ANNEXE 3 - COMPTES RENDUS DES AUDITIONS EFFECTUÉES PAR LA COMMISSION
Auditions du 21 mai 2008
Présidence de M. Jean-Jacques HYEST, président
M. Enrique Múgica Herzog, Défenseur du
peuple espagnol,
et M. Manuel Garcia Viso, chef de cabinet
M. Jean-Jacques Hyest, président, a tout d'abord indiqué que cette séance ouvrait une série d'auditions sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, précisant que ce texte, qui doit être examiné en commission sur son rapport le 4 juin, prévoit, en son article 31, la création d'un Défenseur des droits du citoyen, largement inspiré du Défenseur du peuple espagnol. Il a ensuite retracé les principales étapes du parcours de M. Enrique Múgica Herzog, soulignant que cet avocat de formation, né dans le Pays basque espagnol, avait été emprisonné pendant deux ans et demi en raison de ses activités antifranquistes, puis avait été ministre de la justice de 1988 à 1991, élu Défenseur du peuple en 2000 puis réélu en 2005.
M. Enrique Múgica Herzog a indiqué que la création, dans la Constitution de 1978, d'un Défenseur du peuple espagnol, chargé, au nom du Parlement, de défendre les droits constitutionnels et de contrôler l'action de l'administration, marquait la volonté du pays de sortir d'une longue période de dictature pendant laquelle les étudiants francophiles, dont il était, observaient avec admiration la « terre de la liberté », de l'autre côté des Pyrénées. Il a souligné que la Constitution avait prévu, en son article 54, de renvoyer à une loi organique, intervenue en 1982, la définition du statut et des modalités de fonctionnement du Défenseur du peuple.
Il a précisé que ce dernier était élu à la majorité des trois cinquièmes de chacune des deux assemblées parlementaires, pour une durée de cinq ans renouvelable, soulignant qu'il était le quatrième Défenseur du peuple et le premier à avoir été réélu. Il a relevé que l'indépendance de l'institution était garantie, d'une part, par l'élection à une majorité qualifiée requérant le soutien des deux principaux partis politiques du pays, d'autre part, par une durée de mandat qui ne coïncide pas avec celle des parlementaires. Il a ajouté qu'une « commission mixte » réunissant des membres de chacune des deux assemblées parlementaires était chargée de faire la liaison entre ces dernières et le Défenseur du peuple.
M. Enrique Múgica Herzog a ensuite présenté les principales compétences du Défenseur du peuple :
- il veille au respect, par les administrations nationales et locales, des droits fondamentaux proclamés dans la Constitution, avec possibilité d'autosaisine ; dans le domaine particulier de l'administration militaire, son intervention ne doit pas avoir pour effet d'entraver « le commandement de la Défense nationale » ;
- s'il reçoit des plaintes portant sur des dysfonctionnements du service public de la justice, il peut saisir soit le ministère public, soit l'équivalent du Conseil supérieur de la magistrature français ;
- il peut saisir le Tribunal constitutionnel s'il estime une loi contraire à certains principes constitutionnels, au même titre que le Président du gouvernement et cinquante parlementaires ;
- il peut présenter une demande d' « habeas corpus » pour permettre à une personne qui s'estime détenue illégalement d'être rapidement présentée à un juge ;
- enfin, s'il constate, à l'occasion de ses enquêtes, que l'application rigoureuse d'une norme provoque des situations injustes ou porte préjudice aux administrés, il peut suggérer à l'administration ou au Parlement une modification de cette norme.
Abordant les moyens matériels et humains de l'institution, M. Enrique Múgica Herzog a précisé, d'une part, que le budget atteignait plus de quinze millions d'euros en 2008, en progression de 4 % par rapport à l'exercice 2007, utilisés à 80 % pour la rémunération du personnel et à 20 % pour les dépenses courantes, d'autre part, que le Défenseur du peuple s'appuyait sur une équipe de 94 collaborateurs diplômés de l'enseignement supérieur, auxquels s'ajoutaient 92 assistants et 60 personnes en charge de fonctions de sécurité et de communication.
M. Enrique Múgica Herzog a enfin souligné que le Défenseur du peuple avait progressivement gagné la confiance de la population espagnole, au départ quelque peu suspicieuse, notamment grâce au soutien des partis politiques, du parlement et du gouvernement qui avaient décidé de réprimer pénalement toute entrave au travail d'investigation de l'institution. Après avoir indiqué que l'afflux de demandes avait obligé l'institution à rationaliser ses méthodes de travail dans un souci d'efficacité, il a conclu en soulignant que la dimension internationale des droits de l'homme rendait nécessaire l'établissement de réseaux transnationaux de coopération et d'échange entre les différents organismes chargés de la protection des droits fondamentaux, citant la fédération ibéro-américaine des Ombudsman et l'association des Ombudsman et Médiateurs de la Francophonie.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a observé que si le projet de loi de révision des institutions prévoyait la création d'un Défenseur des droits du citoyen, la France comptait aujourd'hui de nombreuses institutions chargées de la protection du droit et des libertés fondamentales, citant le Médiateur de la République, créé en 1973, la CNIL, la CNDS, le Défenseur des enfants, la HALDE et le Contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Il a demandé à M. Enrique Múgica Herzog s'il existait en Espagne d'autres institutions que le Défenseur du peuple investies d'une mission de protection du citoyen.
M. Enrique Múgica Herzog a indiqué que le Défenseur du peuple ne partageait cette mission de protection qu'avec les Défenseurs du peuple régionaux, dont la création est la conséquence de la forte décentralisation de l'Etat espagnol.
En réponse à Mme Catherine Troendle, qui l'interrogeait sur les moyens d'action et la capacité d'influence du Défenseur du peuple, M. Enrique Múgica Herzog a fait valoir qu'il pouvait émettre des recommandations et que 60 % d'entre elles étaient suivies d'effet, ce chiffre satisfaisant lui paraissant résulter de la notoriété croissante de l'institution.
M. Manuel Garcia Viso a ajouté que l'administration était tenue de motiver tout refus de suivre les recommandations du Défenseur du peuple.
M. Christian Cointat a souhaité savoir, d'une part, comment le Défenseur du peuple parvenait à faire face à l'afflux de plaintes dont il était saisi, d'autre part, si le rejet de la requête par l'administration ouvrait un droit de recours pour l'administré ou le Défenseur du peuple.
M. Manuel Garcia Viso a précisé que le refus de l'administration n'ouvrait pas de recours spécifique, le requérant pouvant par ailleurs saisir les juridictions dans les conditions de droit commun. Il a également souligné que l'efficacité de l'institution tenait en grande partie à son organisation sectorielle calquée sur celle des ministères.
Après avoir exprimé sa profonde admiration pour l'exemple donné par la démocratie espagnole au cours des dernières décennies, M. Pierre Fauchon a souhaité connaître les secteurs qui généraient le plus de plaintes.
M. Enrique Múgica Herzog a cité les domaines de la santé, de l'urbanisme, de l'environnement, de l'immigration, ainsi que celui des établissements pénitentiaires.
M. Robert Badinter a salué en M. Enrique Múgica Herzog un grand militant des libertés. Il a observé que la compétence du Défenseur du peuple, qu'il a qualifié d'« Ombudsman espagnol avec des pouvoirs étendus », se limitait toutefois aux seules atteintes aux droits fondamentaux. Il a par ailleurs souhaité savoir si le Défenseur du peuple pouvait prononcer des injonctions à l'encontre de l'administration et interrogé M. Enrique Múgica Herzog sur les moyens attribués aux Défenseurs régionaux ainsi que sur les relations entre ces derniers et le Défenseur du peuple.
Après avoir indiqué que les recommandations de l'institution étaient toujours dépourvues de force juridique contraignante, M. Enrique Múgica Herzog a souligné l'absence de relations hiérarchiques entre le Défenseur du peuple et les Défenseurs régionaux, ces derniers transmettant au premier les dossiers d'intérêt national, reçus par erreur. Il a par ailleurs déclaré, à titre d'exemple, qu'une cinquantaine de personnes travaillaient au sein de l'institution du Défenseur du peuple catalan.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, saluant à son tour le parcours de M. Enrique Múgica Herzog, a souhaité savoir quels types d'atteintes au droit à la santé pouvaient être considérés comme des violations de droits fondamentaux, relevant de la compétence du Défenseur du peuple. Elle s'est par ailleurs demandé si un citoyen avait le droit de saisir en même temps les deux niveaux - local et national - de protection et ce qu'il advenait en cas de divergence de vues des deux institutions sur un même dossier.
M. Enrique Múgica Herzog a souligné que le droit à la santé étant un droit fondamental reconnu par la constitution espagnole, le champ d'intervention du Défenseur du peuple couvrait toutes les violations de ce droit, quelle que soit leur importance. Il a ajouté que le Défenseur du peuple organisait chaque année des réunions de coordination avec les Défenseurs régionaux pour harmoniser les positions sur les dossiers communs.
M. Jean-Jacques Hyest, président, a noté que l'existence de la commission mixte parlementaire devait favoriser les échanges entre l'institution et les parlementaires. Il s'est demandé si le Défenseur du peuple faisait un usage actif de la faculté de saisir le Tribunal constitutionnel et si ce dernier donnait souvent droit aux demandes ainsi présentées par l'institution.
