II. EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mercredi 22 juin 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique Leclerc sur le projet de loi n° 411 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale .
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a tout d'abord fait valoir que ce texte, attendu par un secteur en pleine évolution, est un élément essentiel dans la bataille pour l'emploi.
Il a indiqué que le projet comprend deux parties distinctes : la première concerne le développement des services à la personne, avec l'objectif de permettre la création de 500.000 emplois en trois ans, et la seconde rassemble différentes mesures destinées à améliorer ou prolonger certains dispositifs de la loi de cohésion sociale du 18 janvier dernier.
En ce qui concerne le premier volet, il a souligné la nécessité de surmonter certains obstacles culturels, qui freinent encore le développement des services d'aide à la personne. L'évolution des mentalités entraînera des arbitrages dans les budgets des ménages, en contrepartie de l'amélioration de la qualité de vie et du renforcement du lien social qui en résulteront.
M. Dominique Leclerc, rapporteur , a exposé les trois objectifs principaux du texte : la solvabilisation de la demande de services, afin de promouvoir un accès universel à des services de qualité, la simplification de l'accès aux services, notamment par la création du chèque-emploi-service universel (CESU), et la professionnalisation du secteur pour garantir la qualité des prestations.
Il a tout d'abord indiqué que le projet de loi contient des dispositifs incitatifs, tendant à solvabiliser la demande de services : la suppression de toute cotisation patronale pour les prestataires ayant reçu un agrément de l'État, l'allègement de quinze points de charges au profit des particuliers employeurs, l'exonération de cotisations sociales sur la partie du CESU financée par l'employeur, un crédit d'impôt de 25 % pour les entreprises sur la base de cet abondement, le maintien du taux de TVA réduit à 5,5 % pour les professionnels du secteur des services d'aides à la personne et de la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile. Il a précisé, à cet égard, que toutes ces exonérations seront intégralement compensées à la sécurité sociale par l'État.
Puis il a fait valoir que la création du chèque-emploi-service universel (CESU), au financement duquel les entreprises pourront participer, permettra de simplifier l'accès aux services. Dans ce cas, les chèques abondés seront préremplis et pourront être utilisés pour toutes les prestations envisagées. Gage supplémentaire de simplification, les banques se sont engagées à en assurer la diffusion dès le 1 er janvier 2006.
Il a enfin souligné que la qualité des prestations sera garantie grâce à la professionnalisation du secteur et à l'octroi d'un agrément. En revanche, le régime applicable aux services rendus aux publics vulnérables (enfants, personnes âgées, handicapées ou dépendantes) demeure inchangé.
La mise en oeuvre de la réforme devrait être rapide et sera confiée à un interlocuteur unique, l'Agence nationale des services à la personne, dont la création est annoncée pour septembre 2005.
Le rapporteur a par ailleurs souligné le large consensus recueilli par cette première partie du texte grâce à la concertation approfondie qui a précédé son élaboration. L'Assemblée nationale n'y a apporté aucune modification substantielle et les amendements qu'il présentera ne la remettront pas en cause.
M. Dominique Leclerc, rapporteur, a précisé ensuite que les dispositions du titre II tendent à améliorer l'efficacité de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale. Elles se rapportent essentiellement aux contrats aidés et à l'apprentissage et prévoient notamment :
- d'autoriser le contrat d'avenir pour une durée inférieure à deux ans mais d'au moins six mois pour les ateliers et les chantiers d'insertion ;
- de permettre aux communes d'être directement signataires, avec l'État, d'une convention les autorisant à organiser elles-mêmes des ateliers et des chantiers d'insertion ;
- d'ouvrir le contrat d'avenir et le contrat d'insertion-revenu minimum d'activité (CI-RMA) aux titulaires de l'allocation aux adultes handicapés, afin de leur offrir une voie supplémentaire d'entrée sur le marché du travail ;
- d'apporter, sous certaines conditions, des assouplissements relatifs au travail des apprentis mineurs la nuit, le dimanche et les jours fériés. Le rapporteur a toutefois annoncé la présentation d'un amendement visant à mieux coordonner et encadrer ces dispositions ;
- d'affecter une partie des ressources du fonds national de développement et de modernisation de l'apprentissage au financement des centres nationaux de formation des apprentis ;
- de ramener à un mois la présence minimale de l'apprenti dans l'entreprise pour bénéficier du crédit d'impôt, actuellement fixée à six mois. Le rapporteur a également indiqué qu'il présenterait un amendement à ce sujet.
