2. Moderniser la fonction législative
Relevant que l'inflation législative, « largement imputable, au demeurant, au Gouvernement », aboutit à des lois trop nombreuses, trop longues, trop peu appliquées et trop souvent modifiées, le Comité propose tout d'abord de mieux préparer la loi.
La préparation du travail législatif
A cette fin, il suggère de déterminer au sein d'une loi organique qui serait mentionnée à l'article 39 de la Constitution, les documents dont devraient être assortis les projets de loi, tels que les études d'impact. Le président ou soixante parlementaires de chaque assemblée pourrait en saisir le Conseil constitutionnel afin de vérifier que ces documents satisfont aux exigences de la loi organique, sous peine de déclarer le projet non déposé (proposition n° 25). Cette proposition n'a pas été retenue au sein du projet de loi constitutionnelle déposé à l'Assemblée nationale .
Le Comité recommande par ailleurs :
- la nomination d'un contrôleur juridique dans chaque ministère (proposition n° 26) ;
- la publicité des avis du Conseil d'Etat sur les projets de loi dont il est saisi (proposition n° 27) ;
- de permettre au président de chaque assemblée de saisir pour avis le Conseil d'Etat sur une proposition de loi avant son examen en commission (proposition n° 28) ;
- de modifier l'article 34 de la Constitution afin d'étendre le champ des lois de programmation déterminant les objectifs de l'action de l'Etat (proposition n° 29).
Le projet de loi constitutionnelle reprend, dans ses articles 11 et 14 , ces deux dernières propositions. Les deux premières ne relèvent pas du niveau constitutionnel. |
Le droit d'amendement
Le Comité présidé par M. Edouard Balladur juge ensuite que le droit d'amendement doit être modernisé, afin de rendre tout son sens à cette prérogative essentielle. Aussi recommande-t-il que la procédure d'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution, relative au respect du domaine de la loi et des habilitations à légiférer par ordonnances, soit complétée, afin de permettre aux présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat d'opposer cette irrecevabilité au même titre que le Gouvernement (proposition n° 30).
Cette proposition est reprise à l' article 15 du projet de loi constitutionnelle. |
Le Comité suggère également :
- de modifier l'article 44 de la Constitution pour interdire au Gouvernement d'introduire par amendement des articles additionnels dans ses propres projets (proposition n° 31) ;
- d'assouplir le mécanisme d'irrecevabilité financière de l'article 40, en l'appliquant aux propositions et amendements des parlementaires qui auraient pour conséquence une diminution des ressources publiques ou une aggravation des charges publiques, et pas seulement « l'aggravation d'une charge publique » (proposition n° 32). Ces deux propositions ne sont pas reprises par le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale .
En outre, sans qu'il soit nécessaire pour cela de modifier la Constitution, le Comité recommande aux assemblées d'organiser de façon concertée les débats sur les textes, en fixant une durée globale de discussion, à l'issue de laquelle il faudrait passer au vote.
Les commissions, au coeur du travail parlementaire
Enfin, le Comité estime que les commissions doivent exercer un rôle accru dans le travail parlementaire. Ainsi, il souhaite que les présidences de commission soient réparties à la proportionnelle des groupes au sein de chaque assemblée (proposition n° 34) 8 ( * ) et que le nombre maximal de commissions permanentes à l'Assemblée nationale et au Sénat soit porté de six à dix (proposition n° 35).
L' article 17 du projet de loi constitutionnelle tend à limiter à huit le nombre de commissions permanentes au sein de chaque assemblée. |
Sans proposer un système d'adoption des lois en commission, le Comité présidé par M. Edouard Balladur suggère que l'essentiel du travail législatif y soit accompli, en développant le recours aux procédures simplifiées.
A cette fin, le Conseil constitutionnel ayant interprété le droit d'amendement comme un droit conféré à tout parlementaire de soumettre ses amendements à la séance plénière de l'assemblée à laquelle il appartient, le Comité propose de modifier l'article 44 de la Constitution, pour préciser que le droit d'amendement s'exerce en séance ou en commission, dans les conditions fixées par le règlement de chaque assemblée (proposition n° 36). Cette proposition est reprise par l' article 18 du projet de loi constitutionnelle déposé par le Gouvernement. |
Le Comité juge essentiel que la discussion des projets de loi en séance publique porte sur le texte adopté par la commission et non sur celui du Gouvernement (proposition n° 37). Cette transformation profonde du travail parlementaire permettrait de donner un caractère plus politique que technique aux débats en séance plénière. Cette procédure ne s'appliquerait cependant pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale, ni aux projets de révision de la Constitution.
Cette proposition, qui suppose une modification de l'article 42 de la Constitution, est reprise à l' article 16 du projet de loi constitutionnelle, qui s'inspire également de la proposition n° 38 du Comité, tendant à prévoir un délai entre le dépôt d'un texte et sa discussion en séance. |
Le Comité souligne que si les rapporteurs n'ont pas actuellement le temps de travailler de façon approfondie, une meilleure organisation du travail est possible, « qui obligerait également le Gouvernement à plus de tempérance normative ». Pour les textes examinés en première lecture, le Comité suggère un délai de deux mois avant la discussion devant la première assemblée saisie, puis d'un mois à compter de sa transmission dans la seconde assemblée saisie. Le projet prévoit respectivement un délai d'un mois et de quinze jours.
Le Comité présidé par M. Edouard Balladur s'est en outre prononcé pour la publicité des auditions des commissions parlementaires, sauf si elles en décident autrement. Il a estimé que cela supposait une modification de l'article 33 de la Constitution (proposition n° 39).
Le projet de loi constitutionnelle ne reprend pas, dans sa version initiale, cette suggestion.
* 8 Cette proposition n'implique pas une modification de la Constitution mais du règlement ou des pratiques des assemblées.