B. UNE DÉGRADATION IRRÉSISTIBLE DES COMPTES
1. Le creusement du déficit de la branche vieillesse
Entre 2003 et 2007, la croissance des dépenses (25,7 %) de la Cnav aura été nettement supérieure à celle de ses recettes (17,6 %). Malgré l'entrée en vigueur des premiers effets de la réforme, la dégradation des équilibres financiers du régime général est particulièrement nette : son déficit devrait ainsi atteindre, au minimum, 4,58 milliards d'euros en 2007, ce qui correspond à plus de 5 % des prestations versées.
Comptes de la Cnav |
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(en millions d'euros) |
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Cnav |
2004 |
% |
2005 |
% |
2006 |
% |
2007 |
% |
2008 |
% |
|
Charges nettes |
74 979 |
4,9 |
80 796 |
7,8 |
84 947 |
5,1 |
90 084 |
6,0 |
94 429 |
4,8 |
|
Produits nets |
75 235 |
3,9 |
78 919 |
4,9 |
83 092 |
5,3 |
85 499 |
2,9 |
88 762 |
3,8 |
|
Résultat |
255 |
- 1 876 |
- 1 855 |
- 4 584 |
-5 667 |
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Source : CCSS septembre 2007 |
A législation inchangée, le prolongement des tendances récentes déboucherait sur un déficit annuel de l'ordre de 9 à 10 milliards d'euros à la fin de l'actuelle législature. Une nouvelle réforme est donc indispensable en 2008.
Solde de la Cnav |
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(en milliards d'euros courants) |
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2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
||
Scénario économique bas |
- 4,6 |
- 5,1 |
- 6,3 |
- 7,4 |
- 8,9 |
- 10,3 |
|
Scénario économique haut |
- 4,6 |
- 5,1 |
- 6,0 |
- 6,7 |
- 7,8 |
- 8,7 |
|
Source : Annexe B - PLFSS pour 2008 |
Cette évolution défavorable résulte mécaniquement du vieillissement de la population. La fraction de celle-ci atteignant soixante ans et ayant au moins un trimestre validé au régime général est ainsi passée de 670 000 à 850 000 personnes entre 2005 et 2006, soit une progression de 27 %.
Source : Cnav
Mais les facteurs démographiques n'expliquent pas tout.
Ainsi que le soulignait la Mecss 4 ( * ) : « Le poids des facteurs démographiques, avec le départ en retraite des premières classes d'âge du baby-boom d'après guerre, ne manque naturellement pas de faire sentir ses effets. Mais, à ce niveau de déficit, il s'agit clairement d'un déséquilibre de nature structurelle, qui de surcroît tend à augmenter rapidement : poursuivre sur cette tendance n'est pas soutenable. (...) Par ailleurs, les contreparties sociales ont représenté des charges certaines et importantes à court terme. Avec le temps, la générosité de la réforme s'est en quelque sorte retournée contre elle : les dépenses se sont avérées nettement plus fortes que prévu, notamment en raison du succès de la mesure des carrières longues, tandis que les économies ont été moins élevées qu'attendu. Le calendrier, très étalé dans le temps, d'entrée en vigueur de certaines mesures d'économies, est apparu à l'usage trop lent dans un contexte de dégradation des comptes. »
2. La fragilité structurelle du fonds de solidarité vieillesse
Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) a pour mission de « concourir au financement des régimes de base » d'assurance vieillesse en leur remboursant les dépenses ne relevant pas de l'effort contributif des assurés.
Les dépenses du FSV se répartissent en trois blocs :
- 18 % au titre des prestations du minimum vieillesse ;
- 25 % pour le remboursement des majorations de pension pour conjoint et pour enfant à charge ;
- 56 % au titre du remboursement aux régimes du manque à gagner résultant de la validation des périodes non travaillées pour les chômeurs préretraités, les volontaires du service national et les anciens combattants.
Longtemps prospère en raison d'une évolution de ses recettes plus favorable que celle de ses dépenses, le FSV ne s'est toujours pas relevé des mesures prises entre 2000 et 2002. Plusieurs recettes lui ont alors été distraites, afin notamment d'assurer le financement direct ou indirect du Forec 5 ( * ) (droits sur les alcools ; 0,15 point de CSG) ou de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) (0,1 point de CSG). Parallèlement, de nouvelles dépenses lui ont été affectées, dont le remboursement de la dette de l'Etat à l'égard des régimes Agirc-Arrco, les allocations de cessation anticipée d'activité (Cats) et les allocations de fin de formation (AFF) mises en place dans le cadre du plan d'aide au retour à l'emploi (Pare).
