui ne font que ralentir la consommation des crédits . De plus, ils estiment que la privatisation des autoroutes privant l'AFITF de leurs dividendes a supprimé les ressources pérennes qui lui donnaient une certaine légitimité . Ils vous proposeront donc un amendement prévoyant la dissolution de l'AFITF afin que le débat sur l'avenir de cet opérateur soit largement ouvert.
* 6 Notamment les programmes de mise en sécurité des tunnels et le programme SURE (Sécurité des usagers sur le réseau existant) pour le réseau routier d'une part, et le programme « Gares » et le programme de réduction des nuisances sonores pour le réseau ferroviaire d'autre part.