2. Une novation : la prise en compte de l'environnement du retour à l'emploi
Pour la première fois, un projet de loi tient compte non seulement des obstacles directement financiers du retour à l'emploi, c'est-à-dire de la comparaison entre salaire et revenu d'assistance, mais aussi de l'environnement de ce retour à l'emploi.
a) Aider les bénéficiaires à faire face aux frais de retour à l'emploi
S'appuyant sur l'expérience de quelques mois de la prime mise en place par le décret du 29 août 2005, le projet de loi crée une prime pérenne de retour à l'emploi.
D'un montant équivalent, soit 1.000 euros, son objectif est de permettre aux personnes qui reprennent un emploi de faire face aux frais entraînés par la reprise d'activité : il peut s'agir de reconstituer la garde-robe nécessaire à une activité professionnelle, d'acquérir un moyen de transport ou de passer son permis de conduire, de faire face aux premiers frais de garde d'enfant. La prime peut également permettre à un foyer d'assainir une situation financière qui s'est dégradée pendant la période de perception du minimum social ou de faire face aux créanciers qui, très souvent, se manifestent à nouveau lorsque la personne retrouve un emploi.
Le champ de cette nouvelle prime est cependant légèrement différent de celui retenu par le décret :
- s'agissant des catégories de bénéficiaires, la condition d'ancienneté au chômage est supprimée : l'ensemble des bénéficiaires de l'API, de l'ASS et du RMI peuvent désormais prétendre au bénéfice d'une prime. En revanche, le projet de loi ne prévoit pas de pérenniser la prime pour les bénéficiaires de l'AAH, pourtant visés par le décret. D'après les informations transmises à votre rapporteur, le régime décrétal devrait toutefois subsister en leur faveur jusqu'au terme prévu, soit jusqu'au 31 décembre 2006 ;
- s'agissant des emplois concernés, la prime instituée par le projet de loi ne souffre plus aucune restriction : les bénéficiaires des prestations susmentionnées qui reprennent un emploi pourront donc y prétendre quel que soit le type de contrat, y compris les contrats aidés, et quel que soit le secteur d'activité, marchand ou non.
A la fois par cohérence avec le dispositif d'intéressement et pour conforter l'aide apportée aux emplois qui permettent une véritable insertion professionnelle, le bénéfice de la prime de retour à l'emploi sera réservé aux personnes qui retrouvent un emploi d'une durée supérieure au mi-temps et dont l'activité professionnelle se prolonge au moins quatre mois.
Compte tenu du caractère particulièrement attractif d'une prime d'un tel montant, le dispositif semble particulièrement exposé aux risques de fraude. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit le versement de la prime au bout de quatre mois d'activité seulement et fixe à dix-huit mois le délai de carence pour bénéficier d'une nouvelle prime.
La prime de retour à l'emploi est à la charge de l'Etat pour les trois minima sociaux. Le coût de ce dispositif est évalué à 240 millions d'euros, sur la base des flux actuels de bénéficiaires qui retournent à l'emploi. Votre commission observe donc que si le dispositif a le succès espéré, le flux des bénéficiaires retournant à l'emploi devrait s'accroître : les dépenses pourraient donc être supérieures à ces prévisions.
b) Lever les obstacles matériels au retour à l'emploi : la question de la garde des enfants
Pour la première fois, le projet de loi aborde un obstacle très concret pour le retour à l'emploi : l'accès à un mode de garde pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux.
Trouver un mode de garde est un exercice difficile pour tous les parents qui travaillent, à cause du manque de places en crèche et de la rareté des modes de garde alternatifs. Il se révèle encore plus ardu pour les bénéficiaires de minima sociaux qui sont victimes d'un cercle vicieux : dans un contexte de pénurie, les gestionnaires de crèches donnent la priorité aux parents qui ont déjà un emploi et, plus encore, aux couples dont les deux membres travaillent. Les bénéficiaires de minima sociaux sont donc exclus de ce mode de garde, ce qui est paradoxal car il reste le moins onéreux, et cette exclusion pénalise en retour leur recherche d'emploi.
L'accès aux autres modes de garde (assistante maternelle ou garde à domicile) reste largement impossible, pour des raisons de coût, et ce malgré la mise en place de la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje). Ainsi, pour deux actifs à mi-temps, le taux d'effort que représente la rémunération d'une assistante maternelle s'élève à 15 % de leur salaire. Il monte même jusqu'à 33 % en région parisienne où le déséquilibre entre offre et demande a pour conséquence une augmentation considérable des tarifs de garde.
En conséquence, seuls 3 % des enfants de bénéficiaires de minima sociaux de moins de trois ans sont gardés en crèche. 80 % ne sont confiés à aucun mode de garde et restent à la charge d'un membre de la famille.
L'existence de cet obstacle spécifique au retour à l'emploi a toutefois fait l'objet d'une prise de conscience récente par les pouvoirs publics et plusieurs démarches ont été engagées ces derniers mois pour tenter de résoudre cette question : ainsi, la mise en oeuvre de la prestation de service unique, qui sert de base au financement de toutes les crèches depuis le 1 er janvier 2005, s'est accompagnée d'une obligation pour les crèches de supprimer de leur règlement intérieur la condition de double activité professionnelle des parents. Par ailleurs, la convention d'objectifs et de gestion de la caisse nationale des allocations familiales (CNAF) pour la période 2005-2008 a fait de l'accès aux modes de garde des bénéficiaires de minima sociaux, et plus particulièrement de l'API, une priorité de son action sociale : à ce titre, la mise en place par les Caf d'un accompagnement social spécifique pour ces parents isolés, est prévue.
Le présent projet de loi va plus loin, en proposant la mise en place d'une priorité d'accès en crèche pour les enfants de bénéficiaires de minima sociaux. Cependant, l'Assemblée nationale a contesté cette priorité, estimant qu'elle risquait d'être peu effective car très délicate à manier vis-à-vis des autres parents.
Aussi, elle lui a préféré un dispositif de « places disponibles garanties » : chaque établissement devra définir un volant de places mobilisables en faveur de ces enfants et garantir leur disponibilité, soit en réservant effectivement ces places, soit en faisant usage de la possibilité d'accueil en surnombre, récemment créée. Afin de permettre une définition de ce volant de places au plus près du terrain, celle-ci sera effectuée dans le cadre des conventions de financement passées par chaque établissement avec les caisses d'allocation familiale (Caf). Cette procédure permettra également, si la solution de places effectivement mises en réserve est retenue par certains établissements, de négocier une rémunération de cette réservation avec les Caf.