M. Manuel Garcia Viso a répondu que sur les vingt-et-un recours introduits par le Défenseur du peuple depuis l'origine, huit avaient été reconnus fondés par le Tribunal constitutionnel, six totalement et deux partiellement.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président, M. Manuel Garcia Viso a précisé que le Défenseur du peuple ne disposait pas de pouvoirs de nomination. Il a enfin souligné que les parlementaires n'avaient pas à voter sur les recommandations formulées par l'institution, mais pouvaient simplement débattre en séance plénière à l'occasion de la publication de son rapport annuel d'activité.
Auditions du 27 mai 2008
Présidence de M. Jean-Jacques HYEST, président
M. Jean-Pierre
Duprat
,
professeur de droit public à
l'université Montesquieu-Bordeaux IV
La commission a tout d'abord procédé à des auditions ouvertes à l'ensemble des sénateurs sur le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
A titre liminaire, M. Jean-Pierre Duprat a indiqué que le projet de loi constitutionnelle, texte dense et foisonnant, opérait la réforme la plus large qu'aient connue les institutions de la Ve République et amorçait une lente évolution vers un régime présidentiel.
Il a regretté que le choix de suivre l'ordre formel des articles de la Constitution nuise à l'intelligibilité de cette réforme.
Il a relevé quelques contradictions, comme le fait de permettre au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni en Congrès, suivant l'exemple américain, tout en maintenant son droit de dissolution de l'Assemblée nationale.
Il a estimé que le projet de loi constitutionnelle fragilisait l'institution du Premier ministre, déjà mise à mal par la réduction à cinq ans de la durée du mandat du Président de la République en 2000, en affaiblissant les instruments du parlementarisme rationalisé.
M. Jean-Pierre Duprat a ensuite centré son propos sur les dispositions du projet de loi constitutionnelle relatives au Parlement, en distinguant celles relatives à l'identité de chacune des deux assemblées de celles relatives à leurs compétences.
Abordant le premier volet des dispositions proposées, il a jugé nécessaire de maintenir une distinction nette entre l'Assemblée nationale et le Sénat, en faisant valoir que les exemples de la Belgique et de l'Italie illustraient les difficultés susceptibles de naître lorsque les deux chambres qui composent le Parlement présentent de trop fortes similitudes sur le plan institutionnel et ont des majorités discordantes sur le plan politique.
S'agissant de l'Assemblée nationale, il s'est félicité de ce que l'article 10 du projet de loi constitutionnelle impose un redécoupage périodique des circonscriptions, accompagné d'un réexamen de la répartition des sièges qui leur sont attribués, et de la soumission des projets ou propositions ayant cet objet à l'avis public d'une commission indépendante, dont la loi fixerait les règles d'organisation et de fonctionnement.
S'agissant du Sénat, il a relevé que l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, en prévoyant que celui-ci assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », était en retrait par rapport aux conclusions du comité présidé par M. Edouard Balladur, aux termes desquelles cette représentation devait être assurée « en fonction de leur population ».
Il a jugé prématurées les dispositions de la proposition de loi socialiste relative aux conditions de l'élection des sénateurs prévoyant la création d'un collège des délégués des régions et d'un collège des délégués des départements, en sus du collège des délégués des communes, au motif que l'organisation territoriale de la République était en passe d'être restructurée.
Estimant que l'héritage de la IIIe République devait être pris en considération, il a relevé que la proposition de loi, en augmentant sensiblement le nombre des délégués des grandes villes, prenait l'exact contre-pied du souhait de Léon Gambetta, attaché au fédéralisme municipal, que chaque commune fût représentée par un délégué. La question du nombre et du mode de désignation des délégués des communes lui a toutefois semblé essentielle.
L'enjeu et la difficulté de la réforme du collège électoral sénatorial, a-t-il souligné, consistent à trouver un équilibre entre le principe de la représentation des collectivités territoriales et celui de l'égalité du suffrage, permettant d'éviter d'aligner la composition du Sénat sur celle de l'Assemblée nationale.
Il a estimé que l'institution de députés représentant les Français établis hors de France devrait conduire à prévoir que le Sénat n'assure plus que la représentation des collectivités territoriales.
Evoquant les dispositions du projet de loi constitutionnelle consacrées aux compétences du Parlement, M. Jean-Pierre Duprat a regretté que l'évaluation des politiques publiques, distincte de la mission traditionnelle de contrôle de l'action du gouvernement, ne fasse pas partie de ses nouvelles attributions. Il a appelé de ses voeux la création d'un office commun aux deux assemblées, auquel cette mission serait confiée, et qui serait un donneur d'ordres pour la Cour des comptes.
Il a également souhaité que la plus grande maîtrise de leur ordre du jour donnée aux assemblées ne les conduise pas à réduire la part de leur activité consacrée à leur mission de contrôle de l'action du gouvernement, dénonçant à cet égard les conséquences négatives de la révision constitutionnelle de 1995.
Il a souhaité que le Parlement, dans son ensemble, se préoccupe davantage, à l'instar du Sénat, de la qualité de la loi et procède régulièrement à une évaluation de la législation, la question étant posée de savoir si cette tâche devrait être menée conjointement avec l'évaluation des politiques publiques ou, au contraire, en être dissociée.
Evoquant la composition du collège électoral sénatorial, M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a relevé une contradiction entre les dispositions de l'article 9 du projet de loi constitutionnelle, qui reprennent les termes exacts de la décision n° 2000-431 DC du 6 juillet 2000 du Conseil constitutionnel pour prévoir que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de leur population », et la rédaction de l'exposé des motifs du projet, selon laquelle leur objet serait de surmonter les contraintes résultant de cette décision.
A propos de la mission d'évaluation qui pourrait être confiée au Parlement, il a rappelé que la création, en 1996, d'un office parlementaire d'évaluation des politiques publiques et d'un office parlementaire d'évaluation de la législation n'avait pas été couronnée de succès, le premier ayant été finalement supprimé faute d'avoir réellement fonctionné, le second n'ayant à ce jour produit que trois rapports, respectivement consacrés à l'exercice de l'action civile par les associations, à la législation applicable en matière de prévention et de traitement des difficultés des entreprises et, plus récemment, aux autorités administratives indépendantes.
Ces expériences ayant montré que les offices bicaméraux pouvaient être difficiles à animer, il s'est demandé s'il ne serait pas préférable, comme aujourd'hui, de laisser aux commissions permanentes de chaque assemblée le soin de mener des travaux d'évaluation dans le cadre de groupes de travail ou de missions d'information, en faisant appel en tant que de besoin à des experts. L'apport du projet de loi constitutionnelle ne lui a donc pas semblé décisif sur ce point.
M. Patrice Gélard a rappelé que le mode de scrutin applicable à l'élection des sénateurs ne relevait pas du domaine de la Constitution.
Il s'est par ailleurs déclaré hostile à l'immixtion dans le travail parlementaire d'organismes, tels la Cour des comptes ou le Conseil d'Etat, ayant le désir de s'intégrer dans les institutions et de devenir les conseillers, les tuteurs, voire les censeurs du Parlement.
M. Jean-Pierre Duprat a précisé que, dans son esprit, d'une part le Parlement devait se garder de toute approche technocratique de l'évaluation des politiques publiques, d'autre part, la Cour des comptes devait demeurer une instance extérieure aux assemblées, celles-ci pouvant faire appel en tant que de besoin à son expertise sans être en aucun cas placées sous sa tutelle.
Il lui a semblé qu'un office bicaméral présenterait le double avantage d'être plus fort pour engager un dialogue avec la Cour des comptes et d'être plus économe des deniers publics.
Enfin, il a réaffirmé que la réforme de la composition du collège électoral sénatorial devrait reposer sur un compromis entre le principe de la représentation des collectivités territoriales, qui fonde la spécificité du Sénat par rapport à l'Assemblée nationale, et celui de l'égalité du suffrage, qui répond à un impératif démocratique. A cet égard il a relevé que la désignation de délégués supplémentaires parmi les électeurs des collectivités territoriales se heurtait actuellement à l'exigence constitutionnelle d'un collège électoral majoritairement composé d'élus locaux et que la désignation de délégués supplémentaires parmi les conseillers municipaux des communes dont tous les élus ne sont pas grands électeurs aurait pour conséquence de rompre le lien entre ces derniers et les territoires qu'ils représentent.
Citant les propos tenus par le général de Gaulle lors d'une conférence de presse organisée en 1964, M. Jean-René Lecerf a observé que l'affaiblissement du Premier ministre dans les institutions de la Ve République n'était pas récent. Il s'est demandé si le projet de loi constitutionnelle n'aurait pas pour effet de revaloriser son rôle, dans la mesure où la limitation des possibilités de recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, ou encore le partage de la maîtrise de l'ordre du jour entre les assemblées et le gouvernement, en rendant la négociation nécessaire, donneraient au chef du gouvernement de nouvelles marges de manoeuvre.
M. Jean-Pierre Duprat a estimé que l'influence du Premier ministre était et demeurerait tributaire des configurations politiques, mais que l'affaiblissement des instruments du parlementarisme rationalisé, notamment la limitation des possibilités de recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, lui rendrait plus difficile d'affirmer son autorité sur les parlementaires de sa majorité.
