B. ÉCLAIRER LE DÉBAT SUR LA FIXATION DU SMIC PAR DES DONNÉES ÉCONOMIQUES OBJECTIVES
1. La création d'un groupe d'experts
Afin de « dépolitiser » la fixation du Smic, le projet de loi propose d'instituer un groupe d'experts chargé de se prononcer, chaque année, sur le niveau de revalorisation du salaire minimum qui lui paraît opportun. Comme le projet de loi ne remet pas en cause les critères légaux d'indexation du Smic, le groupe d'experts aurait à se prononcer, en pratique, sur l'opportunité ou non d'un « coup de pouce ».
La création de ce groupe d'experts s'inspire d'une recommandation formulée par le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) dans un avis rendu le 6 février 2008. Le COE « e stime qu'il serait utile au Gouvernement et à la CNNC de disposer d'informations enrichies portant notamment sur l'évolution de la productivité, le partage de la valeur ajoutée, la compétitivité des entreprises, l'évolution du salaire minimum dans les pays voisins, la relation salaires/emploi, l'évolution des prix et la structure des salaires . » A cette fin, il suggère de créer « une commission d'experts », composée d'un petit nombre de membres « nommés dans des conditions garantissant leur indépendance et pour une durée suffisante afin de pouvoir disposer d'une vision de moyen terme ».
Le conseil d'analyse économique (CAE), dans un rapport récent 5 ( * ) , reprend cette suggestion de créer une commission d'experts, mais en proposant qu'elle s'intéresse aussi aux minima sociaux.
Le groupe d'experts s'inspire également de l'exemple britannique de la Low Pay Commission , créée en 1997 à l'initiative du gouvernement travailliste. Il convient cependant de préciser qu'il n'existe pas, au Royaume-Uni, de mécanisme légal d'indexation du salaire minimum ce qui constitue une différence importante avec le modèle français.
Le projet de loi, dans sa rédaction initiale, envisageait la création d'une véritable « commission du Smic », qui aurait été mentionnée dans le code du travail. Sur l'initiative du rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, Gérard Cherpion, l'Assemblée nationale a cependant opté pour la création d'un simple « groupe d'experts ». Cette substitution n'a pas qu'une simple portée sémantique : elle exprime l'opposition de l'Assemblée nationale à la création d'une énième instance consultative en matière d'emploi. Il est vrai que de nombreuses structures interviennent dans ce domaine : outre le COE, le CAE et la CNNC déjà mentionnés, il faut citer le conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (Cerc), qui a succédé au conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts. On peut aussi rappeler l'existence du conseil national de l'emploi (CNE), qui sera décliné en conseils régionaux de l'emploi, celle du conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV), qui a certes un champ d'intervention plus restreint, ou bien encore le conseil d'analyse stratégique (CAS), qui peut aussi produire des études en matière d'emploi.
Lors de son audition, le ministre du travail, Xavier Bertrand, a indiqué que le groupe d'experts serait rattaché à une structure existante, avec laquelle il partagerait locaux et secrétariat. Un rattachement au Cerc semble être le choix le plus logique compte tenu de l'organisation et du champ de compétences de cet organisme.
Compte tenu de cet engagement, votre commission est favorable à la création du groupe d'experts, à condition que celui-ci n'ait pas un champ d'investigation trop étendu et se concentre sur la seule question du Smic.
* 5 Rapport du CAE, « Salaire minimum et bas revenus : comment concilier justice sociale et efficacité économique ? », juillet 2008, par Pierre Cahuc, Gilbert Cette et André Zylberberg, p. 43.