EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er - Assouplissement
des modalités d'exercice de la journée de solidarité dans
les entreprises du secteur privé
(art. L. 3133-7,
L. 3133-8, L. 3133-9, L. 3133-10, L. 3133-11 et
L. 3133-12 du code du travail)
Objet : Cet article propose de simplifier et d'assouplir les dispositions du code du travail relatives à la journée de solidarité ainsi que de supprimer toute référence législative au lundi de Pentecôte.
I - Le dispositif proposé
Cet article a pour objet de mettre en oeuvre l'une des trois pistes de réflexion examinée dans un rapport 4 ( * ) récemment consacré au bilan de la journée de solidarité.
Il s'agit en l'occurrence du scénario numéro 2 qui préconise d'abandonner toute référence au lundi de Pentecôte et de laisser une entière latitude aux partenaires sociaux. En cas d'échec des négociations, in fine , il appartiendra à l'employeur d'organiser, durant l'année civile, ces sept heures de travail supplémentaires.
En conséquence, l'article premier tend à modifier les dispositions du droit du travail relatives à la journée de solidarité, telles qu'elles résultent des dispositions de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004, d'une part, de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, d'autre part.
La loi du 30 juin 2004 a augmenté d'une journée de sept heures la durée annuelle de travail des salariés. En l'état actuel du droit, l'organisation de cette journée de solidarité est renvoyée prioritairement à la négociation d'une convention, d'un accord de branche ou d'un accord d'entreprise. Ce n'est qu'en cas d'absence ou d'échec du dialogue social que l'article L. 3133-8 du code du travail impose par défaut la date du lundi de Pentecôte. Le législateur a donc laissé un très large pouvoir de négociation dans les entreprises, d'autant plus que cette journée de solidarité est susceptible de revêtir trois formes différentes :
- le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1 er mai ;
- le travail d'un jour de RTT ;
- « toute autre modalité permettant le travail d'un autre jour non travaillé en application de dispositions conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises ».
L'article L. 3133-1 du code du travail établit la liste des onze fêtes légales désignées comme des jours fériés, parmi lesquelles le lundi de Pentecôte. Conformément aux dispositions de l'article L. 3133-4 du code du travail, le 1 er mai est le seul jour férié obligatoirement chômé et payé intégralement pour tous les travailleurs. Les autres jours fériés ne sont chômés obligatoirement que pour les jeunes de moins de dix-huit ans et les apprentis employés dans les établissements industriels. Les personnes tenues de travailler le 1 er mai ont droit à une indemnité égale au montant du salaire de la journée et sont donc payées double. En revanche, aucune majoration de salaire n'est prévue par la loi pour les personnes travaillant un autre jour férié, même si les conventions collectives peuvent prévoir un régime plus favorable.
Le 1° du paragraphe I de cet article présente une portée purement rédactionnelle. Il propose de réécrire l'article L. 3133-7 du code du travail en lui apportant deux changements mineurs. La nouvelle rédaction évoque désormais « une » et non pas « la » journée de solidarité. Il est également précisé, dans le cadre d'une seule phrase, que celle-ci prend la forme d'une journée supplémentaire de travail rémunérée ainsi que de la contribution de 0,3 % sur la masse salariale introduite en 2004. En l'état actuel du droit, cette définition est presque identique, mais procède d'une énumération en deux points.
Le contenu du 2° apparaît beaucoup plus substantiel. Il s'agit de refondre, tout en les simplifiant, dans un seul et nouvel article L. 3133-8 du code du travail, les dispositions actuellement dispersées dans deux articles distincts L. 3133-8 et L. 3133-9. Sur le fond, la nouvelle rédaction propose d'introduire quatre modifications :
- elle tend à inverser les modalités pratiques du dialogue social, en prévoyant que les conditions d'organisation de la journée de solidarité seront fixées par accord d'entreprise, ou par accord d'établissement et à défaut, en dernier ressort, par accord de branche ;
- elle supprime la clause cliquet de référence imposant qu'en l'absence d'une telle convention ou d'un tel accord, cette journée de solidarité est automatiquement fixée au lundi de Pentecôte ;
- elle abroge un ensemble de dispositions très détaillées introduites en 2004 pour ne retenir que le coeur du dispositif de la journée de solidarité. Il convient en effet de rappeler que la rédaction de l'article 2 de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées visait un grand nombre de cas de figure différents : les entreprises travaillant en continu, les salariés non mensualisés, les salariés à temps partiel, les salariés ne travaillant pas habituellement le jour de la semaine retenu pour la journée de solidarité. Or, l'objectif consistant à prévenir les difficultés de mise en oeuvre liées à la grande diversité de la situation des salariés français n'a manifestement pas été atteint. Une simplification était donc nécessaire ;
- elle modifie enfin la définition des contours de la journée de solidarité en autorisant le recours à « toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment travaillées » , au lieu de faire référence à « toute autre modalité permettant le travail d'un autre jour non travaillé » . Ce glissement sémantique donne en fait « carte blanche » aux entreprises pour s'organiser à leur guise, tout en ouvrant largement les possibilités de fractionnement durant l'année civile de ces sept heures de travail.
