B. UNE SOUTENABILITÉ DE LA NORME DE DÉPENSE LIÉE À LA RÉUSSITE DE LA RÉFORME DE L'ETAT

La difficulté à financer en loi de finances initiale certains postes de dépenses conduit à s'intéresser à la soutenabilité - sur courte et moyenne période - de la politique de réduction de la dépense publique en volume voulue par le gouvernement, et souhaitée par la commission des finances.

Si la démarche de réforme de l'Etat engagée par le gouvernement ne porte pas rapidement ses fruits, et si les audits de performances ne sont pas suivis d'effets substantiels, le risque est grand que les tentatives actuelles visant à éluder les contraintes de la norme de dépense, par le biais de la dépense fiscale ou de certaines affectations de recettes contestables (contraires au moins à l'esprit de la LOLF dont l'intention était de limiter les exceptions aux règles d'unité et d'universalité budgétaire en prévoyant notamment pour les comptes d'affectation spéciale que les recettes affectées soient « en relation directe » avec les dépenses) ne se multiplient.

1. Les marges de manoeuvre limitées dégagées par les audits de performance

La capacité à tenir, sur la durée, une norme de dépense ambitieuse tient évidemment à la capacité à dégager des gains de productivité importants. Tel est l'objet des 100 audits de modernisation, lancés par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et portant sur 100 milliards d'euros de dépenses.

Certes, ces audits ont permis à la direction du budget d'arriver « en position de force » au moment des discussions budgétaires. Le gouvernement indique dans son dossier de presse que les rapports d'audit identifient 3 milliards d'euros de gains de productivité potentiels sur trois ans. La seule réforme des achats apporterait en 3 ans entre 1,2 et 1,5 milliard d'euros d'économies (soit 10 % du montant total des achats). Or l'audition par la commission des finances des responsables des achats de Bercy, qui ont initié la réforme, et qui s'étaient fixés 150 millions d'euros d'économies en 3 ans, montre que les résultats ont été au rendez-vous la 1 ère année (50 millions d'euros d'économies), mais que l'année suivante était beaucoup plus difficile.

Les premières économies sont toujours les plus simples à réaliser.

Ainsi, un suivi de l'application des préconisations des audits s'avère aujourd'hui indispensable afin d'évaluer précisément la traduction budgétaire pouvant en être attendue.

a) L'analyse récente de votre commission des finances sur les « audits de modernisation »

Le rapport d'information 24 ( * ) de votre commission des finances sur les audits de modernisation et la réforme de l'Etat souligne certes que la réforme de l'Etat est aujourd'hui en marche . Un lien a enfin été réalisé entre réforme de l'Etat et recherche d'une meilleure gestion des moyens. L'organisation retenue pour moderniser l'Etat est la bonne, et constitue un acquis à préserver. Elle donne à la réforme de l'Etat l'objectif qui lui manquait : assurer aux Français un meilleur service public au meilleur coût. Un toilettage bienvenu des structures et des procédures est en cours.

La démarche d'audit reste toutefois perfectible. Elle mériterait d'être généralisée aux opérateurs de l'Etat, étendue aux administrations de sécurité sociale, ainsi qu'à des sujets majeurs comme les modes de rémunération et de gestion de carrière des fonctionnaires. Les audits restent encore de qualité inégale, le recours aux consultants parfois timide. « L'audit » réalisé par la commission des finances ne recense de préconisations chiffrées que pour moins de 50 % des audits des premières vagues.

Si elle constate que la plupart des administrations jouent désormais le jeu de la réforme, votre commission des finances note une difficulté dans le passage de relais entre l'équipe d'audit et l'administration chargée de la mise en oeuvre. Elle s'interroge sur la création d'« équipes d'appui à la mise en oeuvre des audits », épaulant les administrations concernées.

Des gains ambitieux espérés à ce stade, environ 3 milliards d'euros en 3 ans, il faut tirer enfin la conclusion que la réforme en cours ne constitue pas un « grand soir de la dépense publique » . Les audits de modernisation ont un effet modérateur sur l'évolution des crédits, mais leur impact reste trop marginal pour provoquer une diminution de la dépense, préalable indispensable à la réduction des prélèvements obligatoires. La réforme de l'Etat à la française n'a pas l'ampleur de celle réalisée au cours des années 1990 au Canada. En plus du « toilettage » déjà engagé des structures et des procédures, des audits, plus fondamentaux, sur les missions de l'Etat , conduisant à un réexamen de la légitimité de certaines de ses actions, s'avèrent indispensables.

b) La réforme de l'Etat ne doit pas être en « trompe l'oeil »

Le projet de loi de finances pour 2007 contient une importante expérimentation relative aux « loyers budgétaires », dans le cadre de la réforme de la gestion de l'immobilier de l'Etat. Elle a vocation à inciter les ministères à arbitrer entre différentes occupations domaniales, ainsi qu'entre occupation domaniale et location.

Les loyers seront assis sur la valeur vénale des immeubles dont l'Etat est propriétaire. Or cette valeur vénale ne paraît pas calculée de manière complètement satisfaisante par les différentes administrations

Ainsi , la mission d'audit sur la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat considère que le loyer budgétaire, expérimenté dans quelques ministères en 2006, et qui a vocation à s'appliquer à tous les immeubles d'administration centrale en 2007, constitue « un mécanisme complexe pour des avantages attendus modérés ». Le rapport souligne que « tel qu'il est expérimenté aujourd'hui, le loyer budgétaire nous semble un mécanisme fragile qui ne peut à lui seul réussir à atteindre l'objectif de rationalisation de l'occupation du patrimoine contrôlé par l'État qui lui est fixé. En effet, l'écart entre le niveau des loyers de marché et des loyers budgétaires, qui résulte aussi bien de l'imprécision des évaluations des immeubles inscrites au tableau général des propriétés de l'Etat que du choix du taux de 5,12 %, biaise les arbitrages attendus entre la location et l'occupation domaniale mais aussi entre deux occupations domaniales. Situés au-dessus des loyers de marché, les loyers budgétaires pourraient inciter à des prises à bail injustifiées qui auraient pour conséquence d'alourdir les charges de fonctionnement de l'État ; situés en dessous des loyers de marchés, ils pourraient au contraire figer toute incitation à déménager ou à réduire les surfaces occupées ».

La mission souligne par ailleurs que « le choix de faire payer aux administrations occupantes des loyers s'accompagnant de flux monétaires réels induit des coûts de recouvrement non négligeables, plus importants que ceux induits dans les entreprises par des flux retracés en comptabilité analytique ».

* 24 Rapport d'information n° 45 (2006-2007) de M. Jean Arthuis au nom de la commission des finances.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page