Enfin, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a présenté les quatre dispositions relatives au logement, ajoutées au texte lors de son examen par l'Assemblée nationale : la première prévoit de favoriser une meilleure garantie contre les impayés de loyer, afin d'inciter les propriétaires à louer leurs biens aux ménages les plus modestes ; la deuxième ouvre la possibilité de ramener de un an à neuf mois la durée du bail des logements meublés loués aux étudiants ; la troisième crée une exonération temporaire d'impôt sur les plus-values de cession de terrains ou d'immeubles vendus à des bailleurs sociaux pour accélérer les projets de construction de logements sociaux ; la quatrième remplace l'actuel indice du coût de la construction, à compter du 1 er juillet 2006 par un nouvel indice de référence des loyers. Ce nouvel indice, qui servira de référence à la révision annuelle des loyers, combinera, par tiers, l'indice des prix à la consommation, l'indice du coût de la construction et l'indice des prix d'entretien et d'amélioration du logement.
En conclusion, M. Dominique Leclerc, rapporteur , a appelé de ses voeux un soutien total de ce projet de loi afin d'en permettre la réussite pleine et entière sur le terrain.
M. Alain Gournac a souligné la nécessité de prendre en compte les structures parallèles qui existent déjà, notamment en termes de formation. Il a également exprimé le souhait d'une revalorisation de l'image de l'apprentissage. Il s'est enfin félicité du pragmatisme qui a conduit à réduire la durée des contrats d'avenir de deux ans à six mois pour que les ateliers et les chantiers d'insertion soient un succès.
Mme Michèle San Vicente a souhaité que soient maintenues les modalités d'agrément des services destinés aux personnes fragiles, pour préserver un service de qualité, et a suggéré de réfléchir à une revalorisation des rémunérations, afin d'encourager les personnes à aller vers ces secteurs.
M. Jean-Pierre Godefroy a regretté que la revalorisation de l'apprentissage, qu'il appelle de ses voeux, ait été abordée au fil des textes de façon partielle et dispersée, plutôt qu'au travers d'un texte unique élaboré sur la base d'une réflexion et d'un débat approfondis. Il a également émis des réserves sur le maintien de la possibilité pour les particuliers employeurs de verser des cotisations sociales sur une base forfaitaire plutôt que réelle.
Mme Gisèle Printz s'est inquiétée des conséquences de la féminisation de ces métiers sur les rémunérations et les conditions horaires pratiquées dans ce secteur, qui pourraient être en contradiction avec la future loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes. Elle a affirmé clairement son opposition au travail de nuit, du dimanche et des jours fériés pour les apprentis mineurs.
M. Nicolas About, président , a rappelé qu'il lui semble important que le jeune en formation découvre, dans le cadre de l'apprentissage, l'intégralité des aspects de son futur métier y compris ses contraintes et ses exigences.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe a rappelé le rôle essentiel de l'inspection du travail pour contrôler la légalité des conditions d'exercice de l'activité des apprentis mineurs. Il s'est réjoui que l'encadrement des activités de services prévues par le projet de loi conduise à une professionnalisation de ces nouveaux métiers. Il a enfin relaté une expérience réussie de développement de l'offre locative pour les ménages défavorisés, grâce à un système d'usufruit d'une durée de quinze ans au profit des bailleurs sociaux, sur des logements financés par les épargnants privés. Il a souhaité que cet exemple puisse être mis en oeuvre plus largement.
Mme Anne-Marie Payet s'est étonnée du fait que, en dépit de la récente déclaration de politique générale du Premier ministre, les dispositifs de service militaire adapté (SMA) ne soient pas évoqués dans ce texte, alors qu'ils affichent, ne serait-ce que dans son département, la Réunion, des taux de formation et d'intégration allant de 60 à 100 % selon les filières.
Mme Sylvie Desmarescaux a demandé confirmation du fait que l'agrément qui a déjà été octroyé aux organismes, entreprises ou associations ne sera pas remis en cause. Elle a en outre estimé singulière l'absence de références explicites aux mutuelles dans le projet de loi et s'est inquiétée de la diminution du volume horaire accordé aux personnes âgées pour les aides ménagères à domicile, ce qui contredit l'objectif de développement des services d'aide à la personne. Enfin, elle a suggéré de reconsidérer la question de l'exonération possible de charges sociales pour les associations utilisant le chèque-emploi-association.
M. Louis Souvet a souligné l'intérêt du dispositif proposé, notamment pour les femmes en activité, qui pourraient être soulagées de nombreuses tâches familiales. Il a par ailleurs émis des réserves sur la disposition qui prévoit de ramener de six à un mois la présence minimale des apprentis embauchés par une entreprise pour qu'elle puisse bénéficier d'un crédit d'impôt, craignant l'effet d'aubaine qui pourrait en résulter. Enfin, il a fait remarquer que la qualité des services d'aide à la personne tient autant aux qualités humaines des personnels qu'à leur professionnalisation.
