B. UNE « ACCÉLÉRATION DE L'HISTOIRE » EN SEPTEMBRE 2008 ET L'EXTENSION DE LA CRISE À L'EUROPE

Le cours des événements s'est accéléré en septembre 2008 avec une intensification de la crise, qui a pris des proportions inédites depuis 1929, et sa propagation rapide en Europe, au Japon et sur certains marchés émergents (Brésil et Russie notamment), à rebours de la thèse sur le « découplage » des cycles de croissance entre pays industrialisés et émergents.

La crise de confiance s'est traduite par une série de phénomènes : un blocage du marché interbancaire associé à la « thésaurisation » des liquidités fournies par les banques centrales, une amplification, selon une logique de « prophétie auto-réalisatrice », de la chute des indices boursiers déconnectée des fondamentaux économiques, et une intervention tout d'abord hésitante, puis de plus en plus étendue et concertée des pouvoirs publics. A mesure que le mal a progressé, les Etats ont pris conscience d'un risque croissant de déstabilisation systémique et du caractère inévitable de leur intervention.

1. La déstabilisation brutale du secteur bancaire américain

Comme en 2007, c'est aux Etats-Unis que la crise a pris une nouvelle dimension. Une crise de liquidité d'une ampleur sans précédent, affectant non plus seulement le marché du crédit hypothécaire mais le refinancement global à court terme des banques, a figé le système bancaire américain puis européen durant les mois de septembre et octobre 2008, en dépit des interventions quotidiennes des banques centrales. De manière inédite, les principales banques centrales ont également diminué conjointement leurs taux directeurs de 50 points de base le 8 octobre 2008.

Les prémices d'un « retour en force » de l'Etat, déjà manifestées par les interventions en faveur de Bear Sterns et Northern Rock, se sont confirmées avec la recapitalisation et la mise sous tutelle par le Trésor américain, le 7 septembre 2008, des organismes de refinancement hypothécaire Freddie Mac et Fannie Mae, qui garantissent 40 % de l'encours des prêts immobiliers américains (soit 5.300 milliards de dollars). La Fed a cependant tenté de rétablir l'« aléa moral » en mettant les opérateurs privés face à leurs responsabilités, ce qui a conduit à laisser la banque Lehman Brothers , quatrième banque d'investissement américaine, faire faillite le 16 septembre 2008.

Après l'acquisition de Merrill Lynch par Bank of America le 15 septembre 2008, seules deux des principales banques d'investissement américaines n'avaient pas disparu ou été rachetées : Morgan Stanley et Goldman Sachs, qui se transformèrent en banques de dépôt et furent donc placées sous la surveillance de la Fed. Afin d'éviter un risque systémique, la Réserve fédérale accorda également un prêt de 85 milliards de dollars à l'assureur AIG ( American International Group ) en échange de sa prise de contrôle par l'Etat fédéral à hauteur de 79,9 %.

Les risques de défaillances en chaîne ont relancé le mouvement de restructuration du secteur bancaire : l'essentiel des actifs de Washington Mutual , une des premières caisses d'épargne américaines, a été cédé à JP Morgan Chase, et Wachovia a successivement fait l'objet d'une offre de rachat de Citigroup puis de Wells Fargo.

Avec le recul des dernières semaines, il apparaît que la faillite de Lehman Brothers a cependant été perçue comme un véritable séisme et a accru l'aversion au risque sur l'ensemble des marchés mondiaux.

2. La propagation de la crise en dépit de multiples mesures nationales d'urgence

La transmission de la défiance et de la crise de liquidité et de solvabilité aux banques européennes a été rapide. La crainte de « dominos » a suscité une très forte volatilité et un mouvement de panique sur les bourses (baisse indifférenciée du cours de toutes les sociétés, sans considération de leur solidité réelle), malgré l'interdiction temporaire des ventes à découvert de titres du secteur financier par les autorités régulatrices des principaux pays. La semaine du 6 au 10 octobre2008 s'est ainsi soldée par un véritable « krach » avec, par exemple, une perte cumulée de 22,4 % pour l'indice français CAC 40.

Les pays industrialisés n'ont cependant pas tous été touchés de la même manière. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, la crise correspond à un problème de sous-capitalisation du système bancaire, mais les réponses se sont voulues pragmatiques quoique distinctes.

Les Etats-Unis s'efforcent ainsi d'éviter, autant que possible, la recapitalisation . Le « plan Paulson » prévoit essentiellement la reprise par les pouvoirs publics d'actifs risqués et laisse largement jouer les mécanismes du marché, avec le rachat des banques en difficultés par leurs concurrents. Le Royaume-Uni réagit, quant à lui, par la recapitalisation de son système bancaire. Northern Rock et Bradford & Bingley ont été nationalisées, et le 8 octobre 2008, le gouvernement britannique a annoncé un plan de recapitalisation du secteur bancaire de 50 milliards de livres. Halifax-Bank of Scotland a néanmoins été rachetée par la Lloyds TSB.

Le « plan Paulson »

Le « plan Paulson », inclus dans l' Emergency Economic Stabilization Act et parfois dénommé TARP ( Troubled Assets Relief Program , soit un « programme d'assistance aux actifs en détresse »), a été adopté par la Chambre des représentants le 3 octobre 2008, après un rejet initial, découlant de l'opposition de la majorité des représentants républicains. Il permet au Trésor américain d'acquérir des actifs aujourd'hui illiquides, jusqu'à 700 milliards de dollars , correspondant à 5 % du PIB des Etats-Unis.

La mise à disposition de cette somme sera faite par étapes : une première tranche de 250 milliards de dollars sera débloquée immédiatement, suivie d'une seconde de 100 milliards de dollars, complétée par une dernière tranche de 350 milliards de dollars, ce déblocage requérant alors l'assentiment du Congrès.

Par ailleurs, le plafond d'indemnisation accordé aux déposants américains a été porté de 100.000 dollars à 250.000 dollars. Pour financer cette augmentation, la capacité d'emprunt de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) auprès du Trésor a été déplafonnée.

Ce plan a été critiqué par de nombreux économistes en ce qu'il ne prévoit pas de recapitalisation directe des banques en difficulté. Il dispose cependant que les institutions financières qui céderont des actifs illiquides au Trésor devront en contrepartie émettre en sa faveur des warrants (c'est-à-dire des titres lui conférant le droit d'acheter des titres pour un prix fixé à l'avance), ce qui permettrait au Trésor de devenir actionnaire des banques secourues.

La crise a même menacé l'économie d'un pays, l'Islande, dont le secteur financier, peu régulé et très endetté, représente une grande part du PIB. Le gouvernement a du nationaliser les trois principales banques, et les inquiétudes sur une possible faillite de l'Etat islandais ont conduit les agences de notation à dégrader sa dette publique, aggravant la crise de change dont la monnaie était victime depuis le début de l'année.

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