II. LES DEUX PROPOSITIONS DE RÉSOLUTION : ENTRE CRITIQUES ET REJET COMPLET
Les deux propositions de résolution, celle de la délégation pour l'Union européenne du Sénat et celle du groupe Communiste Républicain et Citoyen, sont particulièrement critiques. Si la seconde conclut en demandant le retrait pur et simple du texte, la première émet des réserves importantes qui remettent en cause, à tout le moins, l'économie globale de la proposition de directive.
A. UN TEXTE À FAIBLE VALEUR AJOUTÉE VOIRE CONTRE PRODUCTIF
1. Le non respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité
Le premier reproche, essentiellement relayé par la délégation pour l'Union européenne, est que cette proposition de directive serait inutile et contraire aux principes de subsidiarité et de proportionnalité.
La délégation s'interroge sur la « valeur ajoutée » de cet instrument et l'intérêt de définir des règles uniformes au niveau européen en matière d'éloignement des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Selon la Commission européenne, de telles mesures permettraient d'éviter que les clandestins utilisent les différences existantes en la matière entre les législations nationales pour choisir de se rendre dans l'Etat membre dont la législation offre les garanties les plus grandes pour les étrangers en situation irrégulière.
La délégation juge cette affirmation contestable, le choix de se rendre dans tel ou tel Etat membre semblant davantage motivé par les liens que peut avoir la personne concernée avec le pays en question, la possibilité d'y être régularisé et d'y exercer un emploi clandestin ou encore de bénéficier de certains avantages sociaux.
Votre rapporteur, qui fut également le rapporteur de la commission d'enquête du Sénat sur l'immigration clandestine 9 ( * ) , partage cette appréciation. Si les filières d'immigration clandestine jouent incontestablement sur les différences de législation en matière d'asile, de travail ou de règles de séjour, il ne semble pas en revanche que les différences procédurales en matière d'éloignement facilitent l'immigration illégale ou soient à l'origine de mouvements secondaires entre Etats membres de personnes en situation illégale.
Ainsi, dans le cas de la France, le fait que notre pays ait la durée maximale de rétention la plus courte (trente deux jours) n'est pas un élément permettant d'expliquer que certains étrangers en situation illégale choisissent de s'installer dans notre pays plutôt que dans un autre.
Enfin, la résolution de la délégation reproche à la directive d'être excessivement détaillé. A titre d'exemple, elle cite la disposition prévoyant que le placement en rétention ne peut être décidé que par l'autorité judiciaire, sauf urgence. Cette disposition méconnaît la répartition des compétences entre autorités administrative et judiciaire dans plusieurs Etats membres. Ainsi, en France, au Royaume-Uni, en Belgique, au Danemark, en Italie ou en Espagne, c'est l'autorité administrative qui décide du placement en rétention pour une durée n'excédant pas généralement 48 ou 72 heures 10 ( * ) . A l'issue de ce délai, le juge intervient pour autoriser la prolongation de la rétention.
Si la directive était adoptée en l'état, cette répartition des compétences ne serait plus possible alors même qu'elle ne pose pas de difficultés particulières.
* 9 Rapport n° 300 (2005-2006).
* 10 Voir l'étude de législation comparée du Sénat n°162 (avril 2006) sur l'expulsion des étrangers en situation irrégulière.