M. Jean-Claude Colliard,
professeur à
l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne,
ancien membre du
Conseil constitutionnel
M. Jean-Claude Colliard s'est tout d'abord réjoui que le projet de loi de révision des institutions n'ait pas retenu les propositions du comité Balladur portant sur la redéfinition des rapports entre le Président de la République et le Premier ministre, jugeant peu utile de chercher à consacrer dans la Constitution la pratique politique.
Il s'est déclaré très favorable aux dispositions du projet de loi relatives, d'une part, aux garanties nouvelles accordées aux citoyens, en particulier à travers l'exception d'inconstitutionnalité, d'autre part, à la revalorisation du rôle des assemblées, notant que l'avènement du fait majoritaire à partir de 1962 rendait souhaitable l'assouplissement de la rationalisation du parlementarisme.
Il s'est ensuite montré sceptique sur l'apport de l'amendement, adopté par les députés, tendant à permettre au Président de la République de prendre la parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès, mais prévoyant que sa déclaration peut donner lieu à un simple débat hors sa présence qui, de surcroît, ne fait l'objet d'aucun vote. Il s'est en outre demandé si ce nouveau droit d'expression du chef de l'Etat, susceptible de traduire une forte impulsion politique, n'était pas contraire à son rôle d'arbitre, posé à l'article 5 de la Constitution.
Abordant la question de l'encadrement du pouvoir de nomination du Président de la République, il a indiqué que la seule perspective d'une audition par des commissions parlementaires pouvait faire reculer un candidat peu motivé ou peu compétent pour la fonction.
Il a ensuite souligné que le fait de modifier l'article 42 de la Constitution afin que la discussion des textes de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission constituait une évolution majeure de nature à renforcer considérablement le rôle de la majorité parlementaire. Il a jugé raisonnables les exceptions envisagées à ce principe pour les projets de révision constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale.
Après avoir relevé que le partage de l'ordre du jour entre le gouvernement et le parlement donnerait également plus de poids à la majorité parlementaire, il s'est réjoui de la perspective de restreindre les possibilités de déclaration de l'urgence, notant que les lois adoptées selon cette procédure comportaient souvent des « malfaçons ».
Abordant les nouvelles modalités de saisine du Conseil constitutionnel par voie d'exception, il a indiqué que cette réforme permettrait de mettre fin au paradoxe qui veut qu'un citoyen est aujourd'hui mieux protégé devant une juridiction ordinaire par des textes internationaux que par la Constitution de son pays. Cette évolution lui a paru militer en faveur d'une juridictionnalisation du Conseil constitutionnel. Il s'est déclaré perplexe quant aux mécanismes de renvoi prévus par le projet de loi, estimant que le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pourraient devenir les véritables juges de la constitutionnalité des lois et s'interrogeant ainsi sur l'opportunité de prévoir un « droit d'évocation » de certains dossiers par le Conseil constitutionnel.
S'agissant de l'évolution éventuelle du corps électoral du Sénat, M. Jean-Claude Colliard a indiqué que le Conseil constitutionnel ayant considéré, dans une décision du 6 juillet 2000, que le collège électoral devait être essentiellement composé de conseillers municipaux et non de délégués, seule une modification de la Constitution pouvait permettre de revenir sur cette jurisprudence.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, s'est interrogé sur l'opportunité de limiter le recours à l'article 49-3 de la Constitution, notant que cet outil constituait une arme de dissuasion très utile pour faire adopter des textes lorsque les majorités à l'Assemblée nationale sont étroites.
M. Jean-Claude Colliard, rappelant que le comité Vedel avait renoncé, en 1993, à proposer une tel encadrement du recours à l'article 49-3, a jugé peu satisfaisant le critère retenu pour le mettre en oeuvre, à savoir une limitation aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale ainsi qu'à un autre projet ou une proposition de loi par session.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, M. Jean-Claude Colliard s'est félicité de la perspective d'introduction dans la Constitution d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception ainsi que de la possibilité, pour le Conseil constitutionnel, de moduler dans le temps les effets de ses décisions de non-conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution.
M. Patrice Gélard a rappelé qu'il avait déposé le 16 mars 2000 une proposition de loi tendant à permettre à soixante parlementaires de saisir le Conseil constitutionnel a posteriori et s'est demandé si le projet de loi de révision des institutions n'offrait pas l'opportunité d'instituer cette nouvelle voie de recours.
M. Jean-Claude Colliard a craint, d'une part, que cette voie de recours ne fasse double d'emploi avec le contrôle par voie d'exception prévu par le projet de loi, d'autre part, qu'elle ne soit dévoyée par certains parlementaires.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la proposition de loi du groupe socialiste relative aux conditions de l'élection des sénateurs devant être examinée par la commission le lendemain, s'est demandé s'il n'était pas possible de modifier le collège électoral des sénateurs sans réviser l'article 24 de la Constitution, par exemple en faisant appel à d'autres élus non membres du collège.
M. Jean-Claude Colliard a indiqué que cette solution présentait l'inconvénient de faire entrer, dans certains cas, des élus locaux dans le collège électoral d'un département voisin.
Après avoir relevé que le comité Balladur avait proposé de modifier l'article 24 de la Constitution afin de prévoir que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République « en fonction de la population », alors que le projet de loi retenait l'expression « en tenant compte de leur population », M. Bernard Frimat a souhaité connaître la position de M. Jean-Claude Colliard sur ces différences de rédaction. Il a par ailleurs déclaré que le renforcement du rôle du Parlement devait avoir comme corollaire de permettre l'alternance politique au Sénat.
M. Jean-Claude Colliard a jugé lui aussi souhaitable la possibilité d'alternance au Sénat et indiqué que le corps électoral de ce dernier, et donc sa composition, ne pourrait évoluer significativement sans une modification de l'article 24 de la Constitution, jugeant que l'expression « en fonction de la population » paraissait plus favorable à une modification profonde du collège électoral que la formule « en tenant compte » reprise de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000.
M. Michel Verpeaux,
directeur du centre de
recherche en droit constitutionnel
de l'université Paris I
Panthéon-Sorbonne
Puis elle a entendu M. Michel Verpeaux, directeur du centre de recherche en droit constitutionnel de l'université Paris I Panthéon-Sorbonne, qui a proposé de répondre directement aux questions des sénateurs, M. Jean-Claude Colliard ayant été invité à assister à cette audition.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, qui l'interrogeait sur la détermination de la notion d'opposition pour l'application des articles 1er et 24 du projet de révision constitutionnelle, M. Michel Verpeaux a tout d'abord indiqué que la formule retenue pour reconnaître des droits particuliers aux partis et groupements politiques de l'opposition (art. 1er), était tellement large qu'elle lui semblait valoir pour l'ensemble des organes politiques, y compris locaux. L'intérêt de cette disposition, ainsi que de celle proposée par l'article 24 du projet pour les droits respectifs des groupes parlementaires de la majorité et de l'opposition, dépendait de l'objectif poursuivi : utiles, selon lui, dans le cadre d'un système bipartisan, dangereuses et sclérosantes dans un système plus ouvert.
Répondant à l'interrogation du rapporteur sur les conséquences de la substitution, pour l'examen en séance plénière, du texte adopté par la commission à celui du projet du gouvernement ou du texte transmis par l'autre assemblée (article 16 du projet), M. Michel Verpeaux a considéré que si le débat avait réellement lieu en commission, si le gouvernement devait y défendre son texte, l'intérêt du travail en séance plénière diminuerait, tout en reliant cette disposition nouvelle à l'augmentation du nombre de commissions permanentes également proposée par le projet.
Abordant l'institution du défenseur des droits des citoyens introduite par l'article 31 du projet, M. Michel Verpeaux, après avoir replacé l'origine de cette création dans la constitutionnalisation voulue, à juste titre selon lui, du Médiateur de la République, s'est interrogé sur le périmètre d'intervention de cette nouvelle institution et a estimé que le constituant devait clairement en fixer les missions.
Il a ensuite salué la mise en place, par l'article 26 du projet, de l'exception d'inconstitutionnalité, qui lui paraissait de nature à endiguer, au profit de la Constitution, le contrôle juridictionnel aujourd'hui opéré au regard des conventions internationales. Pour lui, cependant, restait le problème de la saisine, dans ce cadre, du Conseil constitutionnel, réservée -par le projet- aux deux seules juridictions suprêmes : il a exprimé sa crainte d'un filtrage sévère du Conseil d'Etat et de la Cour de cassation, qui minorerait le rôle du Conseil constitutionnel. Il a suggéré d'attribuer aux collectivités territoriales la faculté d'activer l'exception pour certains textes.
En réponse à M. Bernard Frimat qui avait, en outre, exprimé sa crainte du délitement du rôle plénier des assemblées en matière législative, M. Michel Verpeaux est convenu avec M. Jean-Claude Colliard que le Sénat devrait disposer du temps nécessaire pour examiner le projet de révision constitutionnelle, tout en regrettant la longueur du délai écoulé entre la remise du rapport du comité présidé par l'ancien Premier ministre, M. Edouard Balladur, et le dépôt du projet de loi constitutionnelle sur le bureau de l'Assemblée nationale.