Mme Bernadette Dupont s'est inquiétée de la qualité des services offerts, dans la mesure où la formation donnée aux personnels n'est pas garantie par la mise en oeuvre de moyens suffisants et où ce secteur pourrait attirer des personnes en grande difficulté. Elle a en outre tenu à rappeler le rôle, à son sens essentiel, du conseil général dans les procédures d'octroi d'agrément.
Mme Valérie Létard a invité à replacer le projet de loi dans un cadre plus global, car elle craint la survenance d'effets pervers. Elle a fait observer notamment que, dans le département du Nord, les enveloppes accordées aux personnes âgées pour les aides ménagères ont diminué de 27 % par rapport à 2004, tandis que les coûts horaires de ces services ont augmenté. Elle a souhaité qu'un amendement permette d'imposer le maintien de ces dotations pour éviter un phénomène de vases communicants entre les services actuels rendus à domicile et ceux que le présent texte souhaite encourager. Enfin, elle a évoqué les caractéristiques particulières des services à la personne, qui s'exercent le plus souvent à temps partiel et pourraient dès lors encourager le retour à l'activité de personnes en recherche d'emploi, à condition que soient mis en place des dispositifs d'incitation et de maintien des aides connexes au versement des minima sociaux.
Mme Raymonde Le Texier s'est émue du fait que les charges ménagères continuent de reposer essentiellement sur les femmes. Elle a ensuite rappelé que la situation économique d'un très grand nombre de ménages rend souvent difficile l'embauche d'une personne à domicile. C'est pourquoi elle considère comme peu plausibles l'hypothèse d'un développement d'ampleur de ce secteur et l'objectif de création de 500.000 emplois en trois ans.
Mme Isabelle Debré a regretté que les mécanismes d'incitation offerts aux entreprises privées et aux particuliers employeurs ne bénéficient pas davantage aux associations. Elle a notamment souhaité qu'il soit possible d'utiliser les chèques-emploi-association pour l'embauche de plus de trois salariés à temps plein.
M. Nicolas About, président , a fait observer que le chèque-emploi-association doit être plutôt réservé aux petites associations, les plus grandes disposant des moyens suffisants pour la gestion de leurs ressources humaines.
Mme Patricia Schillinger a souligné les difficultés auxquelles se heurte actuellement l'apprentissage et qui constituent des obstacles à sa revalorisation : difficultés à trouver un maître d'apprentissage, peu de congés, des frais liés à l'activité non pris en compte (repas, hébergement, déplacement), pour une rémunération inférieure à 200 euros par mois. Elle a fait observer que les pays frontaliers, notamment la Suisse, ont des organisations qui rendent l'apprentissage plus attractif.
M. Dominique Leclerc, rapporteur , a rappelé l'importance de ce texte pour améliorer la vie quotidienne des Français et créer de véritables emplois.
En réponse aux questions relatives à l'agrément des services à destination des personnes les plus fragiles, il a confirmé que les modalités d'octroi restent inchangées et que les agréments déjà existants seront maintenus. Il a souligné à cet égard que l'agrément et la professionnalisation dans les autres services d'aide à la personne constituent les axes forts du dispositif.
En ce qui concerne l'apprentissage, il a rappelé que le titre II du projet de loi n'a pas vocation à édicter des mesures de fond, mais simplement à corriger, par des mesures modestes et pragmatiques, les anomalies constatées après quelques mois d'application de la loi de programmation pour la cohésion sociale du 18 janvier 2005. Il a souligné son attachement particulier à ce que toute disposition en la matière soit précédée d'une discussion avec les partenaires sociaux.
En ce qui concerne le CESU, il a précisé que le chèque-emploi-association n'entre pas dans le champ de ce dispositif. En revanche, les associations prestataires de services à la personne bénéficieront d'une exonération totale de cotisations patronales.
M. Dominique Leclerc, rapporteur , a enfin expliqué que la réduction de quinze points de cotisations proposée par le texte correspond en réalité à 50 % d'exonération de charges patronales, ce qu'il entend clarifier en présentant un amendement.
Enfin, en réponse à Mmes Valérie Létard et Sylvie Desmarescaux, il s'est engagé à interroger le ministre concerné sur la réduction des enveloppes accordées aux personnes âgées pour les aides ménagères.
Puis la commission a examiné les amendements présentés par son rapporteur.
