CHAPITRE VI
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
DE PROCÉDURE
Le présent chapitre tend à moderniser la procédure applicable à la sauvegarde, au redressement et à la liquidation judiciaires.
Actuellement, le code de commerce regroupe sous un chapitre III du titre II du livre VI les modalités de recours applicables aux procédures collectives (articles L. 623-1 à L. 623-10). La loi du 25 janvier 1985 a défini un régime dérogatoire au droit commun pour assurer un juste équilibre entre, d'une part, le souci d'éviter la multiplication des recours compte tenu des nombreux acteurs concernés et des pourvois dilatoires et, d'autre part, le respect du principe d'un double degré de juridiction particulièrement nécessaire étant donné la gravité des conséquences entraînées par les procédures collectives. Pour chaque décision importante rendue au cours de la procédure, le droit actuel précise la voie de recours qui lui est applicable.
La loi du 10 juin 1994 n'a pas remis en cause l'esprit de ce dispositif qu'elle a complété par un renforcement du rôle du ministère public.
Sous l'impulsion de la Cour de cassation, la recevabilité de certains recours pourtant interdits par la loi, dénommés « appels-nullité », a été cependant admise en cas de vices particulièrement graves affectant la décision ou de violation d'un principe essentiel du débat judiciaire ou d'excès de pouvoir. La juridiction suprême s'est néanmoins efforcée d'encadrer les conditions d'exercice de ces recours contra legem .
Le présent chapitre propose d'étoffer ces dispositions qui feraient l'objet d'un titre VI décomposé en deux chapitres respectivement relatifs aux voies de recours (articles L. 661-1 à L. 661-12) et à d'autres dispositions (articles L. 662-1 à L. 662-6).
Votre commission vous a proposé de modifier cette structure par un amendement qu'elle vous a présenté à l'article premier tendant à modifier l'annexe du projet de loi pour ajouter un nouveau chapitre consacré aux frais de procédure regroupant les règles relatives aux avances du Trésor public en cas d'impécuniosité du débiteur (nouvel article L. 663-1), les modalités de rémunération des mandataires de justice (nouveaux articles L. 663-2 et L. 663-3) et les frais de déplacement du juge-commissaire (nouvel article L. 663-4).
Article 167
Nouveau titre VI relatif aux
dispositions générales de procédure -
Nouveaux
chapitres I et II consacrés aux voies de recours
et à d'autres
dispositions
Cet article, supprimé par les députés à l'initiative de leur commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, a pour objet de préciser la nouvelle structure des règles relatives à la procédure.
Votre commission vous propose de maintenir la suppression de l'article 167.
Article 168
(art. L. 661-1 nouveau du code de
commerce)
Appel et pourvoi en cassation
Cet article a pour objet d'apporter deux modifications aux règles actuelles d'appel et de pourvoi en cassation contre les décisions prononcées durant le déroulement des procédures collectives. Il prévoit, d'une part, une exception à l'effet suspensif de l'appel formé par le ministère public et ouvre, d'autre part, au représentant des salariés une possibilité nouvelle de recours.
Actuellement , l'article L. 623-1 du code de commerce précise les décisions susceptibles d'un recours en appel ou d'un pourvoi en cassation .
Son paragraphe I mentionne les phases de la procédure susceptibles de recours, à savoir :
- les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure. Peuvent agir le débiteur, le créancier poursuivant ou le ministère public même s'il n'a pas agi comme partie principale (1° du I) ;
- les décisions statuant sur la liquidation judiciaire, arrêtant ou rejetant le plan de continuation de l'entreprise. Les voies d'action sont ouvertes au débiteur, à l'administrateur, au représentant des créanciers, au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel ainsi qu'au ministère public même s'il n'a pas agi comme partie principale (2° du I) ;
- les décisions modifiant le plan de continuation de l'entreprise. Les recours sont ouverts au débiteur, au commissaire à l'exécution du plan, au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel ainsi qu'au ministère public même lorsqu'il n'agit pas comme partie principale (3° du I).
Son paragraphe II pose le principe de l'effet suspensif du recours formé par le ministère public . Cette disposition, introduite par la loi du 10 juin 1994, tend à renforcer l'efficacité des recours introduits par le parquet. A la différence de ce que dispose la procédure civile, l'exécution provisoire des jugements rendus en matière de redressement et de liquidations judiciaire est de droit. Cette particularité s'explique par le souci d'éviter que des recours purement dilatoires puissent paralyser les mesures d'urgence qui s'imposent pour la sauvegarde de l'entreprise en difficulté. Cette prérogative du parquet s'inscrit dans la perspective d'un renforcement de son rôle de gardien de l'ordre public économique et social .
Outre la renumérotation de l'article L. 623-1 qui deviendrait l'article L. 661-1, le 1° du présent article propose d'étendre à toutes les décisions susceptibles d'être prononcées durant la procédure de sauvegarde les voies de recours applicables au redressement et à la liquidation.
Le 2° du présent article maintient la règle de l'effet suspensif de l'appel formé par le ministère public énoncée au II de l'actuel article L. 623-1 sous réserve d'une exception nouvelle pour permettre qu'un appel sur une décision statuant sur l'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ne soit pas suspensif. Comme l'indique l'exposé des motifs du projet de loi, l'ouverture urgente d'une procédure collective dissuade paradoxalement souvent le parquet d'exercer son droit de recours compte tenu des conséquences immédiates de son intervention.
Le 3° du présent article complète le dispositif actuel par un nouvel alinéa pour ouvrir toutes les voies de recours au représentant des salariés en sus des institutions représentatives du personnel . Toutefois, cette faculté serait soumise à une stricte condition relative à l'absence de comité d'entreprise ou de délégués du personnel 384 ( * ) . Cette innovation se justifie par le souci de prendre en compte le fait que nombre d'entreprises, notamment les très petites, sont dépourvues d'institutions représentatives des salariés. Or, comme l'a énoncé, la Cour de cassation, le représentant des salariés ne s'est pas vu reconnaître le statut d'institution représentative du personnel 385 ( * ) . La faculté pour le représentant des salariés d'exercer, en leur absence, les fonctions des délégués du personnel ou du comité d'entreprise par exemple en liquidation simplifiée 386 ( * ) n'a pas été assimilé au droit d'introduire des actions à leur place.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 168 sans modification .
Article 169
(art. L. 661-2 et L. 661-3
nouveaux du code de commerce)
Elargissement des voies de recours sur tierce
opposition
Le présent article a pour objet d'élargir les voies de recours sur tierce opposition.
? Actuellement, l'article L. 623-2 du code de commerce précise que les décisions statuant sur l'ouverture de la procédure peuvent faire l'objet d'un recours sur tierce opposition . Ainsi, le droit commun admet les actions émanant des tiers . Selon les articles 582 et suivants du nouveau code de procédure civile, la tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque. Cette voie de recours est ouverte à toute personne qui y a intérêt, à condition qu'elle n'ait été ni partie, ni représentée au jugement attaqué 387 ( * ) .