A M. Robert Badinter qui, après un rappel du projet inabouti de 1990, avait estimé que l'exception d'inconstitutionnalité lui paraissait alors de nature à favoriser l'imprégnation de la culture du respect des droits fondamentaux au sein des juridictions, M. Michel Verpeaux a considéré que, depuis, cette préoccupation avait pénétré les juridictions inférieures, au moins de l'ordre administratif. Plus qu'une exception d'inconstitutionnalité, la proposition soumise au Parlement lui apparaissait comme une question préjudicielle. Il a poursuivi en relevant que le contrôle de conventionnalité était opéré spontanément par le juge, à tous les niveaux, alors que le contrôle de constitutionnalité par exception, tel que proposé par le projet, constituait un système, par filtrage, beaucoup plus rigide, de nature à en décourager l'exercice. M. Jean-Claude Colliard a ajouté qu'il comprenait parfaitement l'instauration d'un filtre, mais qu'il s'interrogeait sur son exercice futur par le Conseil d'Etat qui tendait à s'ériger en gardien naturel des lois et qui, dans sa mission de conseiller du gouvernement, aurait déjà examiné les lois en cause, préalablement à leur dépôt sur le bureau des assemblées.
Enfin, M. Michel Verpeaux a qualifié la présence du ministre de la justice aux séances non disciplinaires du Conseil supérieur de la magistrature, de bizarrerie dénuée de sens au regard de la suppression -proposée par l'article 28 du projet- de la présidence dudit Conseil par le Président de la République.
Il a, en outre, observé que les conditions de saisine du Défenseur des droits des citoyens n'étaient pas réglées par le projet.
Mme Elisabeth Zoller,
professeur à
l'université de Paris II,
directrice du centre de droit
américain
La commission a conclu cette série d'auditions en entendant Mme Elisabeth Zoller, professeur à l'université de Paris II, directrice du centre de droit américain.
Après l'intervention de M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, qui avait souligné l'intérêt d'un éclairage du droit américain au regard des multiples références à la Constitution d'outre-Atlantique mentionnées dans le débat constitutionnel en cours, Mme Elisabeth Zoller, a centré son propos liminaire sur deux dispositions du projet inspirées directement, selon elle, des Etats-Unis -le droit de message du président de la République et l'exception d'inconstitutionnalité- tout en soulignant qu'elles n'étaient pas les seules. Elle a, ainsi, cité la limitation à deux du nombre de mandats consécutifs du président de la République (tout en rappelant qu'elle avait été adoptée aux Etats-Unis contre Franklin Roosevelt, « coupable », en étant réélu pour un quatrième mandat, d'avoir rompu avec la tradition inaugurée par George Washington), l'intervention des commissions parlementaires dans l'exercice du pouvoir de nomination du président de la République, la limitation de la durée des pouvoirs exceptionnels de l'article 16 par l'intervention du Conseil constitutionnel (le Congrès américain devant reconduire les pouvoirs de guerre du président 60 jours après le début des hostilités), le droit de grâce du président de la République (comparable à celui de son homologue américain), la suppression de la responsabilité du Premier ministre en matière de défense nationale (qui élève le président de la République au rang de commandant en chef dans le droit fil de la Constitution américaine).
Abordant l'article 7 du projet relatif au droit de message présidentiel, le professeur Elisabeth Zoller a précisé la substance du message américain qui se décompose en deux clauses portant respectivement sur l'état de l'Union puis les recommandations. Pour la première, elle a rappelé que le président américain est tenu d'informer le Congrès (dans l'esprit de ses concepteurs, pour écarter le risque de dislocation de la Nation), selon une périodicité minimale annuelle (plusieurs présidents ayant recouru au message à un autre moment de l'année). Cette pratique, abandonnée par crainte de « dérive monarchique », avait été relancée par Woodrow Wilson, en 1913, et respectait, dans sa première partie, une règle de neutralité, par l'énoncé de seuls faits objectifs, réservant la seconde partie du message aux recommandations que le président estimait nécessaires et opportunes d'exposer. Cette seconde clause obéissait elle-même à deux principes : anti-monarchique, tout d'abord, (le juge Douglas avait défini, en 1952, le rôle du président comme un pouvoir de recommander, celui de légiférer revenant au Congrès ; par ailleurs, le président, pour les constituants, ne devait être qu'un conseiller du Congrès). Mme Elisabeth Zoller a indiqué que les recommandations ne revêtaient, en théorie, qu'un caractère exhortatif mais qu'elles avaient, en pratique, une portée considérable.
Elle a, ensuite, abordé le second principe, de réalité, en soulignant que la clause de recommandation avait modifié en profondeur la présidence américaine, et en relevant qu'aujourd'hui les membres du Congrès, eux-mêmes, admettaient que les projets de loi étaient rédigés par l'exécutif et transmis, de manière informelle, au Congrès : le président était, donc, devenu un législateur en chef. Toutefois, Mme Elisabeth Zoller a précisé que, s'il participait de façon prépondérante à la préparation des textes législatifs, le Congrès en était totalement maître lors de leur examen, ce qui générait des négociations incessantes entre les parlementaires et le président.
Revenant à la réforme soumise à l'examen du Parlement, elle a considéré que la modification du droit de message opérée par le projet, entrainait un profond changement institutionnel qu'elle a qualifié de changement de régime, par l'érection du président français en législateur en chef et chef de parti, et la disparition, de ce fait, de sa fonction d'arbitrage. Mme Elisabeth Zoller a noté, à cet égard, que le système américain échappait à ce dilemme, notamment par l'absence, au bénéfice du président, de fonction d'arbitrage et de droit de dissolution du Congrès.
Rappelant que le mérite attribué au quinquennat résidait dans la garantie supposée de concordance des mandats exécutif et législatif, Mme Elisabeth Zoller a affirmé que la modification de l'institution présidentielle ainsi proposée par le projet de révision sans diminuer ses pouvoirs actuels d'arbitrage et de direction du travail du Parlement, par gouvernement et Premier ministre interposés, basculerait le régime de la Ve République dans un système consulaire. Elle a confirmé ce retour, en l'état, à la Constitution de l'An VIII, en réponse à M. Pierre-Yves Collombat. Elle a ajouté, qu'à supposer son affirmation fausse, la cohabitation d'un président législateur en chef et d'une assemblée politiquement hostile conduirait à une crise de régime. Elle a conclu, sur ce point, à la probabilité que le droit de message « rénové » du président français produise les mêmes conséquences qu'aux Etats-Unis et donc appelé à la mise en place des poids et contrepoids du système américain, notamment pour encadrer le pouvoir de nomination du président afin d'éviter les excès partisans.
Abordant l'exception d'inconstitutionnalité, Mme Elisabeth Zoller a remarqué que le projet de révision intégrait le système américain au prix de deux aménagements, inexistants, sous cette forme, aux Etats-Unis : l'institution d'un filtre, tout d'abord, qui lui apparaissait indispensable sauf à noyer le système. Elle a rappelé la particularité du système américain : en cas de rejet d'une requête par la Cour suprême, l'affaire a déjà été jugée au fond une fois au moins, de sorte que le refus de la Cour signifie son accord avec la solution retenue par la juridiction inférieure ; une réponse a donc déjà été apportée au plaignant. En revanche, selon le projet soumis au Parlement, la question étant préjudicielle, le juge saisi au fond ne pourrait pas la trancher lui-même. La crainte de multiples mécontentements lui a paru probable, le plaideur s'estimant victime d'un déni de justice et d'un procès inéquitable.
Mme Elisabeth Zoller a ensuite considéré que les effets assignés par le texte à la déclaration d'inconstitutionnalité, c'est-à-dire l'abrogation de la disposition litigieuse, créeraient une difficulté en imposant la solution du tout au rien (contrairement au système américain qui annule, en principe, la loi en cause, pour le cas d'espèce). Elle a estimé que, ce faisant, le projet plaçait très haut la barre d'inconstitutionnalité dans la mesure où le plaignant ne triompherait que s'il démontrait qu'il n'existait pas une seule circonstance dans laquelle la loi serait valable. Elle a, en conséquence, affirmé que la réforme proposée serait rapidement perçue comme un artifice juridique, voire un marché de dupes.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, Mme Elisabeth Zoller a indiqué qu'aucun débat ne suivait le message sur l'Etat de l'Union aux Etat-Unis mais qu'une réponse était généralement apportée par un membre de l'opposition par médias interposés comme lors de l'intervention traditionnelle du président, à la télévision, chaque fin de semaine.
En ce qui concerne les effets de l'exception d'inconstitutionnalité, Mme Elisabeth Zoller a indiqué que la Cour suprême, lorsqu'il s'agissait de dispositions constitutionnelles, pour elle, fondamentales, notamment celles du premier amendement consacré aux libertés religieuse et d'expression, décidait l'invalidation totale de la loi contestée. Elle a ajouté que des règles précises commandaient la saisine de la Cour.