Après l'entrée en vigueur des dispositions de la présente proposition de loi, les entreprises qui le souhaitent pourront toujours continuer à fixer au lundi de Pentecôte la date de la journée de solidarité. Simplement, il n'y aura plus aucune obligation législative en la matière, ni d'interdiction non plus. Pour le reste, le droit actuel ne change pas : faute d'accord collectif, l'employeur pourra définir les modalités de la journée de solidarité à condition de respecter une procédure de consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent.
Par cohérence avec les dispositions du paragraphe 2° ci-avant, le 3° propose d'abroger l'actuel article L. 3133-9 du code du travail devenu sans objet.
Le 4° a pour objet de tirer les conséquences de cette abrogation en renumérotant le reste de la section 3 du chapitre III du livre I er de la troisième partie du code du travail. Les actuels articles L. 3133-10, L. 3133-11 et L. 3133-12 deviennent ainsi respectivement les nouveaux articles L. 3133-9, L. 3133-10 et L. 3133-11. Leurs contenus respectifs, en revanche, ne sont en rien modifiés :
- le principe selon lequel le travail accompli, dans la limite de sept heures, durant la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération est confirmé ;
- les heures effectuées à cette occasion continueront à ne pas s'imputer sur le contingent annuel d'heures supplémentaires ainsi sur le nombre d'heures complémentaires prévu au contrat de travail du salarié travaillant à temps partiel. Elles ne donneront pas non plus lieu à un repos compensateur obligatoire ;
- un salarié ayant déjà accompli, au titre de l'année en cours, une journée de solidarité, en raison d'un changement d'employeur, pourra toujours refuser d'en effectuer une seconde. S'il accepte, les heures travaillées donneront lieu à une rémunération supplémentaire, à un repos compensateur et s'imputeront sur le contingent annuel d'heures supplémentaires.
Le paragraphe II de cet article prévoit une entrée en vigueur le 2 mai 2008, soit dix jours avant la date du prochain lundi de Pentecôte. Ce délai très court, résulte des contraintes du calendrier parlementaire du premier semestre 2008.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté trois amendements qui ne modifient guère le texte initial de la proposition de loi :
- le premier d'entre eux apporte une simple précision rédactionnelle ;
- le deuxième tend à préserver la spécificité du droit local dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, en prévoyant que la journée de solidarité ne peut intervenir ni le jour de Noël, ni le 26 décembre, ni le Vendredi Saint ;
- le troisième amendement vise à sécuriser la situation des employeurs qui, en l'absence d'un accord, auraient décidé d'accomplir cette année la journée de solidarité à la date du lundi de Pentecôte, c'est-à-dire le 12 mai 2008. Compte tenu de la brièveté des délais, il est peu probable en effet que des négociations s'engagent dans de nombreuses entreprises dès la parution de la loi au Journal officiel et aboutissent à un accord en l'espace de quelques jours seulement. Pour éviter toute ambiguïté, l'Assemblée nationale a réaffirmé le pouvoir de l'employeur de fixer les modalités de la journée de solidarité, sous réserve du respect de la procédure préalable de consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel s'ils existent. Au passage, la réécriture de cet alinéa conduit à abandonner la date d'entrée en vigueur initialement fixée au 2 mai 2008, pour revenir à la règle de droit commun fondée sur la publication de loi au Journal officiel.
En définitive, il ne faut sans doute pas attendre de modifications substantielles des modalités d'exercice de la journée de solidarité dans le monde du travail avant 2009.
III - La position de votre commission
Votre commission partage globalement l'économie générale de cette proposition de loi. Elle se félicite toutefois que l'Assemblée nationale ait adopté un article additionnel tendant à ce que son champ d'application ne soit pas limité aux seuls salariés du secteur privé, alors que les principaux problèmes se concentrent dans les services publics.
Votre commission regrette en effet l'importance et le caractère persistant des facteurs de blocage entraînant la fermeture de la plupart des administrations publiques le lundi de Pentecôte. Le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques souligne d'ailleurs fort justement les problèmes que rencontrent les parents pour la garde des enfants de moins de trois ans ainsi que l'absence d'accueil des élèves ce jour-là dans les établissements de l'éducation nationale, auxquels s'ajoutent les effets de la fermeture de la plupart des services de la fonction publique d'Etat.