Cette disposition introduite par la loi du 10 juin 1994 permet d'ouvrir une voie de recours aux créanciers ce qui présente le double avantage de lutter contre les abus de dépôt de bilan et de demander, le cas échéant, la conversion d'une liquidation judiciaire en redressement et inversement.
Outre la renumérotation de l'article L. 623-2 qui deviendrait l'article L. 661-2 du code de commerce, le paragraphe I du présent article complète ce dispositif afin de préciser que les décisions rendues sur tierce opposition peuvent faire l'objet d'un recours soit en appel soit en cassation. L'appel sur les jugements d'ouverture n'a jamais été reconnu aux tiers car ils ne sont pas partie à la procédure.
? Actuellement, l'article L. 623-3 du code de commerce exclut l'exercice d'un recours sur tierce opposition à l'encontre des décisions arrêtant le plan de continuation.
Ce dispositif se justifie par le souci de ne pas entraver la mise en oeuvre rapide d'un plan de continuation et d'éviter qu'une incertitude pèse trop longtemps sur le déroulement de la procédure. Si cette règle n'appelle aucun commentaire sur le fond, elle soulève en revanche une difficulté quant à son effectivité. En effet, ne sont visées que les décisions arrêtant le plan, sans que le régime des voies de recours sur tierce opposition ait été précisé pour les décisions modifiant le plan de continuation. Cette incertitude a donné lieu à des interprétations contraires par la doctrine, certains considérant que dès lors que le législateur n'ouvre pas la tierce opposition, il entend la fermer, tandis que d'autres estiment au contraire que, faute de précision, il convient de suivre les principes généraux de la tierce opposition.
Outre la renumérotation de l'article L. 623-3, qui deviendrait l'article L. 661-3 du code de commerce, le paragraphe II du présent article prévoit d'inverser le principe actuel en ouvrant la tierce opposition aux décisions arrêtant ou modifiant le plan de continuation . Cette modification se justifie par le souci de prendre en compte la situation de certains créanciers qui peuvent avoir intérêt à contester l'arrêté de plans adoptés par les comités de créanciers constitués en application des articles L. 626-26 et suivants du code de commerce dans leur rédaction issue de l'article 92 du projet de loi. Le tribunal doit pouvoir s'assurer de ce que les intérêts de tous les créanciers ont été suffisamment protégés.
De plus, par coordination avec l'instauration de cette procédure, les décisions arrêtant ou modifiant le plan de sauvegarde seraient également incluses dans le champ du dispositif. Il s'agit d'étendre les pouvoirs des créanciers qui pourront désormais agir par cette voie.
Enfin, par cohérence avec les modifications opérées à l'article L. 661-2, la possibilité d'exercer les voies de recours habituelles (appel et pourvoi en cassation) à l'encontre des jugements arrêtant ou modifiant le plan rendus sur tierce opposition serait également mentionnée.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 169 sans modification .
Article 170
(art. L. 661-4 nouveau du code de
commerce)
Limitation des jugements non susceptibles de recours
Le présent article a pour objet de limiter les jugements non susceptibles de recours.
Actuellement , l'article L. 623-4 du code de commerce détermine les jugements non susceptibles de faire l'objet d'un appel , d'un pourvoi en cassation ou d'une tierce opposition . Sont visés :
- les jugements relatifs à la nomination et au remplacement du juge-commissaire (1°). Les décisions prises en ce domaine constituent des mesures d'administration judiciaire et non des décisions juridictionnelles ;
- les jugements rendus sur le recours contre les ordonnances du juge-commissaire dans la limite de ses attributions 388 ( * ) . Les restrictions apportées aux voies de recours s'expliquent le souci de ne pas retarder le déroulement de la procédure. Le délai de contestation de l'ordonnance du juge-commissaire s'élève à huit jours à compter de la notification de celle-ci et le tribunal est alors saisi de l'affaire 389 ( * ) (article 25 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985). Les jugements sur les ordonnances statuant sur les actions en revendication 390 ( * ) échappent cependant à cette règle et sont susceptibles de recours dans les conditions prévues par le code de commerce (appel, pourvoi en cassation et tierce opposition) (2°), cette exception se justifiant par le souci de protéger le droit de propriété.
Outre la renumérotation de l'article L. 623-4, qui deviendrait l'article L. 661-4 du code de commerce, le présent article dans sa rédaction issue du projet de loi initial proposait de maintenir ce dispositif sous réserve de l'extension de l'exception relative aux ordonnances du juge-commissaire à celles rendues sur les « demandes en restitution ». Cette modification se justifiait par le souci d'harmoniser les régimes très proches des actions en restitution et des actions en revendication.
Sur la proposition de Mme Arlette Grosskost, l'Assemblée nationale a réécrit cet article, contre l'avis de sa commission des lois mais avec l'avis favorable du Gouvernement, pour prévoir que seuls les jugements portant sur la nomination et le remplacement du juge-commissaire seraient non susceptibles de recours. M. Jérôme Chartier, défendant l'amendement, a fait valoir que l'importance des prérogatives du juge-commissaire rendait légitime d'autoriser l'exercice des voies de recours à l'encontre de tous les jugements rendus sur leurs décisions. M. Xavier de Roux, rapporteur au nom de la commission des lois, a estimé au contraire qu'une telle évolution risquait d'alourdir la procédure et, partant, de la ralentir.
Votre commission estime inopportune la multiplication des exceptions au principe selon lequel les jugements rendus contre les ordonnances du juge-commissaire ne sont pas susceptibles de recours . Une simplification du dispositif paraît préférable. Compte tenu du rôle pivot confié au juge-commissaire, il ne paraît pas choquant que les jugements rendus à l'encontre de ses décisions puissent faire l'objet d'un recours, en particulier au égard à la conception particulièrement exigeante de la Cour européenne des droits de l'homme du droit à un procès équitable.
Elle vous propose donc d'adopter l'article 170 sans modification .
Article 171
(art. L. 661-5 nouveau du code de
commerce)
Coordinations
Le présent article a pour objet de procéder à des coordinations à l'article L. 623-5 du code de commerce relatif aux voies de recours à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire rendues en matière de réalisation d'actifs au cours de la liquidation judiciaire.
Actuellement , l'article L. 623-5 du code de commerce ouvre au seul ministère public la possibilité de former un appel ou un pourvoi en cassation à l'encontre des ordonnances du juge-commissaire visées aux articles L. 622-16 à L. 622-18 respectivement relatifs aux ventes d'immeubles, à la cession d'unités de production et à la vente des autres biens de l'entreprise. Cette disposition a été introduite par la loi du 10 juin 1994, le législateur ayant à l'époque souhaité moraliser les cessions.
