3. Les quatre textes d'application
La directive cadre du 28 janvier 2003 a été complétée, conformément au processus Lamfalussy et au point 10 de l'article 6 de cette directive, qui prévoit que la Commission adopte plusieurs mesures d'exécution « afin de tenir compte des évolutions techniques des marchés financiers et d'assurer une application uniforme » de la nouvelle législation, par trois directives et un règlement tendant à préciser plusieurs aspects importants de cette directive évoqués supra , s'agissant en particulier de la prévention des abus de marché.
a) La directive 2003/124/CE du 22 décembre 2003
La directive 2003/124/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 décembre 2003, portant modalités d'application de la directive 2003/6/CE en ce qui concerne la définition et la publication des informations privilégiées et la définition des manipulations de marchés, apporte des précisions dans les domaines suivants :
- la définition de l'information privilégiée , complétée sur son caractère « précis » et sur « l'effet sensible » qu'elle peut avoir sur le cours d'un instrument financier ;
- les modes et délais de publication de telles informations, afin de garantir au public un accès rapide et de l'informer de tout changement significatif venant affecter cette information postérieurement à sa publication ;
- les mesures tendant à garantir la confidentialité de l'accès à une information privilégiée ;
- le « faisceau d'indices » non limitatifs permettant d'identifier les manipulations consistant à donner des indications fausses ou trompeuses ou à fixer les cours à un niveau anormal ou artificiel, constitutifs d'une manipulation de marché (cf. infra ) ;
- les signaux et indices non limitatifs permettant d'identifier les manipulations consistant à recourir à des procédés fictifs ou à toute forme de tromperie ou d'artifice ;
- enfin les intérêts légitimes de l'émetteur justifiant le report de l'information du public , afin de protéger le secret des affaires. L'article 3 de la directive vise ainsi les deux situations suivantes, de manière non exhaustive :
- « a) (les) négociations en cours, ou éléments connexes, lorsque le fait de les rendre publics risquerait d'affecter l'issue ou le cours normal de ces négociations . En particulier, en cas de danger grave et imminent menaçant la viabilité financière de l'émetteur , mais n'entrant pas dans le champ des dispositions applicables en matière de droit des faillites, la divulgation d'informations au public peut être différée durant une période limitée si elle risque de nuire gravement aux intérêts des actionnaires existants et potentiels en compromettant la conclusion de négociations particulières visant à assurer le redressement financier à long terme de l'émetteur » . Il s'agit donc d'une situation pré-judiciaire , dans laquelle l'émetteur éprouve de graves difficultés financières, sans pour autant se trouver dans la situation de cessation des paiements (ou proche de cette situation, s'agissant de la nouvelle procédure de sauvegarde qu'il est prévu d'introduire en droit français) qui détermine la mise en oeuvre de procédures collectives ;
« b) (les) décisions prises ou contrats passés par l'organe de direction d'un émetteur, qui nécessitent l'approbation d'un autre organe de l'émetteur pour devenir effectifs , lorsque la structure dudit émetteur requiert une séparation entre les deux organes, à la condition que la publication de ces informations avant leur approbation, combinée à l'annonce simultanée que cette approbation doit encore être donnée, fausserait leur correcte appréciation par le public ». Ce cas vise plus particulièrement les sociétés dont l'organisation est qualifiée de « dualiste », dirigées par exemple par un directoire et un conseil de surveillance.
Votre rapporteur général juge que cette définition des intérêts légitimes, outre qu'elle n'est pas limitative et peut donc donner lieu à une conception extensive, est plutôt floue, arbitraire et d'interprétation difficile , alors même que ses conséquences sont importantes car elle porte atteinte à la transparence de l'information. Il rappelle, à cet égard, que les négociateurs allemands, notamment en raison du mode d'organisation traditionnellement dualiste des sociétés de ce pays, se sont montrés les plus attachés à cette notion d'intérêts légitimes, alors que la France y était opposée. Le règlement général de l'AMF, en son article 222-3, n'en a pas moins repris exactement les mêmes termes, ce que l'on peut regretter .