C. UN DISPOSITIF ACTUELLEMENT « AU MILIEU DU GUÉ »

La protection des récoltes contre les aléas repose sur plusieurs mécanismes dont la combinaison permet d'indemniser les agriculteurs contre la totalité ou une partie des dommages.

À un système d'assurance volontaire s'ajoute l'indemnisation par un fonds et des mécanismes de protection plus individuels.

1. Un système fondé sur une assurance volontaire

L'exploitant agricole dispose de plusieurs solutions fournies par des sociétés d'assurance privées. En fonction des productions protégées et des risques couverts, on peut répartir les contrats les plus couramment proposés en cinq catégories :

Production

Risques couramment couverts

Cultures fruitières

Grêle et vent

Grêle, gel et vent

Cultures maraîchères

Grêle et vent

Viticulture

Grêle, gel et vent

Grandes cultures

Grêle, gel, inondation et vent

Tous types de production

Assurance récolte : sécheresse, grêle, gel, inondation ou excès d'eau et vent

Tous ces contrats reposent sur la base du volontariat . L'agriculteur n'est contraint en aucune manière. S'il décide de s'assurer, il est libre de choisir l'assureur et le contrat qui lui conviennent.

L'assureur, quant à lui, détermine librement les clauses qu'il souhaite proposer dans le contrat, dans une limite fixée par le code des assurances : les contrats d'assurance garantissant ces dommages doivent inclure la protection contre les effets du vent 3 ( * ) .

Parmi ces contrats, le régime de l'« assurance récolte » proprement dite se distingue par la subvention publique dont il bénéficie. Cette subvention justifie un encadrement législatif et réglementaire des contrats.

a) Le principe d'une subvention limitée à une part de la prime d'assurance

Le code rural définit dans son article L. 361-8 le principe de l'assurance récolte et de la subvention dont elle bénéficie.

Cette subvention est prise en charge par le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), dont elle constitue la principale mission depuis la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 : « Un fonds national de garantie des calamités agricoles est institué afin de financer les aides au développement de l'assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles. » 4 ( * )

Elle représente une part des primes ou cotisations d'assurance afférentes à des risques agricoles énumérés par décret. Elle peut dépendre de l'importance du risque et de la nature des cultures.

La prise en charge a une durée limitée dans le temps, mais au moins égale à sept ans. Le taux de prise en charge ne peut dépasser 50 % du montant de la prime au cours de la première année et 10 % lors de la dernière année de prise en charge.

Les collectivités locales peuvent apporter une aide complémentaire à celle de l'État, mais le total de la prise en charge de la prime par les autorités publiques ne peut dépasser la moitié de celle-ci, limite fixée au niveau communautaire.

Le principe de la subvention (code rural, article L. 361-8)

« En vue de favoriser le développement de l'assurance contre les risques agricoles énumérés par décret, le fonds prend en charge, pendant une période minimale de sept ans, une part des primes ou cotisations d'assurance afférentes à ces risques.

Cette prise en charge est forfaitaire, dégressive et variable suivant l'importance du risque et la nature des cultures.

Le décret prévu au premier alinéa détermine également les taux de cette prise en charge, sans toutefois que la participation du fonds puisse excéder 50 p. 100 de la prime au cours de la première année et 10 p. 100 de la prime au cours de la dernière année.

Pour l'application de ces dispositions, une section particulière du fonds est créée en recettes et en dépenses. Cette section est alimentée en recettes par une dotation provenant du budget de l'État. Une fraction de l'excédent annuel des ressources mentionnées à l'article L. 361-5 sur les dépenses d'indemnisation peut lui être affectée.

L'aide financière complémentaire, éventuellement consentie par les collectivités locales ou toute autre personne morale de droit privé ou de droit public ou toute personne physique, ne pourra venir en déduction de celle accordée par l'État. »

b) Deux types de contrats : par culture ou à l'exploitation

Le décret d'application prévoit que les contrats dont la prime est subventionnable par l'État peuvent relever de deux catégories :


• les contrats dits « par culture » prévoient une indemnisation pour une nature de récolte donnée lorsque la production constatée est inférieure à la production garantie.


• les contrats dits « à l'exploitation » assurent au moins 80 % de la superficie en cultures de vente de l'exploitation et au moins deux natures de récolte différentes.

c) Une indemnisation prenant en compte une franchise réglementée

Le contrat d'assurance doit comporter une franchise , dont le montant minimal est fixé par décret en application de l'article L. 361-8 du code rural. Le décret actuellement en vigueur est le décret n° 2008-270 du 18 mars 2008 5 ( * ) .

La prime subventionnable ne peut porter que sur un montant garanti faisant l'objet d'une franchise de 25 % pour les contrats par culture et de 20% pour les contrats à l'exploitation.

