N° 343
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006
Annexe au procès-verbal de la séance du 10 mai 2006 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur :
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, portant réforme des successions et des libéralités ;
- et la proposition de loi de MM. Patrice GÉLARD, Philippe LEROY, Daniel GOULET, Jean-Jacques HYEST, François GERBAUD, Jean-René LECERF, Alain MILON, Yannick TEXIER, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. François-Noël BUFFET, José BALARELLO, Bernard FOURNIER, Charles PASQUA, Jean-Luc MIRAUX, René GARREC, Christian COINTAT, Michel ESNEU, Paul NATALI, André FERRAND, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, MM. Louis GRILLOT, Henri de RAINCOURT, Jean-Patrick COURTOIS, Charles GUENÉ, Pierre ANDRÉ, Hugues PORTELLI, Marcel-Pierre CLÉACH, Bernard SAUGEY, Henri de RICHEMONT, Louis DUVERNOIS, Jean-Marc JUILHARD, Mme Janine ROZIER, MM. Michel GUERRY, Roland du LUART, Michel DOUBLET, Jean BIZET, Michel HOUEL et Mme Colette MÉLOT, relative au régime des biens acquis postérieurement à la conclusion d'un pacte civil de solidarité ,
Par M. Henri de RICHEMONT,
Sénateur.
Tome I : Rapport
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Jacques Hyest, président ; MM. Patrice Gélard, Bernard Saugey, Jean-Claude Peyronnet, François Zocchetto, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Georges Othily, vice-présidents ; MM. Christian Cointat, Pierre Jarlier, Jacques Mahéas, Simon Sutour, secrétaires ; M. Nicolas Alfonsi, Mme Michèle André, M. Philippe Arnaud, Mme Eliane Assassi, MM. Robert Badinter, José Balarello, Laurent Béteille, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. François-Noël Buffet, Christian Cambon, Marcel-Pierre Cléach, Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Yves Détraigne, Michel Dreyfus-Schmidt, Pierre Fauchon, Gaston Flosse, Bernard Frimat, René Garrec, Jean-Claude Gaudin, Charles Gautier, Philippe Goujon, Mme Jacqueline Gourault, MM. Charles Guené, Jean-René Lecerf, Mme Josiane Mathon-Poinat, MM. Hugues Portelli, Henri de Richemont, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Troendle, MM. Alex Türk, Jean-Paul Virapoullé, Richard Yung.
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2427 rectifié, 2850 et T.A. 536
Sénat : 162 (2004-2005), 223 (2005-2006)
Successions et libéralités. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION Réunie le mercredi 10 mai 2005 sous la présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, la commission des lois a examiné, sur le rapport de M. Henri de Richemont, le projet de loi n° 223 (2005-2006) adopté par l'Assemblée nationale portant réforme des successions et des libéralités . Après avoir rappelé qu'aucune réforme d'ensemble n'était intervenue depuis 1804, malgré trois tentatives au cours des vingt dernières années, le rapporteur a mis en exergue la longueur des procédures de règlement des successions et l'inadaptation du droit des libéralités aux évolutions de la société. S'agissant des dispositions relatives au droit des successions, il a indiqué que le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale visait à : - accélérer et simplifier le règlement des successions, notamment en modernisant le régime de l'acceptation sous bénéfice d'inventaire, profondément remanié et renommé acceptation à concurrence de l'actif net ; - améliorer la gestion du patrimoine successoral grâce à une réforme du régime de l'indivision et un recours accru à différentes formes de mandats (mandat à effet posthume, mandat conventionnel et mandat judiciaire) ; - accélérer les opérations de partage en favorisant le recours aux partages amiables et en permettant la représentation de l'héritier inerte en cas de partage judiciaire. M. Henri de Richemont, rapporteur, a ensuite indiqué que le projet de loi étendait le pouvoir de disposer de ses biens et de ses droits par des libéralités au moyen de diverses dispositions tendant à : - aménager les règles relatives à la réserve héréditaire , l'Assemblée nationale ayant notamment supprimé la réserve des ascendants tout en prévoyant un droit de retour sur les biens donnés en avancement de part successorale à leur enfant prédécédé ; - assurer une plus grande sécurité juridique aux libéralités et un meilleur respect des volontés de leur auteur , en posant le principe de la réduction en valeur des libéralités excessives et en réduisant sensiblement le délai de prescription de l'action en réduction des libéralités excessives ; - permettre à un héritier réservataire de renoncer par anticipation , avec l'accord de celui dont il a vocation à hériter, à exercer son action en réduction contre une libéralité portant atteinte à sa réserve ; - autoriser plus largement les libéralités graduelles et résiduelles ; - étendre le champ d'application des donations-partages et des testaments-partages aux héritiers présomptifs, aux petits-enfants, ainsi qu'aux entreprises exploitées en société ; Il a ajouté que le projet de loi prévoyait de réformer la quotité disponible spéciale entre époux afin de distinguer selon que la succession comporte ou non des enfants non communs, le conjoint survivant ne pouvant, en présence d'enfants non communs, recevoir plus de la moitié des biens en usufruit, contre la totalité actuellement. Le rapporteur a enfin souligné qu'à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale avait modifié les règles relatives au PACS afin de prévoir sa mention en marge de l'acte de naissance , de modifier son régime patrimonial -actuellement l'indivision- en