Outre la renumérotation de l'article L. 623-5 qui deviendrait l'article L. 661-5, le présent article tire les conséquences de la nouvelle numérotation des articles du livre VI du code de commerce. Il serait désormais renvoyé aux articles L. 642-16 et L. 642-19 qui reprennent respectivement en les articles L. 622-16 391 ( * ) et L. 642-19 392 ( * ) . Le renvoi à l'article L. 622-17 serait supprimé compte tenu de son abrogation par le tableau I annexé au projet de loi.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 171 sans modification .
Article 172
(art. L. 661-6 nouveau du code de
commerce)
Ouverture des possibilités d'appel
des décisions
relatives au plan de cession
Le présent article a pour objet d'ouvrir au débiteur la possibilité de faire appel des décisions arrêtant ou rejetant le plan de cession.
Actuellement, l'article L. 623-6 du code de commerce mentionne les décisions pour lesquelles les voies de recours sont restreintes .
Son paragraphe I mentionne les décisions susceptibles d'un appel de la part du ministère public exclusivement , même s'il n'a pas agi comme partie principale. Ne peuvent donc faire l'objet ni d'une tierce opposition ni d'un pourvoi en cassation, ni d'un appel introduit par les autres parties à la procédure les jugements :
- relatifs à la nomination ou au remplacement des organes de la procédure (administrateur, représentant des créanciers, liquidateur, contrôleur ou expert) (1° du I). Il semble logique que le ministère public qui exerce un rôle de surveillance sur les auxiliaires de justice dispose d'un droit de recours sur leur nomination ou leur remplacement ;
- statuant sur la durée de la période d'observation , sur la poursuite ou la cession d'activité ou sur l'autorisation de la location-gérance autorisée au cours de la période d'observation visée à l'article L. 621-34 (2° du I).
Son paragraphe II prévoit des règles de recevabilité de l'appel restrictives s'agissant des décisions arrêtant ou rejetant le plan de cession . Seuls sont autorisés à exercer un recours en appel le ministère public , même s'il n'a pas agi comme partie principale, le cessionnaire 393 ( * ) -uniquement dans l'hypothèse où le plan lui imposerait, en violation de l'article L. 621-63 du code de commerce 394 ( * ) , des charges autres que les engagements auxquels il a souscrit- et le cocontractant mentionné à l'article L. 621-88 395 ( * ) , lequel ne peut agir qu'à l'encontre de la partie du jugement qui lui fait grief.
Ce dispositif obéit à un double impératif contradictoire : permettre le contrôle de la décision juridictionnelle tout en sécurisant la cession. La jurisprudence a atténué le caractère très restrictif des voies de recours en ce domaine en acceptant « l'appel-nullité » qui permet de faire annuler un jugement entaché d'un excès de pouvoir ou pris en violation des principes de la procédure civile. Le débiteur en redressement judiciaire s'est vu reconnaître cette faculté ainsi que les organes de la procédure (représentant des créanciers, commissaire à l'exécution du plan, administrateur judiciaire).
Son paragraphe III précise les voies de recours possibles à l'encontre des jugements modifiant le plan de cession . Les mêmes règles que celles prévues au II s'appliquent, le cocontractant ne disposant cependant pas de la faculté d'appel.
Son dernier paragraphe prévoit l'effet suspensif de l'appel du ministère public. Cette disposition, identique à celle mentionnée à l'article L. 623-1, a été introduite par la loi du 10 juin 1994.
Outre la numérotation de l'article L. 623-6 qui deviendrait l'article 661-6 du code de commerce, le présent article apporte des modifications d'importance inégale à ses deux premiers paragraphes .
Au paragraphe I de l'article L. 661-6, serait opérée une coordination compte tenu de l'abrogation de l'article L. 621-34 396 ( * ) auquel le droit actuel renvoie.
Au paragraphe II de ce même article, outre une coordination pour modifier un renvoi à l'article L. 621-88, abrogé mais dont le contenu serait repris sous réserve de certaines modifications à l'article L. 642-7 397 ( * ) , il est proposé d'étendre au débiteur la faculté d'interjeter appel des jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession de l'entreprise . Le débiteur disposerait du même statut que le ministère public, à la différence du cocontractant et du cessionnaire dont le recours est subordonné à des conditions limitativement énumérées. Il serait ainsi mis fin à une situation paradoxale dans laquelle le débiteur dispose de la possibilité de faire appel d'un jugement arrêtant le plan de continuation tandis qu'il ne peut contester une décision d'un jugement relatif au plan de cession aux conséquences plus graves eu égard aux atteintes portées au droit de propriété. En outre, cette possibilité est déjà reconnue par la jurisprudence qui autorise les « appels nullité » du débiteur.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 172 sans modification .
Article 173
(art. L. 661-7 nouveau du code de
commerce)
Coordination
Supprimé par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement compte tenu du tableau II annexé au présent projet de loi, le présent article procédait à une simple coordination à l'article L. 623-7 relatif au pourvoi en cassation à l'encontre des jugements mentionnés au II et III de l'article L. 623-6 398 ( * ) .
Votre commission vous propose de maintenir la suppression de l'article 173.
Article 174
(art. L. 661-9 nouveau du code de
commerce)
Coordinations
Le présent article a pour objet d'opérer des coordinations à l'article L. 623-9 qui précise l'effet de l'appel sur la période d'observation.
Actuellement, le premier alinéa de l'article L. 623-9 du code de commerce dispose que lors du redressement, en cas d'infirmation du jugement imposant de renvoyer l'affaire devant le tribunal, la cour d'appel peut ouvrir une nouvelle période d'observation, d'une durée maximale de trois mois et d'un mois respectivement dans la procédure normale et dans la procédure simplifiée.
Le second alinéa prévoit la prolongation de la période d'observation jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel en cas d'appel d'un jugement statuant sur la liquidation judiciaire ou arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession et lorsque l'exécution provisoire est arrêtée.
Outre la renumérotation de l'article L. 623-9, qui deviendrait l'article L. 661-9 du code de commerce , le présent article propose :
- de supprimer la possibilité, prévue au premier alinéa, pour la cour d'appel d'ouvrir une nouvelle période d'observation d'un mois dans la procédure simplifiée par coordination avec la disparition du régime de redressement simplifié prévue par le projet de loi 399 ( * ) ;
- d'étendre à la procédure de sauvegarde la portée du second alinéa ;
- d'apporter une précision au second alinéa pour préciser que le jugement statuant sur la liquidation concerne la liquidation ouverte en « période d'observation ».
Votre commission vous propose d'adopter l'article 174 sans modification .