A M. Robert Badinter qui contestait la référence américaine à l'introduction, en France, de l'exception d'inconstitutionnalité, laquelle complétait seulement, selon lui, la spécificité française du contrôle a priori et abstrait, Mme Elisabeth Zoller a répliqué que le système européen était adapté mais inspiré des institutions américaines, convenant que le processus français était propre au génie français.
Auditions du 28 mai 2008
Présidence de M. Jean-Jacques HYEST, président
M. Edouard Balladur
,
ancien
Premier ministre
,
Président du Comité de
réflexion
et de proposition sur la modernisation et le
rééquilibrage
des institutions de la
V
e
République
Enfin, la commission a procédé à l'audition, ouverte à l'ensemble des sénateurs, de M. Edouard Balladur, ancien Premier ministre, Président du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République.
M. Edouard Balladur a, tout d'abord, traité la question de la répartition des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier ministre.
Il a rappelé que le Comité de réflexion avait proposé d'attribuer au Président la définition de la politique de la Nation, en en réservant la conduite au Premier ministre. Il a précisé que cette disposition n'avait pas été retenue par le gouvernement au motif curieusement invoqué de difficultés supplémentaires en période de cohabitation.
Il a énoncé la proposition du Comité pour la répartition des responsabilités entre les deux têtes de l'exécutif en matière de défense. Rappelant qu'actuellement, le Président de la République est le chef des armées et le Premier ministre, le responsable de la défense nationale, M. Edouard Balladur a évoqué l'usage constitutionnel établi, sous la Ve République, à l'instigation du général de Gaulle, en fortifiant la notion de chef des armées. Il a noté que le régime de Vichy, en organisant le procès des responsabilités politiques de la défaite de 1940, avait fait comparaître, devant la Cour de Riom, les anciens présidents du conseil, les anciens ministres de la défense, mais aucun Président de la République. Le Comité avait, donc, proposé de confier au Premier ministre la seule mise en oeuvre des décisions prises en matière de défense nationale : reprise dans le texte du projet, cette idée avait été rejetée par l'Assemblée nationale en raison de l'irresponsabilité, devant elle, du Président. Il s'agissait là, selon l'ancien Premier ministre, du point essentiel sur lequel le comité n'a pas été suivi.
Il a souligné que le rapport avait été adopté à l'unanimité des membres du Comité, y compris ceux ayant exprimé des opinions particulières.
Abordant les limitations proposées à l'usage du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution (engagement de la responsabilité du gouvernement sur le vote d'un texte), M. Edouard Balladur a remarqué que le projet de loi constitutionnelle le limitait en fait à trois usages annuels (projet de loi de finances, projet de loi de financement de la sécurité sociale plus un autre texte dans l'année). Il a constaté qu'en 50 ans, cet article avait été invoqué un peu plus de 80 fois alors que sur la même période, les critères du projet de révision en aurait permis 150 applications. Il a considéré que cette disposition n'avait pas été excessivement utilisée, notant qu'elle l'avait été pour dix projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale. Il a conclu que le projet ne privait donc pas le gouvernement des moyens de gouverner.
Evoquant le parlementarisme rationalisé mis en place sous la Ve République, M. Edouard Balladur a remarqué que le Président de la République était d'autant plus fort que le régime, lui attribuant le droit de dissolution, dérivait vers un système bipartisan.
Il a rappelé que le souci du Comité -et l'inspiration générale de son rapport- était de parvenir à un système politique équilibré, réservant plus de place au Parlement.
L'ancien Premier ministre a ensuite estimé que le non-décompte du temps de parole du Président de la République dans les médias audiovisuels, constituait un problème dans la mesure où le Président, quel qu'il soit, chef suprême, pouvait intervenir sans droit de réponse organisé. Cependant, il lui semblait difficile de l'agréger à l'un des trois tiers existant en la matière (gouvernement, majorité, opposition), observant que si ses interventions étaient imputées à la part gouvernementale, elle diminuerait d'autant la parole du Premier ministre. Il a donc proposé que l'intervention du Président de la République ouvre un droit de réponse aux forces politiques de la majorité et de l'opposition. Il lui a semblé que, dans ces conditions, le système serait parfaitement acceptable. S'interrogeant sur la possibilité de distinguer les interventions régaliennes du Président des autres, il a conclu sur la place majeure occupée par lui sur la scène politique et, en conséquence, à la nécessité de permettre la réponse des autres acteurs.
Evoquant la question des modes de scrutin, M. Edouard Balladur a remarqué que le Sénat avait constitué une force d'opposition, de centre gauche, au cours des quinze premières années de la Ve République puis, les forces politiques imprégnant le paysage local, elles avaient progressivement envahi le Sénat, d'abord au profit de l'UDF, puis de celui du RPR. Il a noté que la réduction du mandat sénatorial à 6 ans raccourcissait le délai d'impact des élections locales sur la composition de la Haute assemblée.
Il a rappelé que le Comité avait, dans son rapport, préconisé d'établir la représentation des collectivités territoriales par le Sénat en fonction de leur population alors que le projet présenté par le gouvernement proposait qu'elle s'exerce en en tenant compte.
M. Edouard Balladur a souligné que la détermination des droits de l'opposition et de la majorité impliquait la recherche d'un critère les définissant. Il a approuvé le principe sénatorial basé sur l'effectif de chacun des groupes parlementaires.
A M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, qui observait que le véritable contrôle de l'action du gouvernement résidait dans l'évaluation, dans le temps, des résultats ou des difficultés d'application des lois votées, l'ancien Premier ministre en est convenu, laissant aux assemblées la responsabilité du choix des moyens, qu'ils leur soient internes ou qu'elles s'adjoignent des organismes extérieurs. Il a affirmé qu'il n'était pas dans l'intention du Comité d'opérer leur dessaisissement au profit de la Cour des comptes.
A M. Jean-René Lecerf, qui l'interrogeait sur la présidentialisation pouvant résulter du projet de révision, M. Edouard Balladur a affirmé que le renforcement des droits du Parlement affaiblissait le Premier ministre, mais également le Président de la République, citant à ce propos les procédures de nomination et l'intervention des forces armées à l'étranger qui, jusqu'à présent, relevaient, selon l'usage, de la décision du Président en dernier ressort, sauf en période de cohabitation.
Pour l'ancien Premier ministre, il était indispensable de rééquilibrer au profit du législatif, des institutions -établies par réaction à celles de la IVe République-, qui assuraient une prédominance excessive de l'exécutif.
M. Pierre Fauchon a estimé que la séparation des pouvoirs n'était plus assurée pour des motifs qui tenaient autant aux moeurs qu'aux textes comme l'élection du Président de la République au suffrage universel. Il a approuvé la révision tout en se déclarant sceptique sur l'efficacité de ses résultats. Il a conclu à l'instauration d'un régime présidentiel, seul apte, selon lui, à revitaliser les institutions.
M. Edouard Balladur, partisan du même choix, a noté que le régime actuel, hybride, était d'un maniement très délicat. Il ne voyait pas, cependant, en quoi le projet de révision constituerait un pas vers un régime présidentiel, même s'il convenait que le Parlement détiendrait des pouvoirs plus importants que dans celui du parlementarisme rationalisé. A titre d'exemple, il a indiqué qu'au cours de ses cinq années à la présidence de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, il n'avait jamais obtenu l'organisation d'un débat sur le maintien des troupes françaises en Côte d'Ivoire.
Il a constaté que si le non-cumul des mandats constituait une question, il n'était pas certain qu'il existât une majorité pour le voter.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a alors observé que la réussite de la révision constitutionnelle commandait un changement substantiel dans les moeurs parlementaires, rappelant les effets limités de la réforme de 1995.
M. Edouard Balladur a évoqué le pouvoir décisif du Président de la République qui décide librement du mode de ratification des révisions de la Constitution -référendum ou Congrès. Evoquant la réforme inaboutie de 1973 sur le quinquennat, il a noté que la volonté du Parlement était restée inaccomplie par l'inaction du Président. Ce qui l'avait conduit à proposer vainement de fixer un délai de six mois au Président pour décider de la procédure retenue.
Répondant à M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, sur la valeur de l'avis rendu par les commissions parlementaires en matière de nomination, l'ancien Premier ministre a considéré que si l'avis rendu était défavorable, il serait difficile de nommer le candidat ainsi désavoué.
Abordant le droit de résolution accordé par le projet aux assemblées, M. Edouard Balladur a considéré qu'il ne touchait pas à l'équilibre des pouvoirs puisqu'il s'agissait de voeux dénués de contenu juridique qui s'avèreraient notamment utiles pour l'adoption de textes mémoriaux.
Il a ensuite évoqué les longues discussions nées, d'abord au sein du comité, puis du gouvernement, à propos de la mise en place de l'exception d'inconstitutionnalité, sur la proscription du régime des juges. Il a constaté qu'un tel contrôle existait dans toutes les démocraties occidentales et que l'instauration d'un filtre par les deux plus hautes juridictions était sage puisque le Conseil d'Etat comme la Cour de cassation étaient déjà familiers de la constitutionnalité des lois. En revanche, la limitation du contrôle aux textes postérieurs à 1958 lui semblait plus discutable.
Notant que le référendum d'initiative populaire figurait dans les propositions du Comité, il a approuvé l'interdiction d'abroger une disposition législative promulguée depuis moins d'un an par cette voie, laquelle ne doit pas se transformer en appel des décisions du Parlement.