Autrement dit, si un contrat d'assurance comporte plusieurs garanties séparées, seules celles qui font l'objet de cette franchise peuvent voir leur prime subventionnée.

d) Taux de prise en charge et types de cultures concernées

Le décret du 18 mars 2008 précise le taux de prise en charge des primes d'assurance par le FNGCA. Ce taux est actuellement égal à 35 % de la prime ou cotisation nette d'impôt .

Le taux de prise en charge est porté à 40 % pour les jeunes agriculteurs . Rappelons que la qualification de « jeunes agriculteurs » est appliquée aux exploitants qui bénéficient, pour leur première installation, d'une dotation d'installation en capital ou de prêts à moyen terme spéciaux. Les conditions d'octroi de ces aides sont liées notamment à l'âge de l'exploitant, qui doit être inférieur à quarante ans, à la taille de son exploitation et à sa capacité professionnelle 6 ( * ) .

Ces taux sont susceptibles d'évoluer d'année en année, ce qui réduit la visibilité du marché pour les assureurs qui prennent en compte son niveau lorsqu'ils élaborent leurs contrats.

Le tableau suivant donne un aperçu de l'évolution du taux de prise en charge de la prime d'assurance décidée par un décret pris chaque année ou tous les deux ans sur le fondement de l'article L. 361-8 du code rural :

Années concernées

Risque couvert et taux de la subvention du FNGCA

1997 à 2001 7 ( * )

1° fruits (grêle): 7,5 %
2° légumes (grêle) : 7,5 %

2002 à 2004 8 ( * )

1° fruits (grêle) : 7,5 %
2° légumes (grêle) : 7,5 %
3° fruits (grêle et gel) : 25 %
4° vigne (grêle et gel) : 10 %
5° céréales et oléo-protéagineux (plusieurs risques climatiques, dont au moins à la fois la grêle, le gel et l'inondation, ainsi que l'excès d'eau à partir de 2003) : 10 %

2005 9 ( * )

1° à 5° : mêmes taux

Assurance récolte : une, deux ou plusieurs natures de récoltes contre plusieurs risques climatiques, dont au moins à la fois la sécheresse, la grêle, le gel et l'inondation ou l'excès d'eau : 35 %

2006 à 2008 10 ( * )

Assurance récolte : 35 %.

Depuis 2006, la subvention est recentrée sur l'assurance récolte (contrats garantissant une, deux ou plusieurs natures de récoltes contre plusieurs risques climatiques, dont au moins à la fois la sécheresse, la grêle, le gel et l'inondation ou l'excès d'eau), avec un taux de 35 %. Les autres contrats ne bénéficient plus d'une subvention à la prime.

2009 (indications fournies par le gouvernement)

Le taux de soutien serait à nouveau différencié selon le type de culture :
- arboriculture, viticulture : 40 %
- grandes cultures : 25 %

Rappelons que, en application de l'article L. 122-7 du code des assurances, le risque « vent » est automatiquement inclus dans l'ensemble de ces contrats.

À ces taux il convient d'ajouter une amélioration de taux pour les jeunes agriculteurs et, le cas échéant, une aide complémentaire des collectivités locales dans la limite de 50 % de la prime.

2. Un fonds pour les risques non assurables

Outre le rôle que nous venons de voir dans la subvention aux primes d'assurance récolte, le fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) finance l'indemnisation des dommages matériels causés aux exploitations agricoles par les calamités agricoles .

Les calamités agricoles concernées sont définies par l'article L. 361-2 du code rural comme des dommages:

- non assurables ;

- d'importance exceptionnelle ;

- dus à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel.

Le FNGCA  est alimenté par les agriculteurs (par le biais d'une contribution additionnelle aux primes d'assurance de leurs contrats d'assurance couvrant les dommages aux matériels et bâtiments et les risques de responsabilité civile) et par une dotation budgétaire de l'État .

Le taux de la contribution versée par les agriculteurs et destinée au fonds est de 11%. Ce taux devrait demeurer stable en 2009 alors même que les grandes cultures, selon les projets du Gouvernement, ne devraient plus être indemnisées par le fonds en raison de la présence de produits assurantiels adaptés pour cette filière.

Le fonds intervient après reconnaissance d'une calamité agricole par le ministre chargé de l'agriculture. Le niveau des pertes doit représenter 27 % de la valeur de la récolte et 14 % de la production brute totale de l'exploitation. Le fonds indemnise en moyenne 30% des dommages.

L'accès au fonds est subordonné pour l'exploitant à la souscription d'un contrat d'assurance contre l'un au moins des risques reconnus par arrêté interministériel comme « normalement assurables dans le cadre de la région ». Ainsi, l'exploitant propriétaire pourra bénéficier des indemnisations du fonds s'il possède un contrat d'assurance incendie sur les bâtiments 11 ( * ) .

Le fonds a versé les paiements suivants ces dernières années 12 ( * ) :

millions d'€

2003

2004

2005

2006

moyenne

Indemnités versées

422

407

90

236

289

Subvention de l'État

259

197

8

121

144

Contributions professionnelles

93

92

90

90

91

Un fonds de garantie des calamités agricoles existe également pour les départements d'outre-mer.