Article 175
(art. L. 661-11 et L. 661-12
nouveaux du code de commerce)
Appel des sanctions civiles par le
ministère public -
Dérogation aux règles de
compétence territoriale
Le présent article, modifié par l'Assemblée nationale, a un double objet : ouvrir au ministère public la faculté d'appel des sanctions civiles (patrimoniales et professionnelles) prononcées par la juridiction de première instance et reproduire dans la loi la dérogation aux règles de compétence territoriale des tribunaux appelés à statuer sur les procédures collectives.
? Le texte proposé pour l'article L. 661-11 du code de commerce : la reconnaissance d'un large droit d'appel au bénéfice du parquet en matière de sanctions civiles
Actuellement , faute de disposition prévue par le code de commerce, la procédure civile de droit commun définit les règles d'appel des sanctions civiles prononcées par le tribunal à l'encontre du débiteur. Cette voie de recours est ouverte au plaideur à la double condition qu'il soit partie à la décision attaquée et que celle-ci lui ait causé un grief.
Le droit actuel mentionne de nombreux litiges pour lesquels le ministère public est obligatoirement partie jointe 400 ( * ) et, partant, pour lesquels il n'a pas la possibilité d'interjeter appel. Tel est le cas s'agissant des sanctions civiles 401 ( * ) . La Cour de cassation a d'ailleurs appliqué ce principe à de nombreuses reprises 402 ( * ) .
A titre exceptionnel, une faculté d'appel a néanmoins été reconnue au ministère public en cas d'atteinte à l'ordre public 403 ( * ) .
Pour les sanctions pénales, le ministère public dispose toujours du droit de faire appel en application du 4° de l'article 497 du code de procédure pénale.
Le présent article tend à créer un article L. 661-11 du code de commerce pour permettre au ministère public, même s'il n'a pas agi comme partie principale de faire appel des décisions suivantes :
- condamnation en comblement de l'insuffisance d'actif ;
- condamnation en paiement des dettes sociales ;
- faillite personnelle ;
- interdiction de gérer.
Cet appel serait suspensif, ce qui paraît cohérent avec la volonté de renforcer le rôle du ministère public et reprend une règle déjà consacrée par le code de commerce pour d'autres décisions 404 ( * ) .
? Le texte proposé pour l'article L. 661-12 du code de commerce : le maintien dans la loi de la dérogation aux règles de compétence territoriale du tribunal chargé de statuer sur l'ouverture de la procédure collective
Sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a complété le présent article pour insérer un article L. 661-12 au sein du code de commerce afin de reproduire dans la partie législative du code la possibilité de renvoi d'une affaire en matière de procédure collective devant une autre juridiction à la demande du ministère public ou du président du tribunal saisi lorsque les intérêts en présence le justifient. Cette décision est prise par le premier président si les deux juridictions sont situées dans le même ressort ou par le premier président de la Cour de cassation lorsque les ressorts des deux juridictions sont différents.
Cette disposition, introduite par la loi du 25 janvier 1985 405 ( * ) et complétée par l'article 3 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985, se justifie d'une part par le souci d'éviter que des tribunaux de commerce de taille réduite aient à statuer sur une procédure qui concerne une très grande entreprise. En effet, une telle situation est possible compte tenu des critères de compétence des juridictions commerciales selon lesquels l'ouverture de la procédure collective s'effectue dans le tribunal dans le ressort duquel l'entreprise a son siège. D'autre part, ce dispositif constitue un moyen de « dépayser » l'affaire lorsque le contexte local risque de porter atteinte à une bonne administration de la justice. Il ne s'agit pas d'une innovation, la procédure civile 406 ( * ) et la procédure pénale 407 ( * ) prévoyant des dispositifs analogues.
L'article 4 de l'ordonnance n° 2000-912 du 18 septembre 2000 a tiré les conséquences de l'avis du Conseil d'Etat selon lequel ces dispositions étaient de nature réglementaire, en les supprimant de la partie législative du code à compter de l'entrée en vigueur de la partie réglementaire du code. A ce jour, ce dispositif relève toujours du domaine législatif, la partie réglementaire, en cours d'élaboration, n'étant pas entrée en vigueur.
M. Xavier de Roux, rapporteur au nom de la commission des lois, soutenu par M. Dominique Perben, garde des sceaux, n'a pas souscrit à l'analyse du Conseil d'Etat et a fait valoir que ce dispositif devait figurer dans la loi. L'Assemblée nationale a donc maintenu sa place dans la partie législative du code de commerce en renvoyant à un décret le soin d'en préciser les modalités.
Ce dispositif ne relève pas des règles régissant les voies de recours. Il aurait davantage sa place au sein du chapitre II du titre VI du code de commerce relatif à d'autres dispositions. Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose par un amendement de déplacer ces dispositions pour les faire figurer sous l'article L. 662-2 dont, dans un souci de cohérence , le contenu relatif aux avances des frais de justice par le Trésor public serait lui-même déplacé sous un nouveau chapitre III consacré aux frais de procédure (voir article 176 du projet de loi). .
En conséquence, elle vous propose d'adopter l'article 175 ainsi modifié .
Article 176
(art. L. 662-3 nouveau du code de
commerce)
Nouvel intitulé du chapitre II du titre VI consacré
à d'autres dispositions - Coordinations
Le présent article, supprimé par l'Assemblée nationale sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable du Gouvernement tend à opérer des coordinations avec la nouvelle structure du livre VI du code de commerce.
Son paragraphe I tendait à créer un nouveau chapitre consacré à d'autres dispositions que celles relatives aux voies de recours au sein du titre VI relatif aux dispositions générales de procédure.
Son paragraphe II proposait de modifier des renvois au sein de l'article L. 627-3 relatif à la prise en charge par le Trésor public des frais de justice, sous forme d'avances remboursables en fin de procédure, en cas d'impécuniosité du débiteur.
Les députés ont jugé ces dispositions redondantes avec les tableaux annexés au projet de loi.
Votre commission vous propose par un amendement de rétablir cet article pour y accueillir la dérogation aux règles de compétence territoriale des juridictions civiles appelées à statuer en matière commerciale figurant à l'article 175 afin de la faire figurer au sein du chapitre consacré à des dispositions diverses sous un article L. 662-2 et non au sein des dispositions relatives aux voies de recours.
Elle vous propose de rétablir l'article 176 ainsi rédigé .
Article 176 bis (nouveau)
(art. L. 662-2-1
nouveau du code de commerce)
Rémunération des mandataires de
justice
Inséré par l'Assemblée nationale sur la proposition de Mme Arlette Grosskost avec les avis favorables de la commission des lois et du Gouvernement, le présent article tend à déplacer les modalités de rémunération des mandataires de justice définies actuellement au livre VIII du code de commerce « De quelques professions réglementées » au sein des règles applicables aux procédures collectives, sous réserve de modifications marginales.