A l'article premier (régime de la fourniture des services à la personne et création du chèque-emploi-service universel), elle a adopté quatre amendements permettant de stabiliser le mode de fonctionnement des entreprises ou associations mandataires, de clarifier le statut de mandataire, d'envisager les cas d'urgence et de favoriser l'encaissement des chèques cofinancés par le réseau bancaire.
La commission a ensuite adopté deux articles additionnels visant respectivement à favoriser le développement de l'activité de petit bricolage « homme toutes mains » sous forme d'abonnement et à déroger au délai de rétractation de sept jours instauré par la loi Neiertz en cas de nécessité urgente.
La commission a ensuite adopté sans modification l' article 2 (durée de travail dans les services d'aide à domicile).
A l'article 3 (régime des cotisations et contributions sociales patronales), elle a adopté un amendement donnant une meilleure lisibilité à la mesure de réduction des cotisations patronales.
A l'article 4 (régime de l'allocation personnalisée d'autonomie), la commission a adopté un amendement proposant de rétablir la possibilité précédemment accordée aux départements de verser directement l'APA à un salarié.
La commission a ensuite adopté sans modification l' article 5 (régime fiscal).
A l'article 6 (activité de prestation de service et de distribution de matériels à domicile pour l'autonomie des personnes malades ou handicapées), elle a adopté un amendement rétablissant la possibilité explicite de faire valider des qualifications acquises grâce à l'expérience.
La commission a ensuite adopté sans modification l' article 7 (application dans les départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon) et les articles additionnels après l'article 7 (coordination et utilisation du chèque-emploi-service universel par les élus locaux).
A l'article 8 (modification de la durée minimale du contrat d'avenir), elle a adopté deux amendements rédactionnels.
A l'article 8 bis (majoration de la réduction d'impôt accordée aux tuteurs qui aident des créateurs d'entreprises handicapés), elle a adopté un amendement visant à supprimer la mesure gageant la majoration de la réduction d'impôt offerte au tuteur qui aide une personne handicapée à créer ou à reprendre une entreprise.
La commission a adopté l'article 8 ter (ouverture du contrat d'avenir et du CI-RMA aux bénéficiaires de l'AAH) sans modification.
A l'article 8 quater (modalités de conclusion des contrats d'avenir dans les établissements publics nationaux et organismes nationaux chargés d'une mission de service public), elle a adopté un amendement de précision et un amendement rédactionnel.
A l'article 8 quinquies (conventionnement des ateliers et des chantiers d'insertion par les communes), elle a adopté deux amendements permettant aux EPCI d'intervenir dans la création ou le financement d'ateliers et de chantiers d'insertion.
Elle a adopté sans modification l' article 9 (modification pour coordination du régime indemnitaire de précarité pour les contrats insertion-RMA revêtant la forme de contrats de travail temporaire) et l' article 10 (mise en oeuvre de la convention de reclassement personnalisé instituée par la loi de programmation pour la cohésion sociale).
A l'article 11 (travail de nuit des apprentis mineurs dans le secteur de la pâtisserie), elle a adopté un amendement de coordination avec l'article 11 bis.
A l'article 11 bis (travail des apprentis mineurs les dimanches et jours fériés), elle a adopté trois amendements visant à encadrer les dérogations au principe de l'interdiction du travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés lorsqu'elles sont justifiées par l'activité de certains secteurs.
A l'article 12 (réduction de la durée de présence d'un apprenti dans l'entreprise pour l'ouverture du droit au crédit d'impôt en faveur de l'apprentissage), la commission a adopté un amendement pour porter à trois mois la durée minimale de présence de l'apprenti dans l'entreprise valant bénéfice d'une réduction d'impôt.
Puis la commission a adopté sans modification les articles 13 (autorité compétente en matière de contrôle administratif et financier des fonds de l'apprentissage), 14 (modalités de financement des centres nationaux de formation d'apprentis), 15 (abrogation de l'article 49 du code de l'artisanat), 16 (concours financier apporté, à titre provisoire, par les personnes ou entreprises employant un apprenti au CFA où est inscrit l'apprenti), 17 (exception à la règle de surface minimum pour la mise en location d'un logement), 17 bis (nouveau) (dispositif de garantie contre les impayés de loyers), 17 ter (nouveau) (spécificités des baux accordés aux étudiants) 17 quater (nouveau) (exonération d'impôt sur les plus-values réalisées lors de la cession de biens immobiliers à des bailleurs sociaux), 17 quinquies (remplacement de l'indice du coût de la construction par une nouvelle référence d'indexation des loyers) et 18 (dispositions transitoires et entrée en vigueur du projet de loi).
La commission a enfin adopté le projet de loi ainsi amendé.