Sur la composition du Conseil constitutionnel, il a rappelé la proposition du Comité d'en exclure pour l'avenir les anciens Présidents de la République qui en sont actuellement membres de droit. Il l'a motivée par l'allongement de l'espérance de vie et donc par l'éventualité d'une augmentation notable dans les vingt prochaines années du nombre de membres à vie, qui risquerait de déséquilibrer la composition du Conseil.
M. Edouard Balladur a alors, affirmé que le Défenseur des droits des citoyens, proposé par le projet, devrait intégrer de nombreux organismes existants, se prononçant contre la prolifération d'organismes extra-juridictionnels qui peuvent entraîner des atteintes à la liberté des citoyens et à la stabilité des lois. M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, a regretté l'incertitude pesant sur le périmètre d'intervention du Défenseur, en précisant que le Sénat avait fait le choix d'un contrôle permanent des prisons autonome lors de l'institution du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Poursuivant ce débat, M. Alex Türk a avancé trois arguments au maintien de la CNIL : l'existence d'un organe de contrôle indépendant, dans ce domaine, préalable à l'entrée dans l'Union européenne, la reconnaissance par le Conseil d'Etat de pouvoirs juridictionnels de fait à la CNIL et la labellisation des technologies que lui a confiée le législateur en 1995.
M. Edouard Balladur a répondu qu'il reviendrait au législateur de préciser les attributions du Défenseur et qu'il se déclarait défavorable, de manière générale, à la multiplication des organes.
M. Robert Badinter a souhaité connaître la position du Comité sur les autres attributions du Défenseur mentionnées par le projet de révision.
Se référant à son rapport qui avait renvoyé à la loi organique la faculté de confier au Défenseur des pouvoirs de décision, de médiation ou de transaction, M. Edouard Balladur a conclu que le législateur devrait intervenir, pour fixer ces dispositions sur la base des textes en vigueur régissant les organismes regroupés.
Audition du 3 juin 2008
Présidence de M. Jean-Jacques HYEST, président
Mme Rachida Dati,
garde des sceaux, ministre de
la justice
et M. Roger Karoutchi,
secrétaire d'Etat
chargé des relations avec le Parlement
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a considéré que si la Constitution avait fait l'objet de vingt-trois révisions depuis 1958, jamais aucune n'avait redéfini l'équilibre général de nos institutions. Elle a souligné que le Président de la République, convaincu de la nécessité de moderniser la vie politique de notre pays, avait, dès le mois de juillet 2007, confié à un comité présidé par M. Edouard Balladur le soin de lui soumettre des propositions sur la modernisation et le rééquilibrage de nos institutions.
Après avoir relevé que M. Jean-Jacques Hyest, président, avait, lors de son audition par le comité, utilement contribué à la réflexion de ce dernier par son analyse des institutions et son expérience d'élu, elle a indiqué que le comité avait formulé soixante dix-sept recommandations, soumises ensuite aux différentes forces politiques du pays avant d'aboutir au projet de loi constitutionnelle.
Elle a ensuite présenté les trois principales orientations du texte, complété sur certains points par l'Assemblée nationale « en pleine intelligence avec le Gouvernement » :
- un pouvoir exécutif mieux contrôlé ;
- un pouvoir législatif profondément renforcé ;
- des droits nouveaux pour les citoyens.
Au titre de la première orientation, elle a souligné qu'il visait à encadrer les pouvoirs du Président de la République par différentes évolutions majeures :
- limitation à deux mandats successifs, afin que le Président de la République travaille « à agir plutôt qu'à durer » ;
- encadrement du pouvoir de nomination par la saisine pour avis d'une commission parlementaire, qui serait, en application d'un amendement adopté par les députés, titulaire d'un droit de veto à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés ;
- encadrement du recours à l'article 16 de la Constitution, d'une part, en permettant qu'au-delà d'un délai de trente jours, le Conseil constitutionnel puisse être directement saisi par le Président de l'Assemblée nationale, le Président du Sénat ou soixante députés ou sénateurs, d'autre part, en prévoyant qu'au-delà d'un délai d'application de plus de soixante jours, le Conseil constitutionnel puisse s'autosaisir afin de vérifier si les conditions de mise en oeuvre des pleins pouvoirs sont toujours réunies ;
- modernisation du régime du droit de grâce, afin qu'il ne s'exerce plus qu'à titre individuel et après avis d'une commission dont la composition serait fixée par la loi ;
- instauration d'un droit d'expression du Président de la République devant les parlementaires réunis en Congrès. Elle a relevé que le chef d'Etat pouvait s'exprimer devant tous les Parlements du monde à l'exception du Parlement français et a souligné que l'allocution pourrait être suivie d'un débat hors sa présence, mais non d'un vote, afin de ne pas remettre en cause la nature même du régime.
Abordant la deuxième orientation de la réforme, à savoir le renforcement des pouvoirs du Parlement, elle en a cité les principales avancées :
- une plus grande souplesse des modalités d'exercice de ses missions et dans son organisation interne ;
- une meilleure maîtrise de l'ordre du jour ;
- la discussion en séance plénière sur le texte adopté en commission, à l'exception des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que des projets de révision de la Constitution ;
- une plus longue durée d'examen des textes ;
- la revalorisation des fonctions de contrôle et d'évaluation, au travers du vote de lois de programmation pluriannuelle des finances publiques et de l'assistance de la Cour des Comptes dans l'exercice de la mission d'évaluation des politiques publiques du Parlement ;
- la possibilité d'organiser des séances de questions d'actualité pendant les sessions extraordinaires ;
- une information du Parlement, éventuellement suivie d'un débat sans vote, en cas de décision d'intervention des forces armées à l'étranger et une autorisation expresse du Parlement si l'intervention se prolonge au-delà de quatre mois ;
- la possibilité d'adopter des résolutions sur toutes les propositions d'actes et tous les documents émanant d'une institution de l'Union européenne ;
- la constitutionnalisation d'une commission chargée des affaires européennes.
Enfin, au titre du troisième volet de la réforme, à savoir conférer des droits nouveaux aux citoyens, elle en a cité quatre :
- l'instauration, par les députés, d'un référendum d'initiative populaire permettant à un cinquième des membres du Parlement, soutenu par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales, de présenter une proposition de loi, qui devrait être examinée par le Parlement, faute de quoi elle serait soumise à référendum ;
- la création d'un contrôle de constitutionnalité par voie d'exception, afin de permettre aux justiciables de contester, devant les juridictions ordinaires, la constitutionnalité de dispositions législatives qu'ils estiment contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution. Elle a souligné que le juge pourrait, en cas de doute sur l'inconstitutionnalité alléguée, saisir le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation, qui pourraient, à leur tour, saisir le Conseil constitutionnel ;
- l'institution d'un défenseur des droits du citoyen. Signalant que si la création en 1973 du Médiateur de la République a constitué un progrès notable en matière de protection des droits des administrés, il convenait aujourd'hui de remplacer cette autorité par un défenseur des droits du citoyen, doté de pouvoirs plus étendus et que toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public pourrait saisir directement. Elle a ajouté que le périmètre exact d'intervention de cette nouvelle instance devrait être défini par le législateur organique mais qu'en tout état de cause, le gouvernement, qui avait bien noté la volonté de la commission des lois du Sénat de maintenir l'autonomie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ne souhaitait pas attendre l'entrée en vigueur de la révision constitutionnelle pour nommer le Contrôleur pour lequel la commission, a-t-elle rappelé, a donné un avis favorable, unanime, à la candidature de M. Jean-Marie Delarue.
- l'obligation de consulter les Français, par référendum, sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de 5 % de la population de l'Union, eu égard à l'impact d'une telle adhésion sur le fonctionnement des institutions européennes.
Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice, a conclu par la réforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Elle a expliqué que la réforme répondait aux reproches régulièrement adressés à cette instance. D'une part, elle propose que le CSM ne soit plus présidé par le Président de la République, ni par le garde des sceaux, mais par les deux plus hauts magistrats de France et que son avis soit sollicité pour les nominations de procureurs généraux, afin de ne plus faire peser sur le CSM un soupçon de dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ; d'autre part, elle prévoit que le CSM serait majoritairement composé de non-magistrats, et ce, afin de ne plus susciter de critiques de corporatisme.
Elle a ajouté que le projet de loi constitutionnelle consacrait l'existence de la formation plénière du CSM, qui réunit les formations compétentes pour les magistrats du siège et pour ceux du parquet.
Elle a précisé enfin que le texte prévoyait la possibilité pour les justiciables de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en cas de dysfonctionnement allégué de la justice.
Après avoir salué la qualité du travail et le souci de consensus du comité Balladur, M. Roger Karoutchi, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, a souligné que le projet de loi constitutionnelle marquait également la volonté du Gouvernement de dépasser les clivages politiques pour faire aboutir des réformes souhaitées depuis des années, voire des décennies, par tous les groupes parlementaires.
