c) Le règlement n° 2273/2003 du 22 décembre 2003
Le règlement n° 2273/2003 de la Commission du 22 décembre 2003, portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE en ce qui concerne les dérogations prévues pour les programmes de rachat et la stabilisation d'instruments financiers, est important en ce qu'il a trait à des pratiques de marché parfois controversées , ainsi que l'a illustré le cas des rachats d'actions opérés par la société Vivendi Universal en octobre 2001, dans un contexte boursier fortement affecté par les attentats aux Etats-Unis. Ce règlement ne remet pas en cause la légitimité des interventions des émetteurs sur leurs propres titres , mais s'inscrit dans un courant de promotion du gouvernement d'entreprise et d'une plus grande transparence à l'égard des actionnaires, et répond à une volonté de pallier certains dysfonctionnements intervenus au cours des dernières années.
(1) Les programmes de rachat de titres
L'article 3 de ce règlement, tout comme l'article 8 de la directive du 28 janvier 2003, crée une présomption irréfragable de légitimité 18 ( * ) au regard du régime de l'abus de marché, couramment désignée comme « safe harbour », au profit des programmes de rachats de titres et des mesures de stabilisation d'instruments financiers répondant à certaines conditions.
L'article 3 dispose en particulier que pour bénéficier de la dérogation aux interdictions prévues par la directive du 28 janvier 2003, ce type de programme doit « avoir pour seul objectif de réduire le capital d'un émetteur (en valeur ou en nombre d'actions) ou de lui permettre d'honorer des obligations liées à des titres de créances convertibles en titres de propriété, (ou) à des programmes d'options sur actions ou autres allocations d'actions aux salariés de l'émetteur ou d'une entreprise associée ». Il n'est donc pas fait mention, parmi ces objectifs, des rachats aux fins d'accumuler des titres susceptibles d'être apportés ou échangés dans le cadre de futures opérations de croissance externe.
Cette disposition est néanmoins assouplie par la directive-cadre du 28 janvier 2003, qui prévoit que les régulateurs nationaux peuvent faire bénéficier d'une présomption simple de légitimité des pratiques déjà admises sur leur place financière . L'AMF a ainsi récemment reconnu deux pratiques de marché complémentaires (cf. infra ).
Les conditions d'accès des programmes de rachat au « safe harbour » incluent des règles relatives à la publicité et au déroulement même des opérations, définies par les articles 4 à 6 du règlement et auxquelles le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (cf. infra ) fait explicitement référence. Ces conditions ont trait au prix comme aux volumes des programmes de rachat , et sont précisées plus loin.
La présomption de légitimité suppose aussi, aux termes de l'article 6 du règlement, que l'émetteur s'abstienne de procéder à certaines opérations pendant la durée de la mise en oeuvre du programme de rachat et une période spécifique :
- la vente de ses propres actions ;
- les interventions sur le marché durant une période qualifiée de « fenêtre négative » (cf. infra ) ;
- et les opérations portant sur des valeurs au sujet desquelles l'émetteur a décidé de différer la publication d'une information privilégiée.
Cette obligation d'abstention ne joue toutefois pas dans trois conditions :
- si l'émetteur est une entreprise d'investissement ou un établissement de crédit ayant mis en place des « murailles de Chine » sur la circulation des informations privilégiées ;
- si l'émetteur a mis en place un programme de rachat assorti d'un calendrier précis ;
- et si le chef de file du programme de rachat est une entreprise d'investissement ou un établissement de crédit qui décide de ses interventions en toute indépendance. Cette disposition concerne en particulier les interventions sur le marché dans le cadre d'un « contrat de liquidité » conclu avec l'émetteur.
(2) La stabilisation d'un instrument financier
La stabilisation est définie par le point 7 de l'article 2 comme « tout achat ou offre d'achat de valeurs concernées, ou toute opération portant sur des instruments associés équivalents, réalisé par des entreprises d'investissement ou des établissements de crédit dans le contexte d'une distribution significative de telles valeurs, dans le seul but de soutenir leur prix sur le marché pendant une durée prédéterminée en raison d'une pression à la vente s'exerçant sur elles ». Les articles 7 à 11 du règlement précisent les conditions de publicité et d'information, de durée et de prix qui permettent aux mesures de stabilisation d'un instrument financier de bénéficier de la présomption de légitimité.
La durée des opérations de stabilisation doit être limitée . Pour les actions et autres titres équivalents, la période de stabilisation commence à la date du début de la négociation des valeurs sur le marché réglementé et s'achève au maximum trente jours calendaires plus tard. Pour les obligations et autres titres de créances, cette période commence à la date de publication des conditions de l'offre et s'achève à la plus proche des deux dates suivantes : soit au maximum trente jours calendaires après la date à laquelle l'émetteur des titres a reçu le produit de son émission, soit au maximum soixante jours de calendrier après la date d'allocation des valeurs concernées.
S'agissant des conditions relatives au prix , la stabilisation d'actions ou de titres convertibles en actions ne peut s'effectuer à un prix supérieur à celui de l'offre. Il convient de préciser que cette disposition trouve en particulier à s'appliquer lors de l'introduction d'une société en bourse . Des mesures de stabilisation de cours sont, en effet, fréquemment mises en oeuvre lors du premier jour de cotation et durant la période consécutive à l'introduction. Cette phase d'animation du marché ne doit pas pour autant permettre de contourner les principes d'information du marché, c'est-à-dire de proposer à certains investisseurs un cours supérieur à celui qui a été auparavant annoncé pour la nouvelle offre sur le marché, sous couvert de stabilisation du cours du titre.
* 18 C'est-à-dire une présomption qui ne peut être renversée par une preuve contraire.