L'analyse rétrospective de la situation financière du fonds depuis sa création, en 1993, fait apparaître une première période caractérisée par d'importants excédents jusqu'en 2000, suivie par sept années consécutives de forts déficits. La dette du fonds devrait ainsi culminer à 5,25 milliards d'euros en 2007.
Les comptes du FSV |
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(en millions d'euros) |
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2003 |
2004 |
2005 |
2006 |
2007* |
2008 |
|
Recettes |
12 474 |
13 363 |
12 664 |
13 961 |
14 024 |
14 740 |
dont CSG |
9 297 |
9 562 |
9 922 |
10 572 |
10 948 |
11 411 |
dont prélèvement social 2 % |
350 |
382 |
388 |
477 |
464 |
477 |
dont droits sur les boissons |
- |
- |
- |
|||
dont C3S |
921 |
1 300 |
200 |
240 |
250 |
400 |
dont versements Cnaf |
1 875 |
1 965 |
2 087 |
2 185 |
2 284 |
2 373 |
dont autres produits financiers |
9 |
154 |
67 |
77 |
78 |
79 |
Dépenses |
13 408 |
14 002 |
14 668 |
14 811 |
14 316 |
14 254 |
Solde |
- 934 |
- 639 |
- 2 005 |
- 1 259 |
- 292 |
485 |
Solde cumulé |
- 1 057 |
- 1 696 |
- 3 701 |
- 4 960 |
- 5 252 |
- 4 766 |
Source : CCSS septembre 2007 |
Les prévisions quadriennales du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient désormais son retour à l'équilibre en 2008, suivi par des excédents croissants, ce qui permettrait un apurement total de sa dette d'ici 2012. Mais un tel scénario de retour spontané à l'équilibre n'est envisageable que si le marché de l'emploi continue à s'améliorer à un rythme rapide. Ainsi, prédomine l'idée d'une forte instabilité des recettes du fonds, qui perdurera jusqu'à ce que soit menée une réforme structurelle de la nature des ressources qui lui sont affectées.
Prospectives financières du FSV |
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(en milliards d'euros) |
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2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
|
Recettes |
14,0 |
14,8 |
14,9 |
15,5 |
16,2 |
16,8 |
Dépenses |
14,2 |
14,2 |
14,2 |
14,5 |
14,7 |
15,0 |
Solde |
- 0,3 |
0,6 |
0,6 |
1,1 |
1,4 |
1,8 |
Source : Annexe B - PLFSS 2008 Scénario économique bas |
3. La pénalisation du régime général par la dernière réforme des mécanismes de compensation démographique
Afin de compenser les différences de structures démographiques entre les régimes sociaux, le législateur a créé deux mécanismes de transferts financiers : la compensation généralisée entre tous les régimes de base de retraite en 1974, puis, en 1985, la surcompensation , conçue entre les seuls régimes spéciaux.
Le total des flux financiers au sein de la branche vieillesse a atteint 9,7 milliards d'euros en 2007 . Le régime général est, de loin, le principal contributeur.
Bilan prévisionnel de la compensation et de la
surcompensation
pour l'ensemble des régimes en 2008
Cette caractéristique a été accentuée par la réforme du mode de calcul intervenue en 2002, qui a consisté en « un « hold-up » sur les ressources de la caisse nationale d'assurance vieillesse. » 6 ( * )
Dans la loi de finances pour 2003, le Gouvernement a décidé la comptabilisation , dans les effectifs de cotisants et la masse salariale des régimes de retraite du régime général et des régimes alignés, des chômeurs et préretraités dont les cotisations étaient prises en charge par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Parallèlement, avait été supprimée la prise en compte, dans l'établissement de la prestation de référence, des majorations pour enfant servies par le même FSV.
Le bilan, pour les cinq dernières années de la situation des différents régimes de retraite au regard des mécanismes de compensation et de surcompensation, fait ressortir à quel point la Cnav demeure pénalisée par cette opération de « tuyauterie » extrabudgétaire. Le régime général apparaît en effet comme le grand perdant de la période 2002-2007 dans la mesure où sa contribution s'est accrue de 900 millions d'euros par an.
* 4 Rapport d'information de la Mecss : « Finances sociales : après la rechute, la guérison ? - Alain Vasselle - Rapport n° 403 (2006-2007) - p. 56 et 57.
* 5 Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, supprimé par la loi de finances pour 2004.
* 6 Rapport d'information n° 311 (2006-2007) de la Mecss : « La compensation vieillesse est-elle encore réformable ? » - Claude Domeizel et Dominique Leclerc - p. 31.