CONCLUSION
Face à la persistance d'actes de tortures dans le monde, le Protocole privilégie les mesures préventives et instaure une relation complémentaire entre les mécanismes locaux et internationaux de surveillance. Ce nouvel instrument est de nature à rendre plus effective la prévention des actes de torture et autres peines ou traitements inhumains et dégradants dans le monde.
Il importe donc que la France adopte ce texte dans les meilleurs délais, une procédure d'adoption simplifiée en séance publique de ce projet de loi pouvant même être envisagée.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission a examiné le présent rapport lors de sa réunion du mercredi 7 mai 2008.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Jacques Blanc, président, a demandé à Mme Joëlle Garriaud-Maylam s'il était possible d'établir la preuve d'un faux intentionnel.
Mme Maryse Bergé-Lavigne a souhaité savoir pourquoi les Etats-Unis, la Chine et la Russie n'ont pas signé le Protocole facultatif.
En réponse, Mme Joëlle Garriaud-Maylam a précisé que les concepts de « bonne » et de « mauvaise foi » faisaient l'objet d'une jurisprudence abondante. Elle a indiqué que les raisons de la non-signature des trois Etats indiqués tenaient à leurs réserves constantes à l'égard d'ingérences étrangères.
La commission a adopté le projet de loi et proposé qu'il fasse l'objet d'une procédure simplifiée en séance publique.
PROJET DE LOI
(Texte proposé par le gouvernement)
Article unique 3 ( * )
Est autorisée l'approbation du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, adopté le 18 décembre 2002 à New York, et dont le texte est annexé à la présente loi.
ANNEXE - ÉTUDE D'IMPACT 4 ( * )
Dans le cadre de l'Organisation des Nations Unies, un Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture (ci-après dénommé le « Protocole ») a été adopté par l'Assemblée générale le 18 décembre 2002 à New York. La France l'a signé le 16 septembre 2005.
Le Protocole est entré en vigueur le 22 juin 2006. Il a été ratifié à ce jour par 34 Etats et signé par 57 autres.
1) L'impact de la ratification du Protocole sur le paysage juridique et institutionnel .
Dans son article 17, le Protocole met à la charge des Etats parties l'obligation de mettre en place, un an au plus tard après l'entrée en vigueur du Protocole, un ou plusieurs mécanismes nationaux indépendants de prévention, par des visites, de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Il existe aujourd'hui en France des organismes ou autorités pouvant effectuer des visites de lieux de privation de liberté. C'est le cas, notamment, des parlementaires, des procureurs de la République, de la Commission de déontologie de la sécurité (CNDS) ou de la Commission nationale de contrôle des zones d'attente.
Tous ces organes ne remplissent pas, en l'état, les conditions définies par le Protocole, à savoir l'indépendance de l'organe et de ses membres, la liberté de choisir les lieux à visiter, la possibilité de s'entretenir sans témoins avec les personnes privées de liberté ainsi que l'accès à tous les renseignements relatifs au traitement de ces personnes et à leurs conditions de détention.
Le Gouvernement a donc décidé de créer un mécanisme ad hoc, « le contrôleur général des lieux de privation de liberté » , par anticipation de la ratification du Protocole.
Le mécanisme est à créer par voie législative dès lors qu'il aura pour mission de prévenir la torture et les peines ou traitement inhumains ou dégradants dont pourraient être victimes les personnes privées de liberté. L'objet étant la vérification des conditions de la privation de liberté , qui porte elle-même sur une liberté fondamentale (celle d'aller et de venir), cette disposition relève donc du domaine législatif.
L'ordonnancement juridique accueillera, en conséquence, une nouvelle loi portant création du « contrôleur général des lieux de privation de liberté » ainsi qu'un décret pris en conseil d'Etat complétant celle-ci dans les domaines relevant du pouvoir réglementaire. Cela portera notamment sur les modalités d'exercice et de désignation des collaborateurs du contrôleur général.
2) L'impact sur la législation pénale.
L'article 35 du Protocole dispose que : «les membres du sous-comité et des mécanismes nationaux de prévention jouissent des privilèges et immunités qui leur sont nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute indépendance. Les membres du sous-comité de la prévention jouissent des privilèges et immunités prévus à la section 22 de la Convention sur les privilèges et immunités des Nations unies, du 13 février 1946, sous réserve des dispositions de la section 23 de la dite Convention ».
Si les privilèges et immunités dont vont jouir les membres du sous-comité sont à rattacher à la Convention de Vienne du 13 février 1946, tel ne sera pas le cas des membres des mécanismes nationaux de prévention. Ces derniers seront des ressortissants français, nommés par les autorités nationales au mécanisme national de prévention.
Les immunités et privilèges dont il est question visent à renforcer l'indépendance des membres du mécanisme national de prévention. Ces immunités s'entendent comme la possibilité de ne pas poursuivre les membres du mécanisme de prévention pour des opinions qu'ils émettent ou des actes qu'ils accomplissent dans l'exercice de leurs fonctions. L'aménagement de ces immunités en vertu de l'article 35 du Protocole, aura nécessairement des incidences sur les règles de la procédure pénale.
Par ailleurs, l'article 15 du Protocole dispose qu' «aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire n'ordonnera, n'appliquera, n'autorisera ou ne tolérera de sanction à l'encontre d'une personne ou d'une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux , au sous-comité de la prévention ou à ses membres, et la dite personne ou organisation ne subira de préjudice d'aucune autre manière». L'article 21 contient des dispositions identiques concernant les mécanismes nationaux.
Ces dispositions reviennent, in fine pour l'Etat partie, à s'engager à ne pas poursuivre pénalement en cas de dénonciation calomnieuse. Bien que le Protocole interdise les réserves (art.30), la France entend déposer une déclaration interprétative au moment de la ratification du Protocole 5 ( * ) afin d'atténuer la portée de ces deux articles et de demeurer en conformité avec ses dispositions pénales.
* 3 Voir le texte annexé au document Sénat n° 220 (2007-2008)
* 4 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.
* 5 « En application des articles 15 et 21 du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants, aucune autorité publique ni aucun fonctionnaire français n'ordonnera, n'appliquera, n'autorisera ou ne tolérera de sanction à l'encontre d'une personne ou d'une organisation qui aura communiqué des renseignements, vrais ou faux, au sous-comité de prévention de la torture ou à ses membres ainsi qu'au mécanisme national de prévention, et la dite personne ou organisation ne subira de préjudice d'aucune autre manière, pour autant que, s'agissant des renseignements faux, la personne ou l'organisation en question n'ait pas eu connaissance du caractère fallacieux des faits au moment de leur dénonciation et, d'autre part, sans préjudice des voies de droit dont pourraient faire usage les personnes mises en cause en raison du dommage subi pour dénonciation de faits inexacts à leur encontre ».