Votre commission souhaite surtout que la liberté accordée aux entreprises pour organiser cette journée ne les conduise pas à des modalités de mise en oeuvre qui feraient perdre de vue le ressort solidaire initialement envisagé. Elle considère que la démarche de solidarité est aussi importante que la recherche de ressources. Or, le fractionnement des sept heures de travail sur l'ensemble de l'année par exemple - certaines entreprises le pratiquent - est de nature à faire perdre la conscience du geste fraternel qui avait inspiré la loi. En conséquence, votre commission propose, par voie d'amendement, que le fractionnement de la journée de solidarité ne puisse s'appliquer qu'en deux périodes au maximum, le cas échéant d'inégale durée si l'organisation du travail dans l'entreprise le justifie.
Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.
Article 2 - Organisation de la
journée de solidarité dans la fonction publique
(article 6 de
la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la
solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des
personnes handicapées)
Objet : Cet article tend, par cohérence avec le précédent, à étendre aux trois fonctions publiques les mêmes modalités d'organisation de la journée de solidarité que dans le secteur privé.
I - Le dispositif proposé
A l'initiative de son rapporteur, Jean Leonetti, la commission chargée des affaires sociales de l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel à la présente proposition de loi. Son objectif consiste à clarifier, dans les trois fonctions publiques, les modalités d'application de la loi du 30 juin 2004, tout en leur transposant les mêmes modifications que celles proposées ci-avant pour le secteur privé.
En l'état actuel du droit, l'organisation de la journée de solidarité dans les trois fonctions publiques relève de l'article 6 de la loi du 30 juin 2004. Il convient de remarquer, d'une part, que ces dispositions n'ont pas été codifiées, d'autre part, que la rédaction choisie par le législateur de 2004 procède à un renvoi à l'article L. 212-16 de l'ancienne version du code du travail.
Le paragraphe I du présent article de la proposition de loi propose de réécrire l'ensemble de l'article 6 de la loi du 30 juin 2004, tout en lui apportant quelques modifications limitées.
La première d'entre-elle est d'ordre formel. Il s'agit d'actualiser la référence au code du travail, pour tenir compte de l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail. On procède donc désormais à un renvoi à l'article L. 3133-7.
La deuxième modification consiste à supprimer la clause prévoyant qu'en l'absence de décision de l'autorité administrative ou politique compétente, la journée de solidarité est fixée par défaut au lundi de Pentecôte.
La dernière modification proposée consiste à redéfinir les contours de cette journée qui est susceptible de prendre trois formes différentes :
- le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1 er mai ;
- le travail d'un jour de RTT ;
- toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées, à l'exclusion des jours de congé annuel.
Ces termes sont quasiment identiques à ceux utilisés à l'article précédent pour les entreprises du secteur privé.
Pour le reste, la nouvelle rédaction proposée pour l'article 6 de la loi du 30 juin 2004 confirme que le pouvoir de fixation de la journée de solidarité appartient au directeur de la structure ou à l'élu de la collectivité concernée. Elle reprend ne variatur les termes actuels.
Le paragraphe II se borne à prévoir que les dispositifs d'application de l'article 6 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 en vigueur à la date du 2 mai 2008 et qui sont conformes aux dispositions du paragraphe I demeurent en vigueur.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements d'inspiration identique à ceux votés à l'article précédent :
- le premier apporte une précision rédactionnelle en abandonnant, dans le paragraphe II, la référence à la date d'entrée en vigueur initialement envisagée du 2 mai 2008 ;
- le second prend en compte la spécificité du droit local dans les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, en prévoyant que la journée de solidarité ne peut intervenir ni le jour de Noël, ni le 26 décembre, ni le Vendredi Saint.
III - La position de votre commission
Votre commission ne peut qu'approuver cette harmonisation des dispositions juridiques relatives à la journée de solidarité entre les trois fonctions publiques, d'une part, et les entreprises du secteur marchand relevant du code du travail, d'autre part. Elle note toutefois que ce rapprochement ne devrait en pratique revêtir qu'une portée limitée. Depuis 2006 en effet, la quasi-totalité des services publics sont fermés le lundi de Pentecôte. Par ailleurs, une grande liberté d'organisation des modalités de la journée de solidarité existe déjà pour les trois fonctions publiques.
Cet article ne fait donc qu'aligner le droit sur la pratique administrative. Mais cette position « réaliste » conduit également à se résigner à la difficulté à faire évoluer le fonctionnement des services publics le jour du lundi de Pentecôte.
Par cohérence avec les dispositions proposées pour l'article premier, votre commission souhaite limiter sur deux jours au maximum les possibilités de fractionnement de la journée de solidarité.
Elle vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.
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En conséquence, votre commission vous demande d'adopter cette proposition de loi dans la rédaction qu'elle vous soumet.
* 4 La journée de solidarité - rapport du secrétariat d'Etat à l'évaluation et la prospective - décembre 2007.