B. LE PARI RENOUVELÉ DU DIALOGUE SOCIAL
1. Un bilan aujourd'hui bien maigre
Seulement dix-neuf accords de branche relatifs à la journée de solidarité ont été signés avec les organisations syndicales depuis 2004. Or certains de ces documents, comme dans l'industrie laitière ou le bâtiment par exemple, se bornent à renvoyer aux entreprises le choix du jour et des modalités d'accomplissement des sept heures de travail supplémentaires.
Les accords d'entreprise à ce sujet sont eux-mêmes fort rares. Les services déconcentrés du ministère du travail n'en ont par exemple recensé que trois en Indre-et-Loire, quatre dans l'Orne, onze dans les Vosges et vingt-sept en Haute-Marne. Leur portée mérite d'être relativisée ainsi que le souligne le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques :
« Ces accords sont souvent conclus dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire. Ils n'identifient pas forcément un jour précis pour l'accomplissement de la journée de solidarité mais laissent plutôt le choix aux salariés entre différentes modalités d'accomplissement, réduction du temps de travail (RTT) ou fractionnement. »
Au total, prévaut le sentiment d'une grande faiblesse du dialogue social.
2. L'hostilité de la majorité des partenaires sociaux au principe de la journée de solidarité
Depuis 2004, la quasi-totalité des syndicats de salariés a manifesté son hostilité aux modalités, sinon au principe même, de la journée de solidarité. Pour ne prendre qu'un seul exemple, la CGT estime que cette mesure contribue à la remise en cause de la durée du travail et exprime son opposition à toute forme de travail gratuit.
Au total, un large consensus défavorable à l'esprit de la réforme de 2004 semble s'être établi parmi les grandes centrales syndicales. Cette situation de départ peu propice au développement du dialogue social représente un obstacle pour la démarche que la proposition de loi appelle de ses voeux. Le rapport du secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques n'élude pas non plus cette difficulté :
« L'incertitude réside dans la capacité à choisir une autre date par accord collectif afin de libérer le lundi de Pentecôte. En effet, ce scénario n'est pas sans équivoque puisque 70 % des entreprises sont actuellement ouvertes le lundi de Pentecôte. Si le Gouvernement peut ouvrir des voies, il ne peut se substituer à des partenaires sociaux qui, par ailleurs, réclament légitimement souplesse et proximité sur d'autres sujets.
Après avoir supprimé la mention selon laquelle, à défaut d'accord, la journée de solidarité est effectuée le lundi de Pentecôte, il faut trouver une autre solution à la négociation collective en cas d'échec, par exemple en y substituant la décision unilatérale de l'employeur. Plusieurs arguments plaident pour ce choix.
Une telle disposition n'incite pas moins à négocier que la rédaction actuelle. En effet, le chef d'entreprise responsable ne pourra se reporter mécaniquement vers la réponse inscrite actuellement dans la loi, et devrait faire émerger une solution adaptée au contexte local. (...)
Le chef d'entreprise n'a aucun intérêt a priori à retenir comme journée de solidarité le lundi de Pentecôte en raison du creux d'activité spécifique à cette journée. Enfin, pour les salariés ne bénéficiant pas de RTT, il serait préférable d'envisager le passage de 1 600 à 1 607 heures dans le cadre plus large de la négociation sur le temps de travail. »
En pratique, les chefs d'entreprise seront donc probablement le plus souvent conduits, comme aujourd'hui, à définir en dernier ressort les modalités de la journée de solidarité.