Jugeant peu satisfaisant le système actuel de législation, il estimé nécessaire d'évoluer vers un système de coresponsabilité qui permette au gouvernement, à la majorité, mais aussi à l'opposition, de jouer son rôle au profit de tous les Français. C'est pourquoi le projet de loi initial et les amendements adoptés par les députés ont, en grande partie, porté sur le renforcement des droits du Parlement, renforcement marqué par trois orientations :
- améliorer la représentativité du Parlement ;
- faire du contrôle et de l'évaluation une mission essentielle du Parlement ;
- rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif.
Sur le premier point, il a indiqué que le projet de loi constitutionnelle :
- préservait opportunément la mission spécifique du Sénat de représentation des collectivités territoriales, jugeant nécessaire de ne pas faire du Sénat le clone de l'Assemblée nationale, ce qui ferait perdre au bicamérisme toute utilité. Le texte précise, a-t-il ajouté, que le Sénat représente les collectivités territoriales « en tenant compte de leur population » afin que le mode d'élection des sénateurs ne conduise pas à une disproportion excessive du poids de certaines collectivités territoriales au regard de leur population, sans aboutir pour autant à ce que les sénateurs ne soient plus élus essentiellement par des élus ;
- prévoyait que les Français établis hors de France seraient représentés également à l'Assemblée nationale ;
- fixait, à l'initiative de l'Assemblée nationale, un nombre maximum de députés (577) en laissant au Sénat le soin d'examiner cette question pour lui-même. Il a précisé que le Gouvernement souhaitait que, de ce point de vue, la Constitution conserve une certaine cohérence ;
- prévoyait que le redécoupage des circonscriptions à l'Assemblée nationale serait effectué de manière régulière après avis d'une commission indépendante et que, pour le Sénat, cette commission aurait à se prononcer sur la répartition des sièges entre les circonscriptions ;
- permettait aux membres du Gouvernement de retrouver leur siège au Parlement après l'exercice de leurs fonctions ministérielles.
Abordant le deuxième volet du renforcement des droits du Parlement, à savoir les missions de contrôle et d'évaluation, M. Roger Karoutchi a indiqué que le texte prévoyait :
- la consécration du rôle du Parlement en matière de contrôle de l'action du gouvernement et, par un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec un avis favorable du gouvernement, d'évaluation des politiques publiques ;
- la possibilité, pour les assemblées, d'adopter des résolutions en matière européenne ;
- la création d'une commission chargée des affaires européennes ;
- la possibilité, pour soixante parlementaires, d'obtenir un débat pour engager un recours devant la Cour de justice européenne pour violation du principe de subsidiarité ;
- l'organisation en séance plénière, une semaine par mois, de travaux prioritairement consacrés au contrôle parlementaire, précisant que si le Gouvernement n'était pas hostile à cette mesure, il craignait une « rigidification » des conditions de fixation de l'ordre du jour.
Au titre du troisième et dernier volet du renforcement du rôle du Parlement (rendre plus lisible et plus efficace le travail législatif), il a précisé que :
- les assemblées auraient désormais la maîtrise de la moitié de leur ordre du jour, indiquant que les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, ainsi que les textes qui demeureraient trop longtemps en navette, resteraient prioritaires ;
- le rôle des commissions permanentes serait renforcé par plusieurs mesures : possibilité de créer jusqu'à huit commissions permanentes, débat en séance plénière sur le texte adopté en commission, publicité des auditions des commissions. Il s'est toutefois demandé si le principe de cette publicité ne relevait pas plus des règlements des assemblées que de la Constitution ;
- le recours à l'article 49-3 de la Constitution serait limité à un texte par session, ainsi qu'aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale ;
- le droit d'amendement serait renforcé au travers d'une disposition, adoptée par les députés, prévoyant que tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il a un lien, même indirect, avec le texte déposé, et ce, afin de prévenir une jurisprudence trop restrictive du Conseil constitutionnel ;
- le Parlement disposerait de plus de temps pour examiner les textes, soulignant, d'une part, que les députés avaient allongé les délais prévus par le projet de loi initial à six semaines en première lecture devant la première assemblée saisie et trois semaines devant la seconde assemblée, d'autre part, que la procédure d'urgence serait plus encadrée avec un droit de veto des conférences des présidents des deux assemblées ;
- les présidents des assemblées pourraient, sur des questions juridiques ponctuelles et délicates, saisir le Conseil d'Etat pour examiner une proposition de loi en vue de son passage en commission ;
- le gouvernement pourrait, y compris à la demande des groupes parlementaires, faire une déclaration devant les assemblées, suivie d'un vote sans mise en jeu de sa responsabilité, et ce, afin de permettre au Parlement de marquer une volonté politique sans adopter une loi dénuée de portée normative. Il a indiqué que le Gouvernement avait souhaité créer un mécanisme de résolutions afin de permettre aux assemblées de prendre position sur certaines orientations politiques sans avoir à les insérer dans un dispositif normatif, mais que la formule proposée par l'Assemblée nationale avait recueilli l'accord du Gouvernement, qui l'avait jugée conforme à l'objectif poursuivi ;
- le Président de chaque assemblée pourrait opposer l'irrecevabilité à un amendement intervenant dans une matière non législative ;
- le champ des lois de programmation serait étendu en dehors du champ économique et social ;
- les lois rétroactives seraient interdites, sauf motif déterminant d'intérêt général ;
- les ratifications implicites d'ordonnances seraient désormais impossibles ;
- des lois de programmation définissant des orientations pluriannuelles pour les finances publiques pourraient être adoptées ;
- les projets de loi seraient élaborés dans les conditions prévues par une loi organique, sorte de LOLF pour les lois non budgétaires, précisant que si le Gouvernement n'est pas défavorable à un tel dispositif, il estime qu'il doit pouvoir encore être amélioré.
M. Jean-Jacques Hyest, président et rapporteur, s'est demandé :
- si la procédure d'avis prévue par le nouvel article 13 de la Constitution était susceptible de concerner les magistrats ;
- si les propositions de loi soumises à référendum en vertu du nouvel article 11 de la Constitution pouvaient faire l'objet d'un contrôle de constitutionnalité a priori ;
- si le dispositif adopté par l'Assemblée nationale tendant à limiter les lois rétroactives ne risquait pas de remettre en cause le principe de non-rétroactivité de la loi pénale, posé à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789 ;
- s'il ne serait pas opportun de prévoir à l'article 61-1 de la Constitution que des juridictions -comme le Tribunal des conflits ou la Cour de justice de la République- qui ne relèvent ni de l'ordre administratif, ni de l'ordre judiciaire, puissent saisir directement le Conseil constitutionnel dans le cadre du renvoi préjudiciel destiné à assurer un contrôle de constitutionnalité a posteriori ;
- si la saisine du défenseur des droits des citoyens serait soumise à une condition de nationalité, comme sa dénomination pourrait le laisser supposer.
Il a également rappelé la volonté de la commission des lois de ne pas faire disparaître le Contrôleur général des lieux de privation de liberté au profit du défenseur des droits du citoyen, au moins jusqu'au terme du premier mandat de six ans du Contrôleur.
Il s'est enfin interrogé sur l'intérêt de trois amendements adoptés par les députés :
- celui tendant à remplacer, par un débat thématique, le mécanisme des résolutions proposé par le projet de loi, en particulier pour éviter le vote de lois mémorielles ;
- celui visant à faciliter la création par le législateur de « blocs de contentieux », relayant l'inquiétude de nombreux magistrats de l'ordre administratif sur ce point ;
- celui tendant à préciser, à l'article 34 de la Constitution, que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités professionnelles et sociales », alors que le principe selon lequel la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives avait été inscrit à l'article 3 de la Constitution en 1999.
En réponse, Mme Rachida Dati a indiqué que :
- le Conseil supérieur de la magistrature continuerait à donner un avis sur la nomination des magistrats et serait désormais consulté sur la nomination des procureurs généraux, procédure a priori exclusive de la nouvelle procédure d'avis prévue à l'article 13 de la Constitution ;
- le contrôle du Conseil constitutionnel exercé a priori dans le cadre du projet de référendum d'initiative populaire pourrait porter sur la conformité du contenu du projet à la Constitution ;
- le dispositif tendant à limiter les lois rétroactives est parfaitement compatible avec l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
- le Tribunal des conflits, ne statuant pas au fond, n'était pas concerné par la procédure d'exception d'inconstitutionnalité et la Cour de justice de la République pourrait poser une question préjudicielle à la Cour de cassation ;
- la question d'une fusion du Contrôleur général des lieux de privation de liberté au sein du Défenseur des droits du citoyen ne se poserait effectivement qu'à l'expiration du premier mandat du Contrôleur ;
- le principe d'égal accès aux responsabilités professionnelles et sociales avait plus sa place dans le préambule de la Constitution que dans la Constitution elle-même ;
- la saisine du Défenseur des droits du citoyen ne devrait pas être réservée aux seuls citoyens français ;
- l'amendement sur les blocs de contentieux était né de la volonté des députés de clarifier la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction ; le Gouvernement préfèrerait attendre les conclusions de la commission de réflexion sur la répartition des contentieux, dite « Commission Guinchard ».
Abordant la question des résolutions, M. Roger Karoutchi a fait part des craintes exprimées par les députés que le mécanisme proposé par le projet de loi ne ressuscite la pratique de la IVe République, facteur d'instabilité ministérielle.
