B. LES OBSERVATIONS TRANSVERSALES DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. Carte scolaire et fonctionnement du système scolaire
Promue au rang de thème de campagne présidentielle, la carte scolaire a suscité, cette année, de nombreux débats au regard de l'égalité des chances, déclarée cause nationale de l'année 2006.
La question de la carte scolaire représente un enjeu majeur car elle est au coeur de l'organisation du système scolaire. La maintenir, l'assouplir, ou la supprimer constitue donc une interrogation fondamentale sur la manière dont fonctionne le système scolaire.
Créée en 1963, la carte scolaire a une double mission : en premier lieu, répartir de façon optimale les professeurs et les élèves sur le territoire, en second lieu, veiller à la mixité sociale par la sectorisation des élèves en fonction de leur lieu de domicile. Aujourd'hui ces objectifs sont mis à mal et une certaine hypocrisie de la carte scolaire est dénoncée.
D'une part, les stratégies de contournement et les demandes de dérogation, notamment dans les grandes zones urbaines, ont eu pour effet d'augmenter, non la mixité, mais l'homogénéisation sociale avec la constitution de certains « ghettos scolaires » ;
D'autre part, l'efficacité de la gestion apparaît incertaine . Rappelons que la carte scolaire ne comprend pas l'ensemble des formations proposées, puisque ni l'enseignement privé ni l'enseignement agricole ne relèvent de son périmètre.
Or les polémiques récurrentes concernant l'attrait croissant de l'enseignement privé, dont les moyens évoluent selon un principe de parité avec l'enseignement public, soulignent la non satisfaction d'une demande qui peut être légitime. De même, la coexistence, sur certains territoires, de l'enseignement général, de l'enseignement professionnel et de l'enseignement agricole peut déboucher sur des frictions insatisfaisantes.
L'assouplissement de la carte scolaire poserait deux problèmes majeurs. Premièrement, la question de l'autorité la plus compétente pour servir une meilleure justice sociale. Comme l'a démontré une étude de deux sociologues en 1985, suite à l'expérimentation d'assouplissement menée à la rentrée 1984, ce sont surtout les familles des classes moyennes et supérieures qui ont profité des marges de manoeuvre supplémentaires. A cet égard, il apparaît nécessaire d'associer plus directement les collectivités territoriales, les communautés d'agglomération, les communautés urbaines, à l'établissement des implantations scolaires.
Cependant un second problème se poserait immédiatement, qui est celui de l'adaptation de l'offre et de la demande, et du risque permanent du double emploi, de l'insatisfaction des parents ainsi que l'augmentation des problèmes logistiques à la charge des collectivités locales.
En raison de ces difficultés, un assouplissement buterait sur de réels obstacles. Dès lors, ne faut-il pas réfléchir à une véritable « révolution » ?
En effet, le choix de la suppression présenterait la possibilité de rénover profondément l'organisation du système scolaire . Permettre aux parents de choisir l'établissement scolaire de leurs enfants, tout comme permettre à l'équipe pédagogique des établissements de recruter leurs élèves, nécessite de placer les établissements d'enseignement au coeur du système. Ces derniers seraient amenés à construire des projets éducatifs personnalisés, impliquant et motivant l'ensemble de la communauté éducative.
Néanmoins, un tel système ne peut fonctionner sereinement que si des méthodes efficaces d'évaluation des performances de ces établissements sont mises en place. A cet égard, votre rapporteur spécial souligne qu'il est impératif de pouvoir procéder à une évaluation des résultats de l'équipe enseignante face aux élèves. Plus précisément, il ne s'agit pas d'évaluer des performances brutes mais la capacité des responsables concernés à faire progresser un élève.
En conclusion, votre rapporteur spécial se réjouit que la question de la carte scolaire soit publiquement posée. Il estime cette dernière fondatrice d'une rénovation profonde du système scolaire.