3. Des mécanismes complémentaires pour améliorer la couverture

Outre l'assurance et le FNGCA, l'agriculteur dispose d'autres outils pour se prémunir contre des aléas. Certains produits financiers leur permettent par exemple de se prémunir contre les variations de cours en prenant des positions sur les marchés à terme de produits agricoles.

La déduction pour aléas (DPA), mise en place en 2002 et étendue par la loi d'orientation agricole, est une épargne de précaution , mobilisable par l'exploitant afin de faire face aux aléas climatiques, économiques, sanitaires ou familiaux. Les sommes épargnées viennent en déduction du bénéfice imposable. L'imposition de ces sommes intervient au bout de sept ans 13 ( * ) .

La DPA présente plusieurs avantages :

- elle ne se limite pas aux risques climatiques , mais offre également une indemnisation en cas de chocs divers tels qu'une variation brutale des prix, une crise sanitaire ou un événement familial qui affectent les revenus de l'exploitation

- en se combinant avec l'assurance récolte, elle prend en charge la franchise non couverte par celle-ci et permet donc une indemnisation totale.

La déduction pour aléas suppose toutefois que l'exploitation a dégagé des bénéfices au cours des années passées et ne peut donc pas convenir pour toutes les exploitations. Elle est adaptée pour les risques « normaux » mais pas pour les « coups durs » exceptionnels.

De plus, le plafond de la DPA est commun avec celui de la déduction pour investissements (DPI). Or les exploitants privilégient fréquemment la DPI et ne peuvent alors avoir recours à la DPA.

4. La nécessité de préserver une « CMU » de l'exploitation agricole

Le système du fonds national de garantie des calamités agricoles offre un filet de sécurité pour tous , indépendamment des initiatives prises à titre individuel (DPA, assurance).

Le rapport du sénateur Dominique Mortemousque soulignait que, pour les responsables des organisations agricoles, il convient de « ne pas lâcher la proie pour l'ombre » : le régime du FNGCA, pour complexe qu'il soit et imparfait notamment dans ses délais, a pu faire ses preuves, ce qui n'est pas encore le cas d'un système assurantiel pur.

Le fonds doit continuer à exister pour indemniser les pertes de fonds ou certaines cultures non assurables. Au-delà de cette utilisation, il constitue un mécanisme utile qu'il peut être utile de réactiver à l'avenir.

Votre rapporteur considère qu'il est impératif de prendre en compte la situation de toutes les exploitations, notamment celles qui, pour des raisons liées à leur petite taille ou à leurs choix d'exploitation, ne sont pas couvertes par des contrats d'assurance. Pour ces exploitations le système actuel joue un rôle précieux de « CMU » de l'agriculture, accessible à tous .

Une extinction pure et simple du fonds pourrait les mettre dans une situation très difficile en cas de sinistre dû à des aléas climatiques. L'agriculture est une activité entrepreneuriale, mais elle joue également dans notre pays un indispensable rôle social et environnemental. Il convient donc de prendre garde aux conséquences pour les exploitants qui résulteraient d'un basculement complet et non maîtrisé dans le système du marché des assurances.

* 3 Code des assurances, art. L. 122-7 : «Les contrats d'assurance garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets du vent dû aux tempêtes, ouragans et cyclones, sur les biens faisant l'objet de tels contrats, sauf en ce qui concerne les effets du vent dû à un événement cyclonique pour lequel les vents maximaux de surface enregistrés ou estimés sur la zone sinistrée ont atteint ou dépassé 145 km/h en moyenne sur dix minutes ou 215 km/h en rafales, qui relèvent des dispositions des articles L. 125-1 et suivants du présent code.»

* 4 Code rural, article L. 361-1

* 5 Décret n° 2008-270 du 18 mars 2008 fixant pour l'année 2008 les modalités d'application de l'article L. 361-8 du code rural en vue de favoriser le développement de l'assurance contre certains risques agricoles

* 6 Code rural, article D. 343-3 et suivants.

* 7 Décrets du 8 septembre 1997, 12 mai 1999 et 10 mai 2001

* 8 Décrets du 23 avril 2002, 9 juillet 2003 et 19 juillet 2004

* 9 Décret du 14 mars 2005

* 10 Décrets du 27 mars 2006, 30 janvier 2007 et 18 mars 2008

* 11 Voir le code rural, art. L. 361-6, et l'arrêté du 28 mars 1975 relatif aux conditions d'assurance exigées des agriculteurs pour bénéficier d'une indemnisation du Fonds national de garantie contre les calamités agricoles.

* 12 Données fournies par le rapport du sénateur Dominique Mortemousque (février 2007).

* 13 Le régime de la DPA est défini à l'article L. 72 D bis du code général des impôts.

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