III. LES PRÉCONISATIONS DE VOTRE COMMISSION
A. AIDER LES ANOREXIQUES ET LEUR FAMILLES
1. Développer la recherche
a) Le manque de données chiffrées
Remédier à l'absence de données précises et chiffrées doit être le premier moyen d'une prise en charge efficace de l'anorexie. L'étude épidémiologique en cours devra être complétée par un recensement exact des patients traités à l'hôpital puisque, à l'heure actuelle, c'est le nombre d'entrées, et non le nombre de patients, qui est comptabilisé. De même, l'IMC des enfants devrait être calculé lors de l'examen scolaire obligatoire et les données relatives au sous-poids compilées par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé.
Ces études permettront de connaître le nombre de cas d'anorexie, de mesurer l'étendue des comportements de restriction alimentaire et de mesurer le nombre de cas nouveaux. On peut raisonnablement penser que les études conduiront aussi à établir que l'anorexie masculine est plus importante qu'on ne le pense actuellement. Elles contribueront ainsi aux progrès de la recherche.
b) Financer la recherche pluridisciplinaire
Le manque de connaissance sur les causes de l'anorexie empêche, on l'a vu, de trouver un traitement efficace. Le financement de la recherche fondamentale mêlant approche génétique, psychiatrique et psychologique est nécessaire pour qu'on puisse espérer un jour déterminer la part du biologique et de l'environnement dans le développement de la maladie.
Les chercheurs souffrent également de l'absence de fonds pour assurer un suivi des patients traités dans les structures hospitalières après leur sortie. Le laboratoire de l'Inserm rattaché à la Maison de Solenn ne dispose pas à l'heure actuelle des moyens pour faire bénéficier la recherche des connaissances qui pourraient être acquises après la fin du traitement des patients. La durée estimée d'une anorexie, les risques et facteurs de rechute pourraient ainsi être mieux cernés et peut-être, pour ce qui est des risques, prévenus.
2. Favoriser le dépistage
a) En milieu scolaire
Lors des visites médicales obligatoires
Le dépistage de l'anorexie à l'adolescence est insuffisant. Il faut donc que les médecins scolaires soient formés à la détecter, de même que les autres troubles du comportement alimentaire. En ce domaine, un simple calcul de l'IMC devrait permettre de savoir s'il faut s'inquiéter et alerter les parents.
Par des conférences destinées aux parents
Le poids des missions confiées à la médecine scolaire étant immense et malheureusement sans proportion avec les moyens dont elle dispose, il est essentiel d'éveiller l'attention des parents au problème de l'anorexie. Celle-ci est particulièrement difficile à détecter car les pratiques alimentaires anormales sont discrètes (absence des repas en famille ou vomissements) voire masquées par la tendance qu'ont certaines anorexiques à cuisiner pour nourrir abondamment leur entourage. Par ailleurs, l'isolement des anorexiques et leur enfermement dans les pratiques sportives et les études font d'elles des adolescentes modèles aux yeux des parents inconscients de leur souffrance. Pourquoi penser que sa fille et plus encore son fils, est malade alors qu'il est un bon élève, actif et qu'il ne semble pas être entraîné par les phénomènes de groupe qui affectent les autres adolescents de son âge ? A l'inverse, il ne faut pas craindre le pire dès qu'une adolescente souhaite faire un régime ni employer le terme anorexie de manière triviale. Des conférences faites par des spécialistes sont particulièrement utiles pour permettre aux parents de détecter les symptômes et donc d'imposer un traitement médical à leurs enfants malgré les dénégations de ceux-ci concernant leur maladie.
b) Par la formation du corps médical
Généralistes et psychiatres
Un diagnostic précoce est le gage d'une meilleure efficacité du traitement. Pour cette raison, tous les spécialistes auditionnés par votre rapporteure se sont émus de l'absence de formation des médecins généralistes pour détecter les signes de l'anorexie chez les patients et les adresser aux structures adaptées. Il en est de même au sein de la psychiatrie où la maladie reste mal connue et donc mal traitée par ceux qui n'y consacrent pas leur pratique. Ici encore une formation initiale et continue est souhaitable.
La constitution de réseaux pluridisciplinaires
La prise en charge des anorexiques ne peut pas reposer exclusivement sur quelques équipes spécialisées en psychiatrie. Tout un réseau allant du généraliste et du réanimateur au kinésithérapeute doit travailler avec le psychiatre pour permettre la guérison du malade. Un premier réseau doit être constitué au sein de l'hôpital et, après la sortie du malade, un second doit pouvoir se former autour de son lieu de vie. Une meilleure interaction des spécialités est gage d'une meilleure efficacité des traitements.
L'expérience de la Maison de Solenn au sein de l'AP-HP et du Centre Abadie en Aquitaine doit être généralisée. A terme, chaque région devrait pouvoir disposer d'un tel centre de référence combinant traitement de longue durée et hôpital de jour. La capacité de traitement sera accrue d'autant et le manque de soins dès lors un peu réduit. Ces centres constitueront également une source de connaissance pour les praticiens locaux et autant de lieux où les traitements pourront s'élaborer et se perfectionner en interaction entre les centres.