2. Une surcharge provoquant l'effondrement en cascade du réseau européen de transport
A la suite d'une manoeuvre comme celle-ci, le courant électrique emprunte mécaniquement d'autres lignes à haute tension, situées plus au sud dans le cas d'espèce. C'est à ce moment que le centre de contrôle d'E.ON Netz a constaté des flux d'électricité de l'est vers l'ouest très importants sur les lignes « de rechange », entraînant une surcharge et la mise hors service automatique de deux autres lignes de transport 4 ( * ) . D'après les premiers éléments d'information disponibles, des opérations manuelles réalisées par E.ON Netz auraient pu contribuer à augmenter les surcharges subies par ces lignes. Dès lors, le « décrochage » de ces deux lignes à 22h10 a conduit à accroître les flux d'électricité sur le reste du réseau de transport, provoquant une réaction en chaîne du nord au sud de l'Europe . Une vingtaine de lignes à haute tension se sont alors déconnectées automatiquement en moins de 30 secondes en Allemagne, en Autriche et en Croatie, conduisant à la division du réseau électrique européen, d'habitude totalement interconnecté, en trois zones indépendantes :
- une zone ouest allant de la partie ouest de la Croatie au Portugal et aux Pays-Bas, englobant également la partie ouest de l'Allemagne et de l'Autriche ainsi que la France ;
- une zone nord-est comprenant la partie est de l'Autriche et de l'Allemagne ainsi que la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie et la Hongrie ;
- une zone sud-est composée de la Grèce, de l'Albanie, de la Macédoine, de la Bulgarie, de la Serbie, du Monténégro, de la Bosnie-Herzégovine et de la partie est de la Croatie.
Source : RTE
3. Un déséquilibre offre/demande
a) Une baisse de la fréquence
La déconnexion de ces trois zones a conduit à des déséquilibres entre la production et la consommation, de nature différente dans chacune de ces trois zones, alors que, pour assurer le bon fonctionnement du réseau électrique, les deux composantes de cette équation doivent être strictement équilibrées.
Ainsi, dans la zone nord-est , la production a été supérieure d'environ 6.000 MW à la consommation, ce qui a entraîné une augmentation de la fréquence 5 ( * ) de l'électricité sur le réseau de 50 à 51 hertz . En revanche, dans les deux autres zones , au sein de laquelle se trouvait notamment la France, la production d'électricité a été insuffisante pour satisfaire la consommation, entraînant ainsi une diminution de la fréquence à 49 hertz dans la zone ouest et à 49,75 hertz dans la zone sud-est 6 ( * ) .
Source : RTE
Comme la plupart des réseaux électriques dans le monde 7 ( * ) , le système électrique européen fonctionne sur la base d'une fréquence de 50 hertz. Ainsi en va-t-il des moyens de production qui sont conçus pour fonctionner dans ces conditions. Comme le souligne RTE, « toutes les machines qui produisent de l'électricité «tournent» à ce rythme de façon synchronisée, ce qui les «solidarise» les unes aux autres ». Dès que la fréquence dépasse ce niveau ou chute de manière importante, les installations de production se déconnectent automatiquement.
Par ailleurs, avec la baisse de la fréquence, des automatismes se mettent en marche sur le réseau de distribution pour enrayer cette évolution, ce qui conduit alors à priver une partie des consommateurs d'alimentation électrique. En vertu des règles fixées par l'Union pour la coordination du transport d'électricité en Europe (UCTE) 8 ( * ) , chaque système électrique doit disposer d'un plan de délestage.
* 4 Liaisons Wehrendorf-Landesbergen et Bechterdissen-Elsen.
* 5 Le courant électrique est un courant alternatif dont la polarité (bornes positive et négative) s'inverse plusieurs fois par seconde. Une fréquence de 50 hertz implique cent changements de polarité par seconde.
* 6 La chute de la fréquence a été moins importante dans la zone sud-est en raison d'un déficit de production moindre.
* 7 Exception faite des pays d'Amérique du nord, du Brésil ou du Japon, où la fréquence se situe à 60 hertz.
* 8 Organisation qui regroupe les transporteurs d'électricité européens.