2. Des restrictions compatibles avec les engagements internationaux de la France
S'agissant du respect des engagements internationaux auxquels la France est partie, le Comité des droits de l'homme des Nations-Unies 26 ( * ) ne s'est pas prononcé sur les restrictions au corps électoral des assemblées de province et du congrès, mais seulement sur les restrictions visant la consultation du 8 novembre 1998 et les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté, qui pourront intervenir entre 2014 et 2019.
Il a d'ailleurs estimé que ces restrictions « reposent sur des éléments objectifs de différenciation entre résidents dans leur relation avec la Nouvelle-Calédonie » et que « les critères de définition des corps électoraux pour les consultations de 1998 et à compter de 2014 ne sont pas discriminatoires mais reposent sur des motifs de différenciation objectifs, raisonnables et compatibles avec les dispositions du Pacte. »
En ce qui concerne la durée de résidence 27 ( * ) requise pour participer à ces consultations, il considère que les seuils fixés « ne sont pas excessifs dans la mesure où ils s'inscrivent dans le cadre de la nature et de l'objet de ces scrutins, à savoir un processus d'autodétermination impliquant la participation de personnes justifiant d'attaches suffisantes au territoire dont l'avenir est en jeu ».
En revanche, la Cour européenne des droits de l'homme s'est prononcée sur la compatibilité des restrictions apportées au corps électoral des assemblées de province et du congrès avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), dans un arrêt Py contre France , du 11 janvier 2005 28 ( * ) .
Le requérant invoquait l'article 3 du protocole n° 1 à la convention, aux termes duquel les Etats parties s'engagent à « organiser, à intervalles raisonnables, des élections libres au scrutin secret, dans les conditions qui assurent la libre expression de l'opinion du peuple sur le choix du corps législatif ».
Examinant tout d'abord l'étendue des compétences attribuées au congrès de la Nouvelle-Calédonie par la loi organique du 19 mars 1999, la Cour a estimé qu'il exerçait un rôle déterminant dans le processus législatif en Nouvelle-Calédonie et qu'il se trouvait « suffisamment associé à ce processus législatif spécifique pour être considéré comme une partie du « corps législatif » de la Nouvelle-Calédonie. ».
Vérifiant ensuite s'il existe en Nouvelle-Calédonie des nécessités locales pouvant justifier, conformément à l'article 56 de la CEDH 29 ( * ) , les restrictions au droit de vote pour l'élection aux assemblées de province et au congrès, la Cour « constate que le statut actuel de la Nouvelle-Calédonie correspond à une phase transitoire avant l'accession à la pleine souveraineté et s'inscrit dans un processus d'autodétermination ».
Elle relève qu'il s'agit d'un « système inachevé et transitoire » et « qu'après une histoire politique et institutionnelle tourmentée, cette condition de dix ans de résidence fixée par le statut du 19 mars 1999 a constitué un élément essentiel à l'apaisement du conflit meurtrier ».
La Cour juge par conséquent que « l'histoire et le statut de la Nouvelle-Calédonie sont tels qu'ils peuvent être considérés comme caractérisant des « nécessités locales » de nature à permettre les restrictions apportées au droit de vote du requérant ».
* 26 Institué par l'article 28 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
* 27 De vingt ans.
* 28 Cf les extraits de cet arrêt en annexe au présent rapport.
* 29 Le troisième alinéa de cet article stipule que dans les territoires notifiés par les Etats parties, « les dispositions de la convention seront appliquées en tenant compte des nécessités locales ».