1. Le droit en vigueur
Actuellement , l'article L. 814-6 du code de commerce, issu de l'article 37 de la loi n° 85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic d'entreprise, renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les modalités de rémunération des administrateurs et mandataires judiciaires . Les règles de prise en charge de la rémunération des personnes appelées sur la demande des mandataires de justice à effectuer au profit de l'entreprise certaines tâches techniques non comprises dans les missions qui leur sont confiées et n'entrant pas dans leur compétence habituelle sont également renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.
La loi n° 2003-7 du 3 janvier 2003 modifiant le livre VIII du code de commerce a modifié ce dispositif par une simple coordination avec la création d'une liste d'inscription nationale pour les mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation.
Avant les modifications opérées en 2004, le décret n° 85-1390 fixant le tarif des administrateurs judiciaires en matière commerciale et des mandataires liquidateurs prévoyait que cette rémunération comportait un droit fixe d'un montant de 2.287 euros et un droit proportionnel, non au résultat du travail du mandataire, mais au travail lui-même évalué à partir de critères définis en fonction du chiffre d'affaires de l'entreprise en période d'observation, du prix de cession, du montant des créances rejetées ou des réalisations et recouvrements d'actifs.
Le rapport d'enquête sur l'organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce publié en juillet 1998 408 ( * ) a dénoncé ce mécanisme dont la complexité était souvent mise à profit par les mandataires pour prélever des sommes indues. Une simplification de la réglementation et notamment des barèmes avait été souhaitée afin d'éviter des comportements frauduleux et de permettre aux acteurs de la procédure de mieux contrôler le travail des mandataires.
Dans le même esprit, votre rapporteur , à l'époque rapporteur de la loi du 3 janvier 2003 précitée, avait également mis en exergue le « caractère pernicieux » des modalités de rémunération en vigueur , notant que les critères du tarif actuel paraissaient dangereux du fait de leur absence de neutralité sur la procédure . « Ainsi, le fait que la rémunération de l'administrateur judiciaire due au titre de la poursuite de l'activité pendant la période d'observation soit fonction du seul chiffre d'affaires est une incitation à un allongement de la durée de celle-ci. Par ailleurs, la cession de l'entreprise donnant lieu à la perception d'un droit particulier, cela tend à privilégier les plans de cession sur les plans de continuation. (...). Le fait que le représentant des créanciers soit rémunéré en proportion du nombre de créances rejetées n'est pas de nature à encourager à défendre les intérêts de ceux qu'il est censé représenter et défendre » 409 ( * ) .
Votre rapporteur, lors de l'examen de ce texte en première lecture en séance publique, le 21 février 2002, avait fait valoir qu'il ne fallait « pas encourager la conclusion à tout prix de plans de continuation, au risque d'un échec du plan encore plus douloureux qu'une liquidation ou qu'une cession intervenue plus tôt » 410 ( * ) . Lors de la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur ce même texte, le 5 décembre 2002, votre rapporteur réaffirmait « l'urgence qui s'attache à la révision des tarifs de ces professionnels », rappelant que le Sénat n'avait accepté de remédier au problème de l'impécuniosité des procédures 411 ( * ) que dans la perspective d'une refonte du décret fixant le tarif.
En réponse M. Pierre Bédier, alors secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice avait reconnu que le tarif actuel n'était « pas parvenu à créer un équilibre équitable , tant pour les justiciables qui en supportent le coût que pour les professionnels qui en bénéficient. » Il avait même souligné le paradoxe selon lequel le tarif « peut avoir un effet direct sur le traitement des procédures collectives » tout en étant « susceptible d'orienter certaines diligences au détriment de l'intérêt du dossier . » Dans ces conditions, il avait jugé indispensable une réforme d'ensemble du tarif des mandataires judiciaires tout en indiquant qu'elle ne pouvait être mise en oeuvre dans l'urgence, notant qu' « un tel choix ne serait pas compatible avec la rénovation globale du droit des procédures collectives, également indispensable. Le tarif devra en effet tenir compte des nouvelles missions qui seront alors dévolues à chacun de leurs acteurs. » Le Gouvernement s'était donc engagé à mener ce chantier « parallèlement » à celui du droit de la faillite.
Dans cette attente, le décret n° 2004-518 du 10 juin 2004 portant diverses dispositions relatives aux administrateurs judiciaires et aux mandataires judiciaires au redressement et à la liquidation des entreprises a procédé à une première modification du décret de 1985 .
Plusieurs dispositions de la réforme tarifaire issue du décret du 10 juin 2004 méritent d'être signalées car elles constituent un premier pas vers une remise à plat de la tarification des mandataires judiciaires. Peuvent être notamment citées : - la suppression du droit proportionnel -très controversé- de 5 % calculé sur la différence entre le montant de la créance déclarée et celui de la créance définitivement admise alloué au représentant des créanciers pour toute créance contestée. Les sommes perçues sur le fondement de ce dispositif donnaient lieu à des montants excessifs qui représentaient environ 15 % du chiffre d'affaires des mandataires ; - le blocage du tiers de la rémunération des mandataires jusqu'à la clôture du dossier ; - l'interdiction de toute perception d'acompte sur la rémunération sans justification de l'accomplissement des actes donnant lieu à la perception de cette rémunération. Outre que cette mesure est de nature à accélérer les clôtures, elle met un terme à une politique de prélèvement d'acomptes très excessive. La réforme n'a pas revalorisé la rémunération des mandataires. Cependant, en contrepartie de la suppression du droit assis sur la vérification des créances, certaines mesures ont été prises pour corriger certaines situations : - le versement d'une indemnité complémentaire aux émoluments perçus de 1.500 euros, permettant une rémunération forfaitaire dans les dossiers « impécunieux » c'est-à-dire comportant de très faibles actifs ; - la simplification du tarif prévu pour l'établissement des relevés des créances des salariés, ce droit s'élevant désormais à 120 euros par salarié, quelle que soit la taille de l'entreprise. |
2. Les modifications apportées par le projet de loi
Le présent article apporte peu de modifications sur le fond au dispositif actuel :
- il remplace le renvoi à un décret simple par un renvoi à un décret en Conseil d'Etat ;
- il supprime la référence à la rémunération des personnes appelées sur la demande des mandataires judicaires à effectuer des missions techniques indépendantes de celles confiées à ces derniers. Cette modification tire les conséquences des nouvelles modalités de désignation des techniciens prévues par le présent projet de loi qui confie cette tâche au juge-commissaire (article L. 621-8) 412 ( * ) ;
- il reproduit, sous réserve de modifications rédactionnelles, une disposition énoncée à l'article 19 du décret qui exclut toute autre rémunération ou remboursement de frais pour les mêmes diligences. Il s'agit de réaffirmer la volonté du législateur d'éviter des dérives tarifaires et des comportements frauduleux. Cette disposition tend à interdire la possibilité d'obtenir des rémunérations concomitantes à celles prévues par le tarif au prétexte qu'elles étaient relatives à des diligences complémentaires.