prévoyant la séparation de biens , et d'étendre au partenaire survivant la jouissance gratuite du logement pendant un an ainsi que l'attribution préférentielle de droit du logement, à charge de verser une soulte le cas échéant. La commission des lois a adopté 115 amendements ayant pour objet principal : - d' encadrer le dispositif de mandat à effet posthume , en substituant à la possibilité de conclure un mandat pour une durée indéterminée la faculté de conclure un mandat pour une durée de cinq ans prorogeable par le juge ( articles 812 à 812-8 du code civil - article 1 er du projet de loi ) ; - de sécuriser le dispositif de renonciation anticipée à exercer l'action en réduction , en prévoyant la présence de deux notaires, le renonçant devant être représenté par un notaire désigné par le président de la chambre des notaires, afin de prévenir des pressions familiales ( articles 929 à 930-5 du code civil -article 14 du projet de loi ) ; - de supprimer la réforme de la quotité disponible spéciale entre époux, au motif qu'elle constituait une atteinte excessive à la liberté de tester ( articles 1094-1 et 1094-2 du code civil - article 21 du projet de loi ) ; - de confirmer la validité de la clause de reprise des apports de biens propres en cas de divorce contenue dans un contrat de mariage ou dans un acte modificatif de régime matrimonial, dite « clause alsacienne » ( article 265 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis du projet de loi ) ; - de permettre aux enfants d'un premier lit de renoncer à l'exercice de l'action en retranchement avant le décès de l'époux survivant ( article 1527 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis du projet de loi ) ; - et enfin de déjudiciariser le changement de régime matrimonial ( articles 1396 et 1397 du code civil - article additionnel après l'article 26 bis du projet de loi ). La commission propose d'adopter le projet de loi ainsi modifié. |
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Après l'Assemblée nationale les 21 et 22 février derniers 1 ( * ) , le Sénat est appelé à examiner en première lecture le projet de loi portant réforme des successions et des libéralités.
Ce texte est très attendu, tant par les praticiens que par les familles.
En effet, en dépit de plusieurs tentatives, le droit des successions et des libéralités* n'a pas connu de réforme d'ensemble depuis la rédaction du code civil en 1804.
Cette situation a entraîné de graves conséquences.
Les familles se trouvent confrontées à des liquidations de successions parfois extrêmement longues et inutilement conflictuelles. La gestion des patrimoines successoraux s'en trouve compliquée, avec pour conséquence une dépréciation des biens. Le régime de l'indivision*, dans lequel toute décision requiert l'unanimité des indivisaires, est particulièrement critiqué. La transmission harmonieuse des entreprises n'est pas garantie. Quant au droit des libéralités, il s'avère inadapté aux évolutions de la société.
L'élaboration du projet de loi, qui porte sur près de 250 articles du code civil, a été précédée d'une importante concertation. Elle a pu s'appuyer à la fois sur les nombreuses tentatives de réforme entreprises au cours des vingt dernières années, sans jamais aboutir, et sur l'envoi d'un questionnaire à l'ensemble des notaires de France, en 2004, pour permettre d'identifier leurs difficultés et leurs attentes ainsi que celles des familles.
Indispensable et attendue, la réforme proposée s'avère globale et largement consensuelle. Souscrivant aux dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, à l'exception notable de la modification de la quotité disponible spéciale entre époux, votre commission vous proposera de les conforter et de les compléter.
I. UNE RÉFORME INDISPENSABLE ET TRÈS ATTENDUE
La réforme des successions et des libéralités, souvent annoncée mais jamais réalisée, répond à des attentes fortes et légitimes.
A. UNE GENÈSE MOUVEMENTÉE
Pendant près de vingt ans, cette réforme a constitué l'Arlésienne législative.
1. Le dépôt et l'absence d'inscription à l'ordre du jour des assemblées de trois projets de loi successifs
Les conclusions d'un groupe de travail sur la réforme du droit des successions, animé par le doyen Jean Carbonnier et le professeur Pierre Catala, ont conduit au dépôt sur le bureau des assemblées de trois projets de loi en sept ans , par des gouvernements appartenant à des majorités politiques différentes :
- le premier projet de loi 2 ( * ) , présenté le 21 décembre 1988 par M. Pierre Arpaillange, tendait à modifier environ 200 articles du code civil consacrés à l'ouverture, à la transmission, à la liquidation et au partage* des successions ;
- le deuxième projet de loi 3 ( * ) , présenté le 23 décembre 1991 par M. Michel Sapin, avait pour objet de compléter et de clarifier les dispositions relatives aux différents ordres* de succession, d'accroître les droits du conjoint survivant et de supprimer les discriminations dont les enfants adultérins faisaient l'objet.
- le troisième projet de loi 4 ( * ) , déposé le 8 février 1995 par M. Pierre Méhaignerie, fusionnait les dispositions des deux textes précédents.
Aucun de ces projets de loi n'a été inscrit à l'ordre du jour de l'une ou l'autre assemblée.
* 1 Sur le rapport n° 2850 (Assemblée nationale - douzième législature) de M. Sébastien Huyghe au nom de la commission des lois.
* 2 Projet de loi n° 511 (Assemblée nationale - neuvième législature).
* 3 Projet de loi n° 2530 (Assemblée national - neuvième législature).
* 4 Projet de loi n° 1941 (Assemblée nationale - dixième législature).