M. Jean-Pierre Sueur a douté de la volonté du Gouvernement d'admettre l'alternance politique au Sénat, observant que le Gouvernement multipliait les signes de refus de rééquilibrage du corps électoral, en premier lieu, parce que le projet de loi précisait que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales « en tenant compte de la population », alors que le comité Balladur avait proposé l'expression : « en fonction de la population », en second lieu, parce que M. Roger Karoutchi avait indiqué, dans son intervention, que les sénateurs devaient être élus « essentiellement par des élus ». Par ailleurs, constatant que Mme Rachida Dati avait exprimé le souhait qu'un étranger puisse saisir le défenseur des droits du citoyen, il a appelé de ses voeux l'inscription dans la Constitution du droit de vote des étrangers, sous certaines conditions, relevant que ce droit, promis par le Président de la République lors de la campagne électorale, était reconnu dans la majorité des pays européens.
M. Jean-René Lecerf a mis en avant l'insuffisante visibilité de nombreuses dispositions du texte, compte tenu des fréquents renvois à des lois organiques ou aux règlements des assemblées, citant les exemples du Défenseur des droits du citoyen, dont le périmètre précis d'intervention n'est pas encore arrêté, et de l'examen en séance plénière sur le texte adopté en commission, qui pourrait avoir pour conséquence non souhaitable la présence du gouvernement aux séances de commission, en particulier celles d'examen des amendements extérieurs.
Mme Alima Boumediene-Thiery a regretté l'adoption par les députés de l'amendement tendant à rendre obligatoire la consultation des Français par référendum sur tout projet d'adhésion à l'Union européenne d'un pays qui représente plus de cinq pour cent de la population de l'Union, notant que cette disposition visait implicitement la Turquie. Elle s'est, par ailleurs, interrogée sur l'intérêt de créer un défenseur des droits du citoyen eu égard au nombre des instances actuellement chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales. Elle a enfin exprimé la crainte que l'amendement sur la répartition des contentieux entre les deux ordres de juridiction, adopté par les députés alors que les commissions Mazeaud et Guinchard n'ont pas encore rendu leurs conclusions, n'ait pour effet de créer une juridiction d'exception pour le contentieux des étrangers.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a pointé la contradiction entre l'ambition du projet de loi - moderniser et rééquilibrer nos institutions - et le refus de le soumettre à référendum. Après s'être déclarée sceptique quant à la volonté du Gouvernement de mieux respecter à l'avenir le travail parlementaire, elle a jugé peu satisfaisantes les modifications du texte en matière de fixation de l'ordre du jour. Elle a regretté que, telle qu'elle a été prévue par les députés, la déclaration thématique du Gouvernement donne lieu à un débat et à un vote, mais sans conduire à une possibilité de mise en jeu de la responsabilité du Gouvernement. Elle s'est interrogée sur les compétences qui seraient dévolues à la commission pour les affaires européennes et sur l'articulation de ses travaux avec ceux des commissions permanentes. Elle a estimé peu pertinent de fixer un seuil démographique de 5 % dans la Constitution, a demandé plus de précisions sur les contours exacts de la mission du défenseur des droits du citoyen, indiquant au passage partager le souhait de M. Jean-Pierre Sueur d'instaurer le droit de vote des étrangers en France.
Après avoir noté que le Gouvernement n'envisageait pas initialement de modifier l'article 34 de la Constitution, M. François Zocchetto s'est étonné que les députés aient souhaité y inscrire le principe de non-rétroactivité de la loi, au risque de créer des difficultés d'articulation avec l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Relevant que le projet de loi constitutionnelle prévoyait que le garde des sceaux pourrait, sauf en matière disciplinaire, assister aux séances du Conseil supérieur de la magistrature, il s'est demandé quel serait son rôle. Il s'est enfin interrogé sur l'apport de l'amendement, adopté par les députés, substituant à l'expression « comité chargé des affaires européennes » celle de « commission chargée des affaires européennes », alors que le terme « commission » est aujourd'hui réservé aux six commissions permanentes.
Regrettant certaines modifications apportées au texte par les députés, M. Patrice Gélard s'est déclaré gêné que les ministres les endossent dans leur discours, donnant le sentiment d'une faible marge de manoeuvre pour le Sénat. Il a annoncé son intention de déposer quelques amendements, parmi lesquels la suppression de la disposition qui fait des anciens présidents de la République des membres de droit du Conseil constitutionnel et l'encadrement du référendum d'initiative populaire par un quorum de participation de 50 %. Il s'est par ailleurs inquiété de ce que le texte oblige désormais les parlementaires à ratifier explicitement les ordonnances, évolution qui, compte tenu de la perte de maîtrise de l'ordre du jour par le gouvernement, pourrait conduire à une forte insécurité juridique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a regretté que les ministres donnent l'impression, dans leur propos, que le projet de révision constitutionnelle est d'ores et déjà adopté par le Congrès.
Observant que le texte vise à rééquilibrer les institutions et à rétablir la séparation des pouvoirs, M. Pierre Fauchon s'est demandé s'il n'eût pas été préférable d'aller au bout de cette logique et de créer un véritable régime présidentiel en supprimant la possibilité pour l'Assemblée nationale de mettre en cause la responsabilité du gouvernement.
M. Nicolas Alfonsi a noté que l'encadrement du recours au troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution était présenté comme un progrès, alors qu'en raison de l'avènement du fait majoritaire depuis 1962, renforcé par le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral en 2002, il était en pratique faiblement utilisé.
Mme Rachida Dati a déclaré que :
- l'amendement sur la création de « blocs de contentieux » n'aurait pas pour effet de créer une juridiction d'exception spécialisée en droit des étrangers ;
- la révision constitutionnelle pouvait parfaitement être adoptée par les représentants du peuple réunis en Congrès, en vertu de l'article 89 de la Constitution ;
- la présence du garde des sceaux aux séances du CSM se justifiait par le fait que cette instance devrait se réunir pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution, mais qu'en tout état de cause le garde des sceaux n'aurait pas de voix délibérative, comme c'est le cas aujourd'hui ;
- le chiffre de 5 % ne visait pas spécifiquement la Turquie, mais tout pays dont l'adhésion, compte tenu de son poids démographique, risquait de déséquilibrer les institutions européennes ;
- l'amendement sur la non-rétroactivité de la loi était plus strict que la jurisprudence actuelle du Conseil constitutionnel ; il ne concerne pas les lois pénales, pour lesquelles les règles actuelles fondées sur l'article VIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 restent valables ;
- l'encadrement du recours au référendum d'initiative populaire était nécessaire, mais sans le vider de sa substance ;
- la question du droit de vote des étrangers ne faisait pas consensus ;
- le défenseur des droits du citoyen avait vocation à regrouper toutes les autorités chargées de recueillir les plaintes de personnes s'estimant lésées par le fonctionnement d'un service public.
En réponse à MM. Bernard Frimat et Robert Badinter, qui s'étonnaient qu'on puisse proposer au pouvoir constituant de créer une institution aussi fondamentale sans en préciser clairement les contours, Mme Rachida Dati a insisté sur le fait qu'il appartiendrait au législateur organique de préciser son périmètre d'action selon une approche pragmatique et progressive. Elle a souligné qu'outre celles de l'actuel Médiateur de la République pourraient notamment être reprises les attributions de la commission nationale de déontologie de la sécurité.
M. Roger Karoutchi a, quant à lui, indiqué que :
- la réforme consistant principalement à renforcer les pouvoirs du Parlement, il était légitime de la soumettre au Congrès ;
- l'allongement des délais d'examen des textes par le Parlement permettrait de mettre un terme à certaines pratiques actuelles ;
- la suppression, par les députés, de l'article du projet de loi ouvrant la possibilité d'adopter des résolutions politiques ne remettait pas en cause les mécanismes existants d'engagement de la responsabilité du gouvernement ;
- le changement terminologique comité-commission opéré par les députés ne signifiait pas que l'instance chargée des affaires européennes serait dotée de pouvoirs comparables à ceux à des commissions permanentes ;
- l'expression « élus essentiellement par des élus » utilisée à propos de l'élection des sénateurs était directement tirée de la décision du Conseil constitutionnel du 6 juillet 2000 ;
- il était nécessaire de prévoir des réunions de commission à huis clos ;
- l'insécurité juridique résultant de l'obligation de ratification explicite des ordonnances était relative, une ordonnance ne pouvant plus être contestée devant le Conseil d'Etat à l'expiration d'un délai de deux mois ;
- ni le comité Balladur, ni le Gouvernement n'avaient jugé opportun d'instaurer un régime présidentiel en France ;
- l'encadrement de la procédure du troisième alinéa de l'article 49 traduisait la volonté de renforcer le rôle du Parlement, tout en maintenant cet outil utile, en cas de majorités étroites.
Enfin, en réponse à M. Jacques Gautier qui s'inquiétait des risques de limitation du nombre des membres du Conseil économique et social à 233 au regard de ses attributions nouvelles en matière d'environnement, M. Roger Karoutchi a fait valoir que cette extension de compétence, souhaitée par le Conseil économique et social, ne déséquilibrait pas l'institution.