La modification la plus significative et porteuse de changement résulte paradoxalement d'une modification de pure forme tenant au déplacement du contenu de l'article L. 814-6 à l'article L. 662-2-1. En effet, ce changement de place démontre la volonté de mettre fin aux contradictions entre le mode de rémunération des mandataires de justice et la protection des intérêts des entreprises recherchée par les procédures collectives . En conséquence, il est proposé d'abroger l'article L. 814-6 et de remplacer les renvois à cet article dans divers articles relatifs au statut des mandataires de justice par un renvoi au nouvel article L. 662-2-1 (articles L. 811-1, L. 812-1, L. 814-7 et L. 958-1).
Votre rapporteur interprète cette démarche comme un premier pas vers une remise à plat du tarif. Il paraît indispensable que les pouvoirs publics engagent un travail de concertation avec les professionnels concernés, les magistrats consulaires et les autres acteurs de la procédure pour proposer une réforme consensuelle et respectueuse du droit des procédures collectives.
Le ministère de la justice a indiqué à votre rapporteur sa volonté de poursuivre cet effort en vue de rendre le tarif des mandataires judiciaires plus juste et plus vertueux . Les règles pourraient être simplifiées . En outre, le Gouvernement a annoncé son intention de définir un seuil au-delà duquel les rémunérations proportionnelles seraient supprimées et remplacées par une taxe fixée par le juge. De plus, la stricte séparation en deux missions distinctes de celle de commissaire à l'exécution du plan de cession, revenant essentiellement aux administrateurs, devrait permettre de mettre un terme à certaines rémunérations mal définies et source de nombreux excès. En contrepartie, la rémunération des administrateurs judiciaires devrait être valorisée lorsqu'un plan de sauvegarde ou de redressement aura été obtenu.
Le Gouvernement a fait des efforts significatifs pour accroître le contrôle de la tarification, ce dont votre commission ne peut que se féliciter.
Elle vous soumet un amendement pour déplacer le contenu de cet article pour le faire figurer au sein d'un chapitre dédié aux frais de procédure sous l'article L. 663-2 413 ( * ) .
En conséquence, elle vous propose de supprimer l'article 176 bis .
Article 177
(art. L. 662-4 nouveau du code de
commerce)
Publicité des débats
Le présent article définit le régime de la publicité des débats devant le tribunal de commerce et le tribunal de grande instance.
Le droit à un procès public constitue une garantie essentielle du droit à « un procès équitable » au sens de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH). La Cour de cassation a veillé au respect de ce principe qui protège les justiciables contre une justice secrète susceptible d'être arbitraire.
La publicité du prononcé du jugement , à l'instar de toute décision de justice, ne soulève pas de difficultés. Elle est d'ailleurs consacrée dans le décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985 à l'article 14 s'agissant du jugement d'ouverture de la procédure, à l'article 86 pour le jugement arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession, à l'article 119 relatif au jugement prononçant la liquidation judiciaire ou encore à l'article 164 en matière de sanctions.
Le caractère public des débats tenus devant le tribunal appelle une mise en oeuvre plus nuancée . Il convient, en matière de procédures collectives, de trouver un juste équilibre entre deux objectifs contradictoires : assurer l'information des créanciers et des tiers sur la situation du débiteur qui ne dispose plus de la libre administration de ses biens et éviter que cette transparence accroisse les difficultés de l'entreprise au risque de compromettre toutes ses chances de redressement.
Telle est la raison pour laquelle le droit actuel prévoit l'absence de publicité des débats dans un certain nombre d'hypothèses. La confidentialité est prévue avant l'ouverture de la procédure collective dans le cadre des procédures amiables lorsque le tribunal, et plus particulièrement son président, intervient. Même après l'ouverture d'une procédure collective, ce principe demeure . L'audition du débiteur et des représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, préalable aux jugements rendus par le tribunal 414 ( * ) s'effectue en chambre du conseil.
La chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 26 mai 1998, a estimé que l'audition préalable en chambre du conseil de la personne à l'égard de laquelle une procédure collective est susceptible d'être ouverte n'était pas incompatible avec l'article 6 alinéa 1 de la CEDH.
L'influence de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme a été notable pour faire progresser le principe de la publicité des débats. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs reconnu l'applicabilité de ce principe aux juridictions de l'ordre judiciaire (arrêt David du 4 octobre 1974). Toutefois, cette règle n'est pas intangible, la Cour européenne acceptant des adaptations. Elle autorise en effet :
- la faculté d'y renoncer (arrêt Le Compte, Van Leuven et de Meyere du 23 juin 1981), ni la lettre, ni l'esprit de l'article 6 de la CEDH n'empêchant une personne de renoncer de son plein gré, expressément ou tacitement, à cette garantie, sous réserve qu'elle ne soit pas équivoque et qu'elle ne se heurte à aucun intérêt public important ;
- des exceptions d'intérêt général. Le président du tribunal peut décider le huis clos afin de préserver la sérénité des débats.
Le présent article propose de définir les règles de la publicité des débats figurant dans diverses dispositions du code de commerce au sein d'un même article.
Il pose le principe selon lequel, avant l'ouverture d'une procédure collective, les débats devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce ont toujours lieu en chambre du conseil . Ainsi, lorsque le tribunal statue sur l'homologation de la conciliation, l'audition préalable du débiteur, des créanciers parties à l'accord, des représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, du conciliateur et du ministère public continuerait de se dérouler en chambre du conseil 415 ( * ) , de même que l'audition du débiteur, du représentant du comité d'entreprise préalable au jugement d'ouverture de la procédure collective 416 ( * ) . Ce dispositif ne paraît pas choquant dès lors que ces décisions ne revêtent pas un caractère proprement juridictionnel.
En revanche, le principe de la publicité des débats est affirmé après l'ouverture de la procédure à condition :
- soit que le débiteur, le mandataire judiciaire, l'administrateur, le liquidateur, le représentant des salariés ou le ministère public le demande ;
- soit que le président du tribunal le décide en cas d'évènements de nature à troubler la sérénité de la justice.
Ce dispositif permet de concilier le souci de garantir au débiteur que sa cause sera entendue publiquement tout en laissant la possibilité aux acteurs de la procédure d'apprécier si la chambre du conseil ne serait pas préférable pour éviter de donner une trop grande publicité aux difficultés de l'entreprise. Cette modification ne bouleverse pas le droit actuel.
Une exception serait toutefois posée à ce dispositif en matière de responsabilité pécuniaire des dirigeants (action en comblement de l'insuffisance d'actif et obligation aux dettes sociales) et de sanctions professionnelle s (faillite personnelle et interdiction de gérer). Le principe de la publicité des débats serait consacré de manière absolue sans possibilité pour le débiteur de demander le huis clos .
Cette disposition modifierait profondément le fonctionnement des débats préalables au jugement statuant sur les sanctions civiles. Contrairement à la philosophie du droit à un procès équitable, elle présente l'inconvénient d'aller à l'encontre des intérêts du mis en cause. Comme l'a fait valoir Mme Perette Rey lors de son audition devant votre commission le 30 mars 2005 417 ( * ) , il semble que ce souci de transparence se heurte à un constat objectif selon lequel près de 50 % des procédures en matière de sanction s'achèvent sans qu'une condamnation soit prononcée. Elle a jugé qu'une telle disposition conduirait à porter atteinte à la réputation de chefs d'entreprise défaillants mais honnêtes.
MM. Pascal Clément, président de la commission des lois, et Xavier de Roux, rapporteur, ont fait valoir les mêmes arguments au cours de débats à l'Assemblée nationale, jugeant plus logique de limiter l'obligation de transparence aux hypothèses de faute avérée. Ils ont de ce fait proposé de supprimer cette exception, contre l'avis du Gouvernement, mais n'ont pas été suivis par l'Assemblée nationale qui n'a pas adopté cette proposition.
Partageant la position défendue par la commission des lois de l'Assemblée nationale, votre rapporteur n'est pas convaincu que le respect du droit à un procès équitable implique nécessairement la « publicité systématique » des débats. La Cour européenne des droits de l'homme ne s'est d'ailleurs pas expressément prononcée en ce sens. Elle a en revanche toujours adopté une approche pragmatique de la notion de procès équitable au service de la personne mise en cause, ce qui milite au contraire pour l'instauration d'une règle soucieuse de son intérêt. De plus, outre son caractère vexatoire à l'égard du chef d'entreprise, une telle disposition ne paraît pas conforme à la philosophie du projet de loi qui, selon l'exposé des motifs, tend à « distinguer clairement les situations et adapter les réponses à chacune d'elles ». Enfin, il ne paraît pas possible d'écarter le huis clos dès lors que cette possibilité est autorisée sous de strictes conditions par la procédure pénale.
Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose un amendement tendant, outre à renuméroter le présent article compte tenu de la création d'un nouveau chapitre consacré aux frais de procédure, à permettre au débiteur de demander , avant les débats , que ceux-ci aient lieu en chambre du conseil . Le huis clos serait alors de droit.
Elle vous propose d'adopter l'article 177 ainsi modifié .
Article 178
(art. L. 662-5 nouveau du code de
commerce)
Coordinations
Le présent article a pour objet d'opérer des coordinations avec la nouvelle structure du livre VI du code de commerce au sein des dispositions relatives au licenciement du représentant des salariés.
Actuellement, l'article L. 627-5 du code de commerce définit le régime applicable au licenciement du représentant des salariés mentionné à aux articles L. 621-8, L. 621-135 et L. 622-2 relatifs à la désignation du représentant des salariés respectivement lors du jugement d'ouverture de la procédure de redressement, en cas de procédure simplifiée et lors du jugement d'ouverture de la liquidation ouverte sans période d'observation.
Il s'agit d'un régime dérogatoire au droit commun , justifié par le souci d'accorder une protection particulière au représentant des salariés compte tenu de son rôle important d'organe de la procédure et dont la présence au sein de l'entreprise durant le déroulement de la procédure collective est indispensable à l'accomplissement de sa mission. Ce dispositif s'inspire des règles de licenciement des délégués du personnel.
Le licenciement peut être décidé par l'administrateur, l'employeur ou le liquidateur après consultation du comité d'entreprise qui donne un avis sur le projet de licenciement (premier alinéa). L'autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement est requise. Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement (deuxième alinéa).
La suspension provisoire des fonctions de représentant des salariés est possible en cas de faute grave, l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur pouvant prononcer « la mise à pied immédiate de l'intéressé en attendant la décision définitive ». En cas de refus de licenciement, la mise à pied et ses effets sont annulés (troisième alinéa).
La protection contre le licenciement dont bénéficie le représentant des salariés dans l'exercice de sa mission de vérification du relevé des créances en application de l'article L. 621-36 cesse lorsque le dernier des salariés de l'entreprise a perçu l'intégralité des sommes qui lui sont dues par l'AGS dans la procédure de droit commun de redressement ou de liquidation judiciaire (quatrième alinéa).
Dans la procédure simplifiée, la protection du représentant des salariés qui, dans ce cas, exerce les fonctions du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, ne cesse qu'au terme de la dernière consultation ou audition prévue par la procédure de redressement judiciaire (dernier alinéa).
Outre la renumérotation de l'article L. 627-5, qui deviendrait l'article L. 662-5 du code de commerce, le présent article procède à diverses coordinations :
- il tire les conséquences de la suppression de la procédure simplifiée et du déplacement des dispositions applicables au redressement et à la liquidation respectivement aux articles L. 621-4 et L. 641-1 (1° du présent article),
- la référence à l'article L. 621-36 était remplacée dans la version initiale du projet de loi par une mention à l'article L. 625-2 (2° du présent article). L'Assemblée nationale, sur la proposition de sa commission des lois et avec l'avis favorable, a supprimé cette disposition compte tenu du tableau I annexé du projet de loi ;
- il tire les conséquences de la suppression de la procédure simplifiée (3° du présent article).
Votre commission vous soumet un amendement de pure forme pour renuméroter l'article L. 662-5 par coordination avec la création d'un nouveau chapitre consacré aux frais de procédure.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 178 ainsi modifié .
Article additionnel après l'article
178
(art. L. 663-1 à L. 663-3 nouveaux du code de commerce)
Dispositions relatives aux frais de procédure
Le présent article a pour objet de regrouper plusieurs articles relatifs aux frais de procédure au sein d'une même sous-section qu'il vous est proposé de créer (annexe du projet de loi) 418 ( * ) . En sus de ces modifications de pure forme, il propose de compléter le dispositif relatif aux avances des frais de justice par le Trésor public par coordination avec les nouvelles règles d'inventaire prévues par le présent projet de loi.
Outre la renumérotation de l'article L. 627-3 consacré à la prise en charge par le Trésor public des frais de justice , sous forme d'avances remboursables en fin de procédure, en cas d'impécuniosité du débiteur qui deviendrait l'article L. 663-1, le paragraphe I du présent article additionnel propose d'y apporter un complément.
Actuellement, l'article L. 627-3 du code de commerce prévoit qu'en cas d'impécuniosité du débiteur, le Trésor public, sur ordonnance motivée du juge-commissaire ou du président du tribunal, peut consentir des avances sur les frais de justice après accord du ministère public dans un certain nombre d'hypothèses (décisions intervenant au cours de la procédure de redressement ou de liquidation rendues dans l'intérêt collectif des créanciers ou du débiteur, actions tendant à conserver ou à reconstituer le patrimoine du débiteur et décisions prononçant des sanctions professionnelles). Or, le caractère obligatoire de la réalisation de l'inventaire et de la désignation d'un officier public par le tribunal à cette fin s'accorde mal avec la nécessité d'un accord du parquet préalable à cette désignation. Telle est la raison pour laquelle votre commission vous propose de prévoir une dérogation pour permettre l'avance de la rémunération de la personne chargée de l'inventaire sans l'accord du parquet .
Le paragraphe II du présent article additionnel tend à reprendre, en le renumérotant, le contenu de l'article 176 bis précédemment supprimé relatif à la rémunération des mandataires judiciaires afin de le faire figurer au sein d'une section spécifique consacrée aux frais de procédure sous un article L. 663-2.
Le paragraphe III du présent article additionnel propose, par coordination avec le paragraphe précédent, de transférer au sein du livre VI du code de commerce l'article L. 814-7 du code de commerce relatif à la rémunération des dossiers impécunieux. En effet, ce dispositif qui constitue une partie intégrante des règles tarifaires applicables aux mandataires de justice ne saurait en être dissocié. Il vous est proposé de le déplacer pour le faire figurer sous un article L. 663-3 et par conséquent d'abroger l'article L. 814-7.
Les paragraphes IV et V procèdent à des coordinations de pure forme au sein du livre VIII du code de commerce relatif à « quelques professions réglementées » en conséquence du transfert des modalités de rémunérations des mandataires de justice au sein des règles relatives aux procédures collectives.
Votre commission vous propose d' insérer cet article additionnel après l'article 178.
* 384 Le code du travail prévoit l'élection de deux catégories de représentants des salariés : les délégués du personnel pour les entreprises qui emploient au moins onze salariés (article L. 421-1) et le comité d'entreprise pour les entreprises de plus de cinquante salariés (article L. 431-1).
* 385 Ch. sociale, 27 juin 2002.
* 386 Actuel article L. 621-135 du code de commerce.
* 387 L'opposition doit être formée dans un délai de dix jours.
* 388 La Cour de cassation, dans de nombreux arrêts, a précisé les limites des attributions du juge-commissaire en estimant par exemple que celui-ci outrepassait ses attributions lorsqu'il modifiait les conditions d'une cession d'unités de production qu'il avait précédemment ordonnée ou encore lorsqu'il statuait sur la qualification d'un contrat de travail ou homologuait une transaction.
* 389 A l'exception de certains recours (ordonnance statuant sur l'admission des créances au passif) qui sont portés devant la cour d'appel.
* 390 L'action en revendication permet d'établir un droit de propriété sur un bien pour le rependre des mains d'un tiers détenteur.
* 391 Voir supra, le commentaire de l'article 126 du projet de loi.
* 392 Voir supra, le commentaire de l'article 127 du projet de loi.
* 393 C'est-à-dire le candidat dont l'offre a été retenue.
* 394 Aux termes duquel, « le plan désigne les personnes tenues de l'exécuter et mentionne les engagements qui ont été souscrits par elles. (...) Les personnes qui exécuteront le plan, même à titre d'associés, ne peuvent pas se voir imposer des charges autres que les engagements qu'elles ont souscrits au cours de sa préparation ». Par exemple, lorsque l'offre portait sur un bien précis qui n'est pas défini de la même manière dans le jugement de cession.
* 395 Il s'agit du cocontractant dont le contrat est cédé.
* 396 Voir tableau I annexé au projet de loi. Cet article autorise, en période d'observation, la conclusion d'un contrat en location-gérance pour une durée de deux ans. Le projet de loi prévoit que la location-gérance serait possible uniquement dans le cadre d'une cession.
* 397 Voir supra, le commentaire de l'article 124 du projet de loi.
* 398 Il s'agit des jugements arrêtant ou rejetant le plan de cession de l'entreprise ainsi que les jugements modifiant le plan de cession.
* 399 Voir le chapitre III du projet de loi (articles 99 à 106).
* 400 Ce qui signifie selon l'article 424 du nouveau code de procédure civile que le ministère public fait connaître son avis sur l'application de la loi dans une affaire dont il a communication.
* 401 Voir le 2° de l'article 425 du nouveau code de procédure civile qui énumère les jugements dans lesquels le ministère public est obligatoirement partie jointe.
* 402 Ch. commerciale, 3 février 1998 (à propos d'un jugement refusant une condamnation en comblement de l'insuffisance d'actif), 20 janvier 1998 (concernant un jugement refusant de prononcer la faillite personnelle).
* 403 Ch. commerciale, 20 janvier 1998.
* 404 Voir supra, le commentaire des articles 168 et 172 du projet de loi.
* 405 Troisième alinéa de l'article 7.
* 406 Par exemple en cas de suspicion légitime (articles 356 à 363 du nouveau code de procédure civile) ou de récusation admise contre plusieurs juges (article 364 du même code).
* 407 Les cas de dessaisissement sont : la suspicion légitime (article 662 du code de procédure pénale, l'interruption du cours de la justice ou l'impossibilité de composer normalement une juridiction (article 665-1 du même code), le renvoi à la juridiction de détention (article 664 du même code) et l'intérêt d'une bonne administration de la justice (article 665 du même code).
* 408 Rapport d'enquête sur l'organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce élaboré conjointement par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des services judiciaires - juillet 1998.
* 409 Rapport n° 180 (Sénat, 2001-2002) de M. Jean-Jacques Hyest.
* 410 Débats du 21 février 2002, JO Sénat du 22 février 2002, p. 1757.
* 411 Une révision urgente du tarif rendait nécessaire le défraiement des procédures impécunieuses qui représentait environ 40 % des dossiers avant l'adoption de la loi de 2003.
* 412 Voir supra, le commentaire de l'article 20 du projet de loi.
* 413 Voir l'article additionnel après l'article 178.
* 414 Cette règle s'applique notamment aux auditions préalables aux jugements prononçant l'ouverture d'une procédure collective (article L. 621-4), aux jugements arrêtant ou rejetant le plan de continuation ou de cession (article 80 du décret n° 85-1388 du 27 décembre 1985), aux jugements statuant sur les sanctions patrimoniales (articles 164 et 169 du décret de 1985 précité).
* 415 Voir le texte proposé pour l'article L. 611-9 par l'article 7 du projet de loi.
* 416 Voir le texte proposé pour l'article L. 621-1 par l'article 15 du projet de loi.
* 417 Voir Bulletin des commissions n° 22 précité - p. 4309.
* 418 Cette sous-section comprendrait quatre articles relatifs respectivement aux avances des frais de justice par le Trésor public en cas d'impécuniosité du débiteur (actuel article L. 627-3), aux modalités de rémunération des mandataires judiciaires (actuel articles L. 814-6 et L. 814-7) et aux frais de déplacement du juge-commissaire